Tu es venu dans leur vie,
Grand, fort, et vif d’esprit.
Au premier regard, ils n’ont cessé de t’aimer.
Toi, leur bien-aimé, leur aîné,
Ont-ils pensé pouvoir faire mieux après toi ?
Serait-ce donc la raison qu’ils m’aient eu, moi ?

Je suis arrivé en second.
Petit, fragile, et lent à la détente.
Au premier regard, ils m’ont reproché mon retard.
Moi qui me suis fait désirer, leur cadet.
Je n’avais rien à voir avec toi.
Tu étais pragmatique et rationnel,
Alors que j’étais erratique et émotionnel.
Tu fédérais les gens autour de toi, alors qu’ils se tenaient à bonne distance de moi.
Craignaient-ils donc que ma médiocrité ne les contamine ?
A moins que me frotter à eux, soit comme marcher sur une mine ?

Tu excellais dans tous les domaines.
A l’école, tu étais premier de ta classe.
Dans les sports collectifs, tu étais toujours capitaine.
Dans leur cœur, tu avais la meilleure place.
Et moi, comment je m’en sortais ?
A l’école, j’étais un élève moyen.
Dans les sports, on me choisissait en dernier.
Dans leur cœur, je venais à la fin.

Tu ouvrais toujours la voie.
Tu m’apprenais tout et n’importe quoi.
Et je t’écoutais, t’obéissais, sans doute.
Après tout, tu ne pouvais mentir, te tromper.
Toi qui, à leurs yeux, était parfait.

Sans m’en rendre compte, j’ai grandi dans ton ombre.
D’abord protectrice et m’indiquant le Nord,
Elle est devenue insupportable, source d’inconfort.
J’etouffais dans l’obscurité, dans cette pénombre.
Erreur de ma part de vouloir t’égaler, te surpasser. À quoi bon ?
Les gens continuaient de nous comparer.
Tu es toi qui as pris tes décisions et tes choix de manière pragmatique et rationnelle.
Cela ne me convenait pas de t’imiter.
Alors j’ai agi comme ils me plaisaient, comme moi.
Décisions et choix régis par l’instinct et l’irrationnel.

Ton ombre a rapetissé jusqu’à disparaître.
Avec elle, s’en est allé mon mal-être.
J’ai alors découvert qui j’étais.
Je ne suis point ta suite,
Mais un être imparfait
Qui a su s’accepter.