Chapitre 09 : les débuts de l'hiver
Quentin entra dans l’eau. Celle-ci était chaude sans être brûlante. Junker était donc capable de gérer la chaleur de ses éléments. Il se laissa aller en soupirant d’aise. Il était officiellement amoureux. Et peu importait que son cœur appartenait à un robot. Cela ne lui avait d’ailleurs jamais traversé l’esprit, que de considérer Junker comme un alien ou un monstre. Car il avait été le seul à voir ce qu’il était vraiment. Un être bon et généreux, prêt à voler au secours de qui en a besoin.
Pendant ce temps, Junker regardait le ciel. Il faisait presque nuit, mais aucune étoile n’était visible. En effets, des nuages à l’aspect lisse cachaient la voute étoilée. Et l’odorat de Junker ne le trompait pas. Il était assis sous sa forme dragon, drapée dans sa cape. Il allait falloir se préparer à un lendemain froid et blanc.
Quentin sorti de la petite salle de bain improvisée. Il avait enfilé les vêtements trouvés par son ami pendant sa petite séance de bien-être. Et c’est en grelottant qu’il vint auprès de l’être orange qui le couvrit aussitôt de sa cape. Quentin avisa la ville, au loin. Alors, son ami repris sa forme humanoïde, changeant sa position assise.
-Encore à rêver ?
- Les humains sont bien mystérieux.
Il sorti son petit carnet pour le feuilleter. Quentin le regarda. Il remarqua que les pages « sexualité » étaient vides. Il en fit la remarque.
-Oh… j’attend d’être suffisamment grand pour me pencher là-dessus. J’ai remarqué en ville que…
- Tu es déjà aller en ville ?!
- Cela fait longtemps que je n’y vais plus. Depuis mon accident, en fait.
- Je vois. Et donc ?
- J’ai remarqué que la sexualité restait un sujet difficilement abordable avant la majorité des humains. Ils commencent à tolérer cela vers seize ou dix-sept ans.
- Eh bien, voilà qui est intéressant.
Quentin posa sa tête sur l’épaule de son ami. Il eut un petit sourire.
-Il va probablement neiger. Je le sens. Les températures seront très froides, alors je te couvrirai.
-Vraiment ?
Junker le regarda et souri à son tour.
-Pour toi, je rétrécirai le soleil s’il faut.
- Bah évite.
Et tous deux se mirent à rire. Alors, un flocon tomba sur le nez de Quentin, vérifiant ainsi les paroles de son ami de métal. Très vite, la neige se mis à tomber. Tous deux allèrent aussitôt se réfugier sous le maigre abris. Quentin se recroquevilla de froid et Junker se colla à lui, le couvrant de presque toutes les couvertures et ajoutant sa cape.
-Merci.
L’être robotique acquiesça et se coucha sous sa forme dragon. Il posa sa tête près de celle de Quentin et lâcha un grondement. Le jeune homme n’avait pas froid. Car visiblement, cela ne gênait pas Junker de dormir à même le sol. Et ce fut paisiblement que tous deux s’endormirent.
Quentin fut surpris de sentir un bras l’entourant au réveil. Quelque chose couvrait sa tête. Une membrane bleue presque brillante. Il se redressa en sursaut. La bête de métal était endormie, un sourire au coin des lèvres. De la neige la recouvrait.
-Junker ?
Celui-ci ouvrit un œil et se redressa à son tour, laissant tomber la poudreuse. Quentin sourit et vint poser sa main sur l’arrière de la mâchoire de son ami. Tous deux se regardèrent.
-Toi alors…
Junker se redressa sur ses membres arrière, se débarrassant des restes de neiges qui le recouvrait. Son museau se changea en visage.
-Tu as fait barrage pour me protéger de la neige.
- Et je recommencerai.
Junker alla réunir quelques morceaux de planches sous le regard étonné de Quentin. Alors, il cracha un peu de glace rougeâtre qui embrassa aussitôt le foyer de fortune.
-Waouh ! Tu peux faire ça aussi ?
-Je peux utiliser mes capacités de pleins de façons diverses et en gérer les températures. J’ai appris que mon feu ne pouvais pas monter au-delà du zéro absolu, et ma glace ne peut descendre sous les cent degrés.
-Eh bien. Des valeurs tout à fait opposées et… extrêmes.
- Je ne les ai jamais vraiment utilisées pour combattre.
Quentin semblait compréhensif. Il vint se réchauffer près du feu. Son ami le laissa seul le temps d’aller chercher de quoi s’alimenter. La neige qui recouvrait le sol était plus haute qu’il ne l’aurai cru. Il avançait, drapé dans sa cape. Mais alors qu’il progressait, une voix l’interpela.
-Junker !
Il fit volteface. C’était Gin, emmitouflé dans un épais manteau noir. Sa capuche était bordée d’une fourrure dorée, tout comme ses manches et le bas de son vêtement. Il portait un somptueux pantalon rouge aux bottes noires. Il eut un sourire.
-Approche mon garçon !
L’humanoïde hésita un instant avant de venir.
-Dis-moi, où vas-tu ?
- Je… je vais voler de la nourriture pour Quentin.
Cela ne semblait guère l’étonné.
-Dis, je suis allez chez vous, mais il n’y avait personne.
- Oh. On a dû déménager. Le proprio n’a pas aimé que Quentin ne le paye pas.
Cette découverte, en revanche, le piqua, vu son visage durci.
-Tu peux m’en dire plus ?
Junker entreprit de lui raconter les évènements. Cela le surprenait que Gin ait pris sa décision aussi vite. Le regard de l’homme s’assombri et l’être de métal le sentait quelque peu révolté. Cependant, il ne laissa rien paraitre, se contentant d’acquiescer.
-Et bien. Faire ça à des gosses, c’est immonde. Heureusement que tu as pu arriver a temps.
- Pour Quentin, je remuerai ciel et terre.
- Vous avez l’air proche.
- Oh, ça…
Gin eut un petit gloussement amusé. Il demanda ensuite où ils s’étaient installés. L’être de métal le guida jusqu’à un escalier de secours qui les mena sur le toit où se trouvait leur nouvel habitat. En voyant Gin, le garçon s’empressa de le saluer. L’homme regarda autour de lui. Ces gamins semblaient être plutôt débrouillards. Il observa Junker qui prenait grand soin de son ami. Tous deux étaient souriants malgré les adversités. Gin se surpris à éprouver une certaine admiration pour une détermination aussi forte.
-Eh, les gamins. Ce n'est pas trop dur, cette vie ? Vous devez en baver.
- Peut-être, mais… tant que l’envie de vivre est assez forte, même le pire des enfers peut se révéler être un paradis, dit Junker.
Quentin acquiesça. L’homme en manteau acquiesça.
-De toute façon, on s’en sort très bien. On a peut-être pas vraiment de toit mais… on sait se débrouiller.
Leur interlocuteur acquiesça, ne doutant pas de la véracité de ces propos. S’ils étaient face à lui aujourd’hui, alors ils savaient faire leur petite vie tranquille. Junker alla chercher du bois pour le feu. Mais trouver du bois sec fut plus dur qu’il ne l’aurait cru. Pendant qu’il était occupé, l’homme en profita pour parler avec Quentin.
-Alors ? Vous-deux ?
- Oh… on est assez proche, oui. Et je vous avoue que… que je l’aime.
- Ah.
Gin esquissa un petit sourire malicieux. Le jeune homme ne sut comment réagir.
-Et alors ? Que s’est-il passé ? J’suis curieux, c’est tout.
Il se mit à rire. Alors, Junker revint, un peu de bois sous le bras. Il regarda l’homme.
-N’essayez pas de trouver une excuse, j'ai tout entendu.
Il vint jeter ses trouvailles dans le brasier. Le sourire de Gin s’effaça en voyant l’air sérieux de l’humanoïde.
-Si vous nous prenez, hors de question que nous soyons vos armes.
- Cela va de soi. J’ai tout de suite vu que la violence, ce n'était pas votre truc. En revanche… Junker, tu pourrais avoir une autre utilité.
Celui-ci tourna la tête, intrigué.
-Au-delà des missions d’escortes et de livraisons, tu ferais un espion idéal. Ton ouïe semble porter loin.
- Tous mes sens sont supérieurs à ceux des hommes. Et quel serait l’utilité ?
- Tu sais… nous avons de la concurrence. Certes, tu ne peux pas passer inaperçu mais… tu pourra recueillir bien plus d’infos qu’un espion ordinaire.
Junker consulta Quentin du regard. Celui-ci haussa les épaules.
-Après tout, pourquoi pas. Mais je refuse qu’on soit séparé.
- Ma foi, si c’est ton seul souhait, je n’y vois pas d’objections. Pourrez-vous venir dans la matinée de demain ?
Junker et Quentin se regardèrent, un sourire aux lèvres.
-Oui ! Dit le jeune homme aux yeux rouges. Comptez sur nous !
Gin acquiesça. Il se demandait cependant comment il allait redescendre. Alors, l’être de métal pris sa forme draconique. L’homme le regarda sans comprendre, jusqu’à ce que Quentin lui explique que Junker allait le déposer. Et ce fut avec hésitation que Gin enfourcha la bête qui supporta son poids.
-Bon et bien… en avant.
Aussitôt, le petit dragon s’élança, faisant pousser un cri à son passager. Le maitre de Goei fut déposé au sol avec habilité. Il mit pied à terre et Junker se redressa.
-Eh bien. C’était… Intense.
- A demain, monsieur Gin.
L’être de métal remonta agilement sur le toit. Le chef de Goei eu un petit sourire et s’en alla, les mains dans les poches. Il regarda le ciel blanc. Oui, ces petits jeunes étaient particulier. Il le sentait. Bien sûr, la nature de Junker allait poser quelques problèmes, mais cela, il se promettait d’en prendre l’entière responsabilité. Etrangement, il se sentait pris d’un devoir envers ces jeunes gens. Il se tourna.
-Bientôt, Goei sera votre nouvelle maison.
Un sourire apparut sur son visage.
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