Et un jour, ils s'affrontent
Il y a toujours eu et il y aura toujours des ennemis, comme on en voit dans les histoires, dans les mythes ou dans les films, des ennemis jurés, des ennemis héréditaires, des ennemis d'amour, des rivaux, des beaux dégueulasses qui n'ont généralement rien d'autre à faire de leurs souvent très longues journées et de leurs encore plus longues vies tristes, mornes et insipides que de se taper allègrement sur la tronche, à coups de poing ou armés de tout ce qui peut leur tomber sous la main, que ce soit un bâton tout con ou une épée aiguisée, des ennemis dont on ne sait même plus pourquoi ils se haïssent (mais peut-être se sont-ils aimé un jour, ce ne serait pas surprenant, les connaissant), pourquoi ils passent leur temps à se chercher des noises, mais qui ne peuvent pas passer dix minutes dans la même pièce sans s'exciter et se toiser, et finalement beugler à la cantonade qu'ils ne peuvent pas se sentir, et qu'il faut tout de suite les arrêter si vous ne voulez pas un bain de sang comme à l'enterrement de mamie Marie-Louise, bref, des antagonistes si profondément ancrés dans leur rivalité qu'on sait déjà que leurs enfants perpétueront cette tradition, même si on ne sait plus d'où vient cette rancune antédiluvienne, cette haine archaïque est à son paroxysme aujourd'hui, alors qu'ils se croisent au mariage de deux de leurs plus anciens amis (qui eux non plus, ne savent pas où est née cette rancoeur, bien que Anne-Marie en ait une vague idée, complètement fausse, mais elle est toujours si sûre de connaître la psychologie des autres, c'est ce qui lui fait dire avec certitude que son mari ne la trompera jamais parce qu'il n'en a pas le profil alors que Jean-Claude est un coureur invétéré comme tout le monde le sait, sauf Anne-Marie) et qu'après le vin d'honneur, ils se retrouvent face à face et se regardent droit dans les yeux, rouges de rage, suant et puant la testostérone primaire et basique, leur coupette de champagne à la main brisant l'image même qu'ils se font de la virilité, et se mettent à tourner lentement l'un autour de l'autre, danse tribale exécutée de tous temps par les combattants qui se jaugent avant de s'affronter, car cette fois c'est la bonne, c'est certains, tout le monde le voit dans leurs yeux (sauf Anne-Marie), cette fois ils en viendront aux mains et ça sera sanglant car l'attente à été longue et les séparations par les copains qui les attrapaient par les bras à la dernière minute nombreuses avant d'en arriver enfin aujourd'hui à leur heure de gloire, à ce qu'ils attendent depuis si longtemps, à ce que le sang de leurs ancêtres réclament dans leurs coeurs à tous les deux ; enfin, l'affrontement vient.
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