Elle posa le petit sac sur le sol et délia le lien en cuir qui le maintenait fermé. Elle s’assit en tailleur à côté sur un petit amas de mousse et patienta. Rapidement, l’odeur provenant du sac arriva jusqu’à ses narines. Elle insuffla alors de la magie dans sa voix et prononça :

- Laufann.

Instantanément, l’odeur d’une tarrsinnol femelle, créé artificiellement par la poudre contenue dans le sac, s’éparpilla entre les hauts arbres de la forêt de Velfennal.

Elle passa sa main dans ses longs cheveux couleur de jais qui cachaient à peine ses grandes oreilles pointues, typique des elvenns. Elle avait déjà eu l’occasion de croiser des humains, et elle les plaignait, car elle trouvait leurs petites oreilles rondes beaucoup moins esthétiques.

Soudain, un bruit la tira hors de ses pensées. Elle porta son regard dans sa direction et observa calmement ce qui approchait en zigzaguant entre les arbres. Le temps qu’elle se lève, le tarrsinnol était déjà à quelques mètres d’elle. Elle avait une fois entendu dire que les humains comparaient cet animal à une sorte de taureau. À ceci près que les tarsinnol étaient deux fois plus gros, avec six pattes, une fourrure beaucoup plus épaisse et des cornes pouvant atteindre les soixante centimètres de longueur. Celui-ci était particulièrement massif, ce qui inquiéta un peu l’elvenne, néanmoins elle savait ce qu’elle devait faire. Elle le laissa approcher malgrès son air méfiant, comme quelqu’un qui aurait rencontré la mauvaise personne. Après avoir refermé le premier, elle sortit un deuxième sac de sa sacoche et l’ouvrit lentement. Avec précaution, elle l’approcha du museau du tarrsinnol qui en renifla le contenu. Il ne fallut pas longtemps pour qu’un spasme parcourt tout son corps et qu’il se mette à pousser un puissant mugissement. C’était le signal pour l’elvenne de courir aussi vite qu’elle le pouvait. Derrière elle, l’animal tentait de la rattraper, mais la multitude d’arbres et de buissons lui compliquait la tâche tandis qu’elle jouissait d’une grande agilité.

Ils coururent ainsi pendant quelques minutes jusqu’à arriver devant deux gros chênes. Au moment où elle passa entre les deux arbres, deux flèches, sur lesquelles étaient enroulés des parchemins, se plantèrent dans le sol et deux voix venant des hautes branches incantèrent :

- Hôl epenn, zelnoil vel.

Sur ces mots, les idéogrammes inscrits sur les parchemins se mirent à briller d’un vert vif et à diffuser une légère brume de la même couleur. Le tarrsinnol la traversa sans y prêter attention. Ils continuèrent à courir sur une dizaine de mètres, puis l’animal ralentit l'allure avant de s'effondrer lourdement au sol. L’elvenne s'arrêta et fit demi-tour pour l’observer. Après confirmation, elle fit signe en direction de la cime des arbres :

- C’est bon, il s’est endormi.

Aussitôt, deux jeunes elvenns glissèrent le long des troncs et vinrent la rejoindre en se félicitant. Ils attrapèrent tous les trois de leur ceinture des cisailles et entreprirent de couper la fourrure de l’animal là où elle était la plus épaisse et rangèrent ensuite le tout dans leurs besaces.

La fourrure de tarrsinnol était une ressource très appréciée par les alchimistes elvenns, car très utile lors de leurs préparations. Or, celui du village, d’où venaient les trois jeunes elvenns, n’en avait plus et en avait absolument besoin pour la préparation de certains remèdes utiles à la population.

Une fois qu’ils en eurent suffisamment, l’elvenne s'agenouilla près de la tête du tarrsinnol et murmura :

- Aurkal vel.

Les yeux de l’animal s’ouvrirent timidement, puis, lentement, il se releva. Les trois elvenns s’écartèrent de la bête qui les regarda à tour de rôle avant de tranquillement repartir d’où elle était venue. Ils se regardèrent un instant avant que leurs visages ne se fendent d’un sourire. Finalement, elle déclara :

- Il nous reste des plumes de kawelda à trouver. Ghelraro, cette fois c’est ton tour.