Chapitre 28 : le Congo
Ce fut tard dans la nuit que l’avion se posa enfin sur la piste de l’aéroport de Kinshasa. A peine la porte de débarquement ouverte que les journalistes les assaillirent avec leurs appareils photos projetant de vifs flash de lumière blanche. Le président Decker fut le premier à descendre, suivi de ses hommes et de Goei. Junker regarda autour de lui, fasciné.
-Eh bien…, dit Quentin. Ça nous change, pas vrai ?
- Oui.
Une grande limousine arriva, permettant au groupe d’échapper aux journalistes.
-Nous nous rendons à la résidence du président Tagarawi, annonça le conducteur.
- Bien.
William Decker ne put s’empêcher de lâcher un petit bâillement, fatigué. Jérôme demanda à Junker et Diamounder d’intervenir au moindre signe de danger. Autour d’eux, la ville semblait à peine plus sophistiquée que le ghetto qu’ils habitaient. Junker remarqua que les gens d’ici avaient la peau sombre, un peu comme Quentin.
-C’est ça, l’Afrique, dit Gabriel.
Il leur conta les mésaventurs des peuples de ce continent. Bien entendu, le jeune métis n’en perdit pas une miette. Il écoutait avec intention, tout comme ses deux camarades humanoïdes.
-Waouh…, dit Diamounder. C’est…
- Cela ne m’étonne guère, annonça Junker. De ce que je sais, l’humanité est divisée en d’innombrables ethnies. Inévitablement, quand les Hommes cherchent à se regrouper, autant de différences les font presque aussitôt se séparer.
- Perspicace, remarqua le président Decker.
Ils ne tardèrent pas à arriver à un grand bâtiment. Là, l’homme donna congé aux membres de Goei, leur présence n’étant pas nécessaire à l’intérieur. Il les salua et entra.
-Je propose de nous trouver un hôtel, annonça Jérôme.
-Au vu de la chaleur, cela ne sera pas nécessaire, dit Junker.
- Ça ne vous dérange peut-être pas, Quentin et toi, mais je n’ai pas envie que ma petite Diamounder dorme dans la rue, répliqua Gabriel.
Ils se mirent à marcher tout en cherchant une solution. Le nombre de personnes dehors était impressionnant. L’humanoïde orange senti son cœur se serrer à la vue de cette misère bien différente de ce qu’il connaissait. Il n’osait pas imaginer ce que cela devait être en zone rurale, à l’écart des villes.
-Pourquoi je ne suis pas rassuré ? Demanda Quentin.
- Ton instinct de survie est éveillé, répondit son compagnon. Tout ton corps est en alerte.
- Moi aussi je le sens, dit Diamounder.
Junker regarda un grand immeuble. Il s’élança et grimpa avec aisance. Gabriel, Jérôme et Diamounder le regardèrent, sidérés. La petite humanoïde savait que son grand frère était agile mais qu’il le soit autant la laissait sans voix.
-A défaut de ne pas pouvoir voler, Junker a appris à utiliser son environnement, annonça Quentin avec un sourire. Personne ne peux lui échapper sur un terrain en relief.
Le biomech ne tarda pas à les rejoindre en piqué, déployant ses ailes au dernier moment pour freiner sa chute.
-J’ai vu un espace visiblement sécurisé, à quelques dizaines de mètres d’ici. Allons-y.
Il les guida jusqu’à un petit bâtiment vide. L’endroit n’était pas des plus propres mais il était protégé. Junker annonça qu’il allait avertir monsieur Decker.
-Mais grand frère…
Le biomech regarda Diamounder. Il dévoila son visage et sourit.
-Je te confi Quentin, d’accord ?
- Reviens vite, dit simplement l’intéressé.
Junker remit sa capuche, remonta son cache sur sa bouche et parti en courant. Quentin s’assit et soupira.
-Ça va ? Demanda Jérôme.
- C’est plus fort que moi, je m’inquiète dès qu’il est loin. Je ne le montre pas, mais…
- C’est normal. Et si tu veux mon avis, c’est à contre-cœur qu’il nous laisse ici.
Junker arriva au bâtiment présidentiel. Il s’arrêta devant deux hommes et leur annonça qu’il faisait partit de Goei, exhibant son collier sur lequel se trouvait l’emblème. On le laissa entrer. Son odorat lui permit rapidement de trouver les quartiers du président Decker. Il toqua à la belle porte en marbre blanc.
-Président ? Je suis Junker, de Goei. Je souhaite vous transmettre une information.
La porte lui fut ouverte. L’homme d’État lui ouvrit. Il fut étonné de le trouver là. L’humanoïde lui expliqua qu’ils logeaient à proximité, et qu’ils reviendraient le lendemain dès sept heure.
-Pourquoi ? Venez loger ici !
- Malheureusement, Goei ne fait parti de votre monde. Nous ne pourrons jamais.
- Eh bien, tu es un gamin bien étrange. Quoi qu’il en soit, je te souhaites bonne nuit.
- Moi de même. Au fait, monsieur le président, employez un ton plus soutenu. Nous ne sommes pas vos amis.
Et il s’en alla aussitôt. William Decker resta sur le pas de la porte, étonné de ces paroles. Il referma la porte. Junker, quant à lui, sorti du bâtiment. Quentin l’attendait mais quelque chose le poussait à vouloir aider quelques personnes. Il esquissa un sourire derrière son cache-cou.
-Mon altruisme me perdra.
Il s’élança à nouveau à travers les rues. Il attrapa un sac qui trainait et s’en servit pour y ranger les aliments qu’il parvenait à voler sur les quelques étalages nocturnes avant de les distribuer. Lorsqu’il eut terminé, il retourna au bâtiment dans lequel il logeait pour la nuit.
Lorsqu’il entra, Diamounder accourut avec les bras levés. Quentin vint lui donner un léger baiser. Il annonça au groupe qu’ils rejoindraient le président Decker à sept heures.
-Un peu tôt, dit Gabriel.
- Les hommes d’État commencent leurs journées aux premières lueurs, justifia Jérôme.
Junker leur avait aussi trouvé un maigre repas. Gabriel et son camarade étaient à présent conscients du mode de vie de l’humanoïde et de son compagnon métis avant leur entrée à Goei. Et cela lui faisait de la peine. Car même si Junker n’avait pas besoin de manger, une telle existence n’avait rien d’agréable. Il se demandait même comment Quentin avait fait pour survivre aux hivers.
-Tu n’as pas chaud ? Demanda le jeune homme.
- Mon corps peut supporter des conditions supérieurs à celles tolérables par l’organisme humain. Je ne souffre pas. Et toi ?
- C’est vrai que ça change de notre région, mais je ne m’en plaint pas.
Alors, Junker cracha un jet de feu pour ériger une stalagmite de glace. Il en fabriqua d’autres plus petites. Gabriel se colla à la plus grande et l’entoura de ses bras comme s'il souhaitait l'enlacer. De toute évidence, il supportait mal ce climat chaud. Il esquissa un sourire d’aise. Jérôme s’adossa à une autre structure plus petite, lui aussi rafraichi.
-Junker ? demanda Quentin. Pourrait-on… sortir ensembles ?
- Comment-ça ?
- Eh bien… j’aimerai me promener.
- Oh oui ! Dit Diamounder.
Le biomech accepta après une légère hésitation. Néanmoins, il demanda à sa congénère de rester auprès des deux adultes afin de les protéger. Celle-ci fut contrariée mais jugea effectivement préférable de rester. Junker et Quentin sortirent donc dehors. L’être orange lui glissa de petits morceaux de glace dans les poches. Le jeune homme le remercia.
Tous deux déambulaient dans les rues éclairées. Junker prenait quelques notes sur ce qu’il observait et n’hésitait pas à se référer à son compagnon si besoin. Quentin était ravis de partager ce moment avec l’humanoïde. Mais alors qu’ils prenaient à l’angle d’une ruelle, un groupe d’hommes leur bloqua le passage.
-Votre fric. Maintenant.
- Nous n’avons rien, répliqua aussitôt Junker.
- Alors on se contentera de vous dépouiller de vos vêtements.
Ils encerclèrent le duo. Le biomech les avisa. Ils étaient jeunes et peu équipés. Ils misaient tout sur leur nombre. Alors, ils attaquèrent. Junker ne mit pas longtemps à les mettre au sol.
-Allez, viens Quentin.
- Euh… oui !
Il s’élança à sa suite, le prenant le bras.
-Tu as peur ?
- Là… oui.
Son compagnon le rassura. Junker remarqua alors. Depuis des semaines, il se mêlait aux humains. Depuis des semaines, il les fréquentait. Il ne s’en était pas aperçu plus tôt à cause des missions. Il s’arrêta alors. Surpris, Quentin le regarda.
-Tout va bien ?
-Je suis… au milieu des humains.
Le jeune homme se mit à rire. Junker ne comprit pas, mais ricana aussi. Oui, cela faisait longtemps qu’il commençait à se mélanger aux Hommes. Ou du moins, à se déplacer parmi eux. Il n’en avait plus vraiment peur également, et ce grâce à Quentin. Celui-ci lui donnait une force capable d’affronter toutes les menaces quelles qu’elles soient. Une force qu’il n’aurait jamais trouvé en tant que solitaire. Sa vie en aurait été bien différente.
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