Écrit en écoutant notamment : BFRND - Hedge Fund Trance (Part 2)

Samedi 19 octobre 2013, 22h30

Le grand salon de la demeure s’était transformé en vaste piste de danse. Sur les côtés, ils étaient également nombreux à converser dans les divers canapés, un gobelet d’alcool ou de soda tiède à la main. C’était une des filles de Première qui avait voulu organiser cette grande soirée en ce début de vacances de la Toussaint. Les élèves des deux classes de Première de leur petit lycée, dont faisaient partie Rémi, Félix, Julian et Côme, avaient été invités pour mieux se connaître et s’amuser jusque tard dans la nuit. Après une dernière semaine de cours où comme d’habitude, faute de coordination entre les profs, une avalanche de contrôles les avaient assommés, garçons et filles s’étaient mis sur leur trente-et-un pour cette soirée très attendue, sur laquelle ils fantasmaient pour la plupart depuis plusieurs jours.

Lorsque les premières notes de Animals de Martin Garrix retentirent, la masse de lycéens poussa une grande exclamation : les prochaines minutes s’annonçaient épiques ! Félix et Julian, alors assis l’un à côté de l’autre, se levèrent ensemble pour danser. Ils se laissèrent porter par la tension grisante née de l’intensité de la célèbre mélodie électronique et Julian en profita pour embrasser son amoureux avec délectation. Pour une étrange raison, le morceau lui évoquait la sortie au lac avec Félix, leurs hésitations, leurs confidences, leurs baisers passionnés, et l’emplissait maintenant d’un fabuleux sentiment d’invincibilité. Dès le début de l’année scolaire, ils n’avaient pas tardé à officialiser leur relation auprès de la classe. Mettre rapidement les choses au clair avait très certainement contribué à l’excellente assimilation de la nouvelle ; il fallait heureusement plus souvent s’employer à refroidir la curiosité de quelques filles que moucher quelque irrespectueux.

Fort de son expérience estivale, Rémi essayait lui de s’intégrer aux discussions de certains groupes de filles, avec un succès plutôt aléatoire. Côme, qui avait exceptionnellement été autorisé par ses parents à rester jusqu’à une heure du matin, le suivait avec un peu moins d’assurance, son gobelet encore quasiment plein à la main. Le jus d’orange au fort goût d’alcool ne le rassurait pas, et il n’aurait pas fallu pas que ses parents ne se doutassent de quoi que ce soit quand ils l’auraient récupéré. D’ailleurs, le mélange machiavélique avait déjà fait ses premières victimes, occupées à déverser piteusement l’excédent d’alcool dans un recoin sombre du jardin.

Des vociférations venant de la terrasse attirèrent les jeunes à l’extérieur. Ils découvrirent Thomas et Nico en train de s’écharper méchamment, front contre front, jusqu’à ce que fatalement, ils s’empoignassent et que les coups se missent à pleuvoir. Dans l’idéal, il aurait fallu ne pas inviter ces deux énergumènes aux tendances belliqueuses, mais on n’allait pas non plus les exclure d’une telle soirée de classe. Pendant que l’hôte de la soirée, accompagnée de quelques garçons, allèrent les séparer, Rémi revint trouver Félix et Julian.

— Sûrement une histoire de meuf… Au moins, ça ne risque pas d’arriver à vous deux !

— Hmm, je ne sais pas de quoi je serais capable si quelqu’un essayait de me piquer mon Félix, répondit Julian.

— J'avoue que je me demande vraiment à quoi tu ressembles, lorsque tu es en colère. C'est tellement rare !

Plus loin, on s’expliquait toujours avec virulence, bien que le motif réel de la bagarre ne fût toujours pas clair.

— Sinon, tu as vu Côme ? demanda Félix à Rémi. On dirait qu’il s’est volatilisé depuis vingt minutes.

— Mais non, il n’est que onze heures et demie… il doit juste être passé aux toilettes. Venez prendre un autre verre et détendez-vous !

Il se dirigea alors vers une table parsemée de packs de bière éventrés et ramena trois bouteilles.

— À nos vacances bretonnes ! s’exclama Rémi. Et aux prochaines aussi ! Il faut vraiment qu’on refasse quelque chose cet hiver ou l’été prochain.

— Entièrement d’accord !

C’est à ce moment que Côme sortit du salon et se dirigea vers eux. Son air survolté aurait pu faire croire qu’il avait finalement succombé aux boissons alcoolisés, mais avant même d’arriver devant ses trois amis, il s’écria :

— Rémi, ça a marché ! C’est incroyable !

— Euh… quoi donc ?

— C’est Tiphaine, tous les signes que tu m’avais décrits étaient là ! Puis on s’est retrouvés seuls dans la cuisine, et je lui ai dit qu’elle me plaisait, toujours comme tu me l’as conseillé. Et elle m’a embrassé ! Et puis j’ai recommencé, c’était génial !

Rémi esquissa une grimace que Côme ne comprit qu’une fois qu’il se fut retourné.

— Oh non, quelle honte ! Je pensais que tu étais restée à l’intérieur…

— Ah non, désolé… mais ce n’est pas grave, lui répondit Tiphaine avec un sourire rassurant.

Derrière, son amie avait du mal à contenir son rire, mais le nouveau baiser initié par Tiphaine la laissa complètement stupéfaite, tandis que Rémi ne put s’empêcher d’émettre un sifflement suggestif. Côme profita des deux bonnes heures qui lui restaient pour discuter plus longuement avec Tiphaine, mais surtout pour apprendre l’art nouveau d’embrasser la fille qu’on aime.

***

La soirée se termina vers quatre heures sans nouvel accroc. Rémi, plein comme une outre, s’était endormi en travers d’un canapé du salon au milieu de plusieurs autres invités. Félix et Julian, plus alertes, aidèrent à ranger avant de repartir ensemble sur leur vélo. L’unique lumière dont ils disposaient, un peu faiblarde, transforma le chemin retour et ses nids-de-poule en une épreuve d’une difficulté insoupçonnée.

Ils s’arrêtèrent au croisement où ils devraient se séparer et posèrent leur vélo contre un grillage. Félix enlaça son amoureux, avec cette ardeur qui paralysait d’abord Julian de plaisir avant qu’il ne fût en mesure de répondre à la sollicitation des lèvres de son ami.

— J’ai hâte que tu me montres les choses dont tu m’a parlé ces derniers jours, souffla Julian.

— Tu penses bien aux choses… qu’on pourrait faire ensemble tous les deux… dans un lit ?

— Oui !

— Eh bien, moi aussi j’en ai envie, j’ai envie de tout avec toi, Julian !

FIN