Chapitre 30 : Les épreuves
Depuis le sommet d’un immeuble, Junker écoutait le président Decker faire son discours. Beaucoup de personnes étaient présentes. L’homme parlait de renverser la situation économique du pays. Mais l’humanoïde doutait fortement que cela soit possible. Ce qu’il avait vu, il y assisterait encore au cours de sa mission. Cela lui faisait de la peine que de voir autant de vies ainsi mises à mal. Et bien qu’il savait qu’il en serait toujours ainsi à travers le monde, il ne pouvait s’empêcher de maudire les plus riches, dont la cupidité les poussaient à abandonner les plus démunis ou à leur prendre le peu de ressources qu’ils possédaient. Junker savait que le monde était ainsi. Seulement, cela ne s’appliquait pas de la même façon sur tout le globe. Car le quartier qui l’avait vu grandi ressemblait presque à un paradis au regard de cette ville. Le biomech changea de forme et s’allongea, le museau sur les pattes avant. Alors, Quentin va s’assoir à ses côtés. Il ne prononça pas le moindre mot pendant plusieurs minutes.
-J’imagine que s’il n’y avait eu que ça, tu ne serai pas dans cet état, pas vrai ?
Il posa sa main sur l’encolure de la bête, caressant sa crinière bleue.
-Que s’est-il donc passé ?
Junker resta muet.
-Je ne te forcerai pas à en parler, tu sais. Mais cela peut faire du bien.
Le dragon orange le regarda du coin de l’œil. Il se redressa et son museau se changea en visage. Il se recroquevilla, posant sa tête sur ses genoux. Il regarda la foule.
-J’ai trouvé un homme… Il était dans un sal état. Son corps était en train de se décomposer. L’odeur qui s’en dégageait t’aurais fait vomir. Mais son cœur battait, et il respirait. Il était encore en vie. Inspirer l’air lui semblait si difficile… Je ne pouvais pas le laisser agoniser. Alors j’ai…
Junker ne put terminer sa phrase, tant la douleur que cela lui provoquait était forte. Quentin l’enlaça. Il n’avait pas besoin d’en savoir plus.
-Tu as bien agis, Junker. Ce que tu as fait… même moi je ne pourrai pas l’imaginer.
-Je l’ai tué… de sang-froid. J’ai… volontairement mis fin à son existence. Je suis un monstre.
Le jeune homme secoua la tête.
-Tu n’es pas un monstre et tu ne l’as pas tué. Tu lui as simplement permis de ne plus souffrir. Certains achèvent leurs ennemis simplement pour qu’ils cessent de vivre.
-Mais il ne voulait pas mourir. Je l’ai vu dans ses yeux. Il me suppliait de l’épargner. Quentin… j’ai fait quelque chose d’affreux.
Celui-ci le serra contre lui, l’enlaçant de ses bras. Ils restèrent ainsi.
-Pourquoi est-ce que je ne pleure pas ? Mon cœur me fais mal, il me déchire. Je suis pourtant si triste d’avoir pris cette vie.
- Je pense… que notre tristesse ne se mesure au nombre de larmes versées. Ce qui importe, c’est ce qu’on sent là.
Quentin vint glisser une main sous sa cape pour la poser sur son thorax. Junker tourna la tête.
-Certains pleurent à chaud de larmes. Et d’autres restent de marbre. Mais ils sont tous tristes.
- Je n’ai pas envie de recommencer.
- Je ne te le souhaites pas. Mais nous vivons dans un monde sans pitié. Et certaines choses… s’imposent à nous quoi qu’il arrive. La vie n’est pas rose et comporte d’innombrables épreuves.
Junker le serra à son tour.
-Mais je ne pourrai jamais… te faire du mal, tu le sais.
- Bien sûr que tu ne me feras pas souffrir.
- Et si je te blesses ? Et si…
Quentin lui attrapa le visage et le regarda dans les yeux.
-Je sais que même involontairement, tu ne me feras jamais de mal. Et tu sais pourquoi ?
Junker détourna le regard mais le jeune homme le força à plonger ses yeux dans les siens.
-Parce que tu es le plus gentil de tous les êtres de cette planète. Et que tu veilleras toujours à ce qu’il ne m’arrive rien.
Le biomech acquiesça et soupira. Il eut un petit sourire.
-Voilà, c’est ce beau visage que je veux voir. Toutes ces épreuves, on les affrontera ensembles.
Junker le regarda. Quentin était presque trop mignon pour lui. Mais alors qu’il allait l’embrasser, il détourna la tête. Le jeune homme ne comprit pas, papillonnant des yeux.
-Un problème ?
- Le président est en danger.
Alors, Junker bondit et déploya ses ailes. Il plongea et redressa, volant au-dessus des gens venus assister au discours. Il vint percuter William Decker au moment où une volée de balle allait le toucher.
-Tout va bien ? Demanda l’humanoïde en se redressant.
- Oui. Oh !
L’homme resta sans voix. Junker n’avait pas sa capuche, révélant ainsi son visage. Le président le regarda, sidéré. Comprenant, le biomech remis son couvre-tête.
-Allez vous mettre à l’abri.
Junker se redressa et se tourna, avisant les quelques immeubles. Il porta son attention sur le cloché de l’église. Alors, il s’élança, bondit et s’accrocha à un bâtiment. Il leva les yeux. Un homme se tenait là avec un fusil de sniper. Il monta sur le toit et passa en position quadrupède, sautant entre les immeubles.
L’assassin pesta.
-Eh merde. Alors c’était lui. Le Mystérieux de Goei. Je ferais mieux de filer.
Mais lorsqu’il se retourna, il se trouva nez à nez avec Junker. Ses yeux bleus exprimaient sa colère. L’homme en lâcha son arme de surprise.
-Comment t’es arrivé là aussi vite ?! Et comment tu m’as trouvé ?
L’humanoïde le surplombant. Alors, Diamounder se posa sur le muret sous sa forme dragon. L’homme poussa un cri en apercevant la bête aux striures scintillantes.
-Tu as de la chance, je ne tue pas les humains, dit Junker. Cependant…
Il attrapa l’assassin par le col et le souleva d’une main. L’individu ne tarda pas à dégager une odeur d’urine. Diamounder secoua la tête, dégoutée. Mais son congénère, lui, n’en avait cure.
-Je protège ceux qui en ont besoin. Transmet donc ce message à ton employeur : tant que Goei veillera sur William Decker, tenter de l’assassiner sera punissable.
-D’a… d’accord !
Junker le lâcha. L’homme tenta d’attraper son arme mais le biomech l’écrasa sous son pied, la brisant net. L’assassin ne fut donc pas long à s’enfuir. Junker soupira et regarda Diamounder, perchée tel un rapace. Il vint lui donner une petite tape sur la tête.
-Tu as fais du beau travail en nous rejoignant aussi vite.
La créature émit une sorte de ronronnement de satisfaction puis se jeta dans le vide pour reprendre la voie des airs. Junker baissa la tête, avisant Quentin. Celui-ci leva le pouce pour le féliciter, ce qui le fit sourire. Il imita Diamounder et entreprit de rejoindre le jeune homme. Celui-ci l’enlaça.
-Tu vois que tu es un être extraordinaire. La vie est certes dure, mais ses épreuves valent bien la peine d’être affrontées, non ?
Le dragon orange approuva d’un léger rugissement avant de se redresser. L’être de métal plongea son regard dans celui de Quentin. Alors, il l’attrapa derrière la taille et l’amena à lui. Le jeune homme fut surpris d’un tel geste.
-Et toi, tu es un homme splendide.
Tous d’eux s’embrassèrent. Le jeune métis ferma les yeux. Qu’est-ce qu’il aimerait que chaque contact dure éternellement.
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