La vie m'a tuée

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Je n'ai jamais été une aventurière dans l'âme. L'audace, souvent, me manqua même lorsqu'il s'agissait toujours de prendre des décisions, des choix, des chemins qui pouvaient être irréversibes, souvent dangereux. Je ruminais milles et une fois, indécise tout le temps à propos de la marche à suivre, si peu confiante en la hasard et le fameux destin. Je me disais, me répétais avec une fervente croyance : je suis maîtresse de mon destin, je me dois de faire les bons choix. Sauf que sur le chemin de ma gloire espérée, longtemps convoitée, mûrement réfléchie, intensément fantasmée, je n'eus point le temps de vivre et cela causa ma mort.

Si je m'imagine ma mort, je l'imaginerai avec le minimum d'action possible, aucun meurtre, aucune vengeance, pas de maladie physique qui me clouerait au lit ni rien de fantastique qui surgirait des ténèbres pour me détruire. Je ne suis pas l'héroïne des romans, je suis la protagoniste qui se meure sans qu'aucune personne ne cherche à la tuer. Je me meure toute seule. Je me tue. Si je m'imagine ma mort, ma fin, ma déchéance, ça serait dans ma propre tête car ce sont mes idées qui me renderont cendre et broussaille.

Je serai là, je m'imagine jeune fille à l'âge de la fleur, la tête pleine à ras le bord, les yeux ternes et tristes. Je serai souvent là, au bord d'un précipice imaginaire qui n'est souvent que le fruit de mon pessimisme puisque rien de ce que j'aurai vécu n'aurait satisfait ma convoitise. Je serai là, aucunement à l'agonie, mais toujours stressée des choses les plus futiles, enchaînant les inquiétudes, les cauchemars, traînant derrière moi toutes mes idées noires, sans jamais penser un seul moment à m'en défaire. Car j'aurai goûté assez suffisamment au pessimisme pour pouvoir à nouveau vivre au soleil des espérances.

Je m'imagine ma mort à présent puisque je sais indubitablement que la vie causerait ma perte. La vie avec ses bas me rend malade de psychisme, me torture l'esprit avec des questions existentielles qui n'ont pas lieu d'être ; et quand bien même il y avait un rayon de soleil, un espoir, un sourire, je me retrouve à demeurer sur mes gardes, aux aguets d'une abysse, oubliant tout le temps de profiter de ces accalmies. Et je suis écorchée à présent. Ma tête est enflée de toutes mes idées brumeuses, ma tête est tuméfiée, les tumeurs grandissent, prennent de la place, mon sang se raréfie, mon coeur se bradycardie, las de battre la démesure à chaque fois que rien ne va alors que tout allait le plus normalement du monde.

Si je dois mourir aujourd'hui ou demain, la cause n'est que mon pessimisme qui m'a rangée de l'intérieur, ma grande convoitise jamais assouvie, la vie si courte dont je n'ai que si peu profité pas cause bien sûr de stress permanent. Si je dois mourir aujourd'hui ou demain, j'aimerai me ressusciter en bonne santé un jour dans une autre version de l'existence, changer ma façon de voir les choses, profiter des bonheurs éphémères et souvent si petits et qui avant ne me satisfaisaient pas ; regarder du bon côté des choses, cesser de me lamenter, me laisser aller à un peu de hasard et de chance, croire en le destin, croire en la vie.

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