Malatià

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D'un œil avide, Tom Maynard observait l'homme à terre devant lui et il n'aimait pas l'impression de sale qui se lisait sur les traits striés de larmes et bouffis de désespoir.

Vide de toute émotion, il leva le Luger subtilisé à un officier allemand fait prisonnier à Monte Cassino et tira à deux reprises. La cave où il se trouvait avec Tommasi et l'homme dont le nom ne signifiait rien pour lui s'emplit de la fumée des coups de feu. Puis vint l'odeur âcre de la poudre, celle cuivrée du sang. Des senteurs lourdes qui lui firent comprendre la portée de son geste, lui qui n'avait jamais tué de manière si rapprochée, mais qui ne le touchèrent pas. Le calme intérieur qu'il ressentait le fascina. À côté de lui, le lieutenant de Don Cambiasso le pressa :

 " Dobbiamo andare via di qui. Ora !

 - En anglais, mon gars.

 - Les carabinieri seront bientôt là. Il faut qu'on parte. "

Un éclair mauvais passa dans le regard de Maynard. En écho, une lueur hésitante traversa celui du mafioso. Damiano Tommasi avait croisé un bon nombre de tueurs à la solde de la Camorra mais aucun ne dégageait la froideur de Tom Maynard. " Quest'uomo è pazzo. Un vero psicopatico. " relaterait-il plus tard à Signore Cambiasso. Tommasi n'était pas homme à avoir peur de ses semblables mais il se surprit à craindre Tom Maynard.

Les deux hommes ne parlèrent pas pendant le chemin du retour. L'un savourait le moment, l'autre s'interrogeait sur la présence d'un tel tueur au sein de l'organisation.

Cette nuit-là, Maynard trouva Emilianna plus chienne que d'habitude. Ils baisèrent avec brutalité jusque dans la luminosité grisâtre de l'aube. Emilianna s'endormit après s'étre vautrée dans le stupre et les relents de violence qu'elle avait sentis sur la peau de son compagnon. Comme une communion pour leurs deux âmes noires.

Dans l'éclat incertain de l'aurore, Tom resta éveillé un moment. Le remords ne le touchait pas, il n'éprouvait ni honte ni colère. Ni même un peu de compassion pour la famille de l'homme qu'il avait abattu. Ce fut l'absence de sentiments qui l'interrogea. Le médecin-commandant de son ancien régiment n'avait-il pas utilisé une fois le terme de sociopathe pour qualifier les Waffen-SS et les chemises noires de Mussolini ? Se pouvait-il qu'il existe des hommes de la même trempe dans le camp des vainqueurs ?

 " On ne fait pas d'omelette sans casser d'œufs. " murmura-t-il aux volutes bleutées de sa cigarette. Et on ne part en guerre si on n'est pas prêt à distribuer autant de violence que le camp d'en face. En juge impartial, " Don " Cambiasso avait prononcé à l'encontre de l'homme exécuté dans sa cave une sentence de mort. Tom Maynard n'était que le bras armé, le bourreau assigné.

Peu lui importait d'apporter mort et chagrin. Tout ce qu'il désirait, c'était rendre Emilianna heureuse et gagner de l'argent.

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