XV

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Jour 50,

Ce soir, pas de sommeil pour moi. Je dois rester autant que possible éveillée, et ne dormir que par à coup, pour pouvoir recevoir en direct toutes nouvelles observations sur les mouvements ennemis. Heureusement, Renate m’a apporté une carafe de café, ce que je n’ai pas pu refuser.

L’ennemi a été repéré à quelques kilomètres du fort. Nous avons mis un officier en ballon observateur pour confirmer avec des jumelles les déplacements de l’ennemi. C’est au moins trois bataillons qui font mouvement vers les montagnes, sans se cacher visiblement. La perspective d’un vrai grand combat m’excite plus qu’elle ne m’effraie, car j’ai pleine confiance en mes troupes. Nous avons reçu dernièrement du matériel de pointe, une nouvelle artillerie, et surtout de nouveaux véhicules marcheurs d’assaut. En face, les troupes d’Osowiets ont déjà démontrées par le passé être indisciplinées, mal équipées, et promptes à rompre. La seule chose qui peut m’inquiéter, ce sont les travaux dans la chaufferie qui ne sont pas terminés, même si tout semble encore bien se passer.

Comme j’aime mieux éviter d’avoir des informations stratégiques importantes dans mon journal, je ne coucherai pas ici par écrit nos effectifs, mais il semble que l’on soit plus nombreux qu’eux. J’ignore ce qu’ils espèrent réellement, à moins qu’il y ait une autre ruse astucieusement dissimulée. J’en ai parlé à Gottfried, et il semble penser qu’ils ne veulent que tester nos défenses et mettre notre moral à l’épreuve. La principauté d’Osowiets a peu de ressources autres que ses vies humaines, et la noblesse de ce pays n’hésite pas à sacrifier des soldats juste pour gagner un avantage sur la durée. Pour ma part, j’aime mieux m’assurer une victoire rapide et peu coûteuse, et nos forces mécanisées seront une part essentielle de ce plan.

En fait, j’ai peur qu’une longue bataille ne pèse trop sur les nerfs de la garnison. J’ai constaté ces derniers jours une certaine baisse de moral. Cela va bientôt faire deux mois que je suis ici, et je pensais que la garnison était inébranlable, mais visiblement, il ne faut pas toujours chercher une bonne raison à la baisse de moral. Cela fait juste trop longtemps que personne n’a eu de permission, et moi même si je n’avais pas mon journal je finirais par perdre la tête à vivre enfermée dans ces murs au beau milieu de nulle part. Je crois d’ailleurs que quand l’armée qui approche aura été mise en déroute, je prendrai un peu l’air et visiterais les villages alentours. Jusque là je ne suis pas sortie du fort sauf durant les exercices de manœuvre en montagne. Cela pourrait faire le plus grand bien à plusieurs de nos hommes de m’accompagner, notamment Reiner qui est natif de la région. Il doit avoir de la famille dans les environs d’ailleurs. Il faudra que je lui demande.



Pour rester éveillée, je vais continuer d’écrire dans mon journal.



Je repense que ce matin justement, nous discutions avec Renate et le sujet de la baisse de moral des troupes est venu assez rapidement. En fait, c’est elle qui me l’a fait remarquer, mais subtilement. J’ai l’impression qu’elle est incapable de prononcer de sa bouche une mauvaise nouvelle, mais elle a soigneusement attiré mon attention sur plusieurs détails qui m’ont amené à réaliser le problème, et quand je l’ai évoqué elle a pris l’air faussement étonnée avant de tout de suite reprendre en proposant des solutions. Je crois que Renate a un caractère qui, à très peu de choses près, pourrait être agaçant, mais comme elle est toujours très patiente et dit ou fait tout avec beaucoup de soin, elle arrive à remonter le moral. Je ne l’ai jamais vue l’air triste, ou ce qui s’en approche le plus c’est quand elle fait semblant de réfléchir pour m’apporter une idée à laquelle elle était manifestement déjà arrivée depuis longtemps. En tout cas, ses conseils me sont généralement d’une grande aide, quoi qu’ils soient parfois trop candides, et justement, c’était le cas ce matin. Elle m’a dit d’un ton désinvolte que les soldats pourraient apprécier une occasion de faire la fête, au moins une fois de temps en temps. J’ai d’abord crû qu’elle pensait à des célébrations comme la fête nationale ou l’anniversaire du roi, mais non. Elle ne voulait pas parler de célébrations avec hymne et défilé cérémoniel, mais bien d’une occasion de se relâcher, de boire, ou de faire de grandes festivités avec repas musique etc. J’ai déjà vu ce genre de choses se faire dans l’armée, mais uniquement en temps de paix. Ce qui m’a achevé c’est quand elle a ajouté, d’un air qui voulait faire croire qu’elle y avait pensé sur le moment mais qui dénonçait que l’idée lui trottait en tête depuis un moment, que l’on pourrait faire de telles célébrations pour mon anniversaire. J’avoue n’avoir pas su quoi répondre, et d’ailleurs je n’ai pas répondu, car c’est à cet instant qu’on nous a interrompu pour m’annoncer l’approche de l’armée ennemie. Il faudra que je réfléchisse très sérieusement à cette idée cependant. Je ne suis pas sûre de pouvoir accepter qu’une quelconque célébration tourne entièrement autour de ma seule personne, ou même d’accepter que le fort fasse une célébration de toute manière. Si l’on doit célébrer quelque chose, ce sera la victoire juste après avoir remporté la bataille. Si demain l’ennemi attaque, alors après demain sera un jour faste où nous nous réjouirons de les avoir écrasés, foi de chevalière.

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