9h30
Après une courte pause café, je retourne en service pour faire les soins de dix heures.
Comme tous les matins, dans le hall d'accueil, un homme immense avec un chapeau dans un fauteuil, me dit bonjour.
- Bonjour Hugues.
Je passe devant un salon de coiffure, à gauche il y a la salle à manger. Une collègue fait la vaisselle du petit déjeuné.
- Coucou Mendy, ca va ?
- oui ca va ! me repond-elle sans quitter des yeux son éponge.
Au croisement de trois couloirs, en robe de chambre, une femme aux cheveux gris affiche le menu d'une main . De son pied gauche elle bouge son fauteil roulant.
- Bonjour Hélène !
Sa main sur les lèvres elle m'envoie un baiser.
Je m'avance pour lui faire une bise.
Couloir de gauche. D'un coté la pharmacie et la salle kiné, de l'autre les locaux du linge propre et sale.
Je pousse mon charriot, à partir d'ici toutes les portes sont jaunes.
Jean aime rester dans le noir, chambre 2. Assis dans son fauteuil roulant je le salue depuis le couloir à chaque fois que je passe. Comme il est sourd je fais un geste de la main. Il parle trés peu. Mais je vois son grand sourire et le pouce levé pour me signifier que tout va bien.
Chambre 5, la porte est fermée je frappe. J'entends un petit oui, j'ouvre.
Un frisson me parcours subitement de bas en haut la colonne vertebrale jusqu'aux mains. Je regarde Sylvette allongée, les yeux fermés. Son visage est détendu, serein.
Ses trois enfants sont présents. L'ainée caresse la main de sa mère. Sa soeur est à sa droite émue et silencieuse. Le fils lui tient debout grace au mur.
La fille ainée me dit :
- J'ai remarqué votre frisson. Vous faites du magnétisme ?
- Euh Bonjour ... oui
- B'jour. J'ai une amie qui en fait et qui m'a dit qu'on peut capter des choses. Vous sentez quelque chose ?
- Oui je suis comme un chat, trés sensible aux énergies.
- Et ce frisson que veut-il dire ? Elle va bientot mourir c'est ca ?
- Oui. Vous le saviez déja. Vous, comment allez- vous ?
- Et vous savez quand ?
Je pris une grande inspiration et un temps de silence, pour ressentir ce que je dois dire ou pas. Et d'un coup je me surprends à prononcer sans hésitation :
- à la fin du troisième jour
- Oh merci ! Nous allons rester avec elle, nuit et jour. C'est possible ?
- Evidemment et si vous avez besoin de quoique ce soit l'équipe est là pour vous accompagner. La priorité est qu'elle ne souffre pas. Là elle semble apaisée et calme. Je reviendrais vous voir dans un petit moment.
- Merci beaucoup... merci.
Quatre jours plus tard, il est 7h. En attendant que l'équipe soit au complet. Je prends une feuille blanche dans l'imprimante, mon stylo. Je bois une gorgée de café et je demande :
- Alors pour Sylvette comment ca s'est passé ?
- Ben figure toi que la famille est restée là jour et nuit. Toujours quelqu'un pour lui tenir la main.
Aux infirmières du week end la famille a répété que tu avais dit que ça se passerait à la fin du troisième jour.
Et ben écoutes moi bien. Elle est morte à minuit du dimanche, donc le troisième jour !! Comment t'as fait pour être aussi précise ?
- Je ne sais pas. Je ne peux pas l'expliquer mais je suis comme les chats, quand ce sont les derniers jours de vie de quelqu'un je le sens.
- Ca ne te fait pas flipper?
- Non, depuis le temps que je bosse j'ai appris à faire avec.
Sylvette a souffert ?
- Non, elle a eu juste un peu de morphine. Ses enfants te remercient. Ils ont insisté pour qu'on te passe le message .
- Merci. Bon et sinon la nuit s'est bien passée ?
- oui au début ça a été relativement calme... puis Bernard a déambulé à partir de 1h30 et ça s'est compliqué. On ne le trouvait plus. On a cherché partout à l'interieur. Et dehors à la lumière de nos portables, une vraie galère, regardes j'ai fait une photo... heureusement qu'on a de bons yeux, il fallait le voir... debout dans la haie à 4h.. Il n'a que quelques égratinures heureusement sur les bras et les jambes.
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