Le plateau de biscuits

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 La fête battait son plein. Les décorations foisonnaient, éclairant de leurs lumières joyeuses le sapin, immense, qui se tenait au coin de la cheminée à l’âtre énorme. Les girlandes de couleurs ondulaient le long des poutres du plafond et le gui pendait aux chambranles appelant les amoureux. Les petits enfants couraient, se chamaillaient, jouaient, qui à l’épée, qui au dragon, le tout dans une joyeuse débandade de rires et de cris. Les adultes, parés de leurs plus belles tenues discutaient, tentant de ne marcher sur aucune petite main. Les effluves d’alcool faisaient froncer le nez des assez grands pour être à hauteur de verre, mais ils en faisaient fi, profitant de leur taille pour chiper canapés et amuses-gueules et chips qu’ils distribuaient avec avarice aux plus petits.

 — Je t’en donne trois si tu arrrives à entrer dans la cuisine, à voler un plateau de petits biscuits qu’ils gardent pour le thé, tétârd !

 — Mais si c’est ça, j’en veux pas d’ton canapé au pâté, Max ! râla le petit garçon. Si je peux aller chercher les gâteaux, je n’ai pas besoin de toi !

 — Eh bien vas-y alors, mais ne compte pas sur mon aide ! fit le grand avec un reniflement dédaigneux.

 Il s’en alla, fourrant dans sa poche les derniers apéritifs, sans un regard en arrière, traînant derrière lui ses deux sbires idiots qui pianotaient sur les claviers de leurs mobiles.

 Le petit garçon, Bastien de son prénom, décida que le grand, malgré sa bêtise, avait eu une bonne idée. Avec deux autres enfants, ils se glissèrent dans un charriot, tel Ulysse lors du siège de Troie. Dissimulés sous la grande nappe blanche, les trois petits étaient concentrés. Ils n’auraient qu’un moment pour agir. Lorsque la cuisine fut calme, ils sortirent de leur cachette et tandis que les deux autres faisaient le guêt aux deux portes, Bastien saisit le plateau.

 — Pop ! chuchota l’un deux avec force.

 C’était le signal que l’intendante arrivait par la porte du fond. Sans se faire prier, les chenapans filèrent par la porte qui menait au salon, sous les cris de la vieille femme qui eut juste le temps de les voir se carapater.

 Fier d’eux, ils appelèrent les petits et, planqués sous une table, ils distribuèrent le fruit de leur larcin.

 Alors qu’ils dégustaient les biscuits, une cavalcade se fit entendre. Les adultes couraient dans tous les sens. Tétanisés, les enfants ne parvenaient pas à bouger et pleuraient en silence.

 Le sapin était tombé. La cheminée était en feu. Impossible pour les enfants de sortir, la voie était coupée par les flamme. Alors, surgissant du dehors glacé, un homme bedonnant à la barbe d’un blanc éclatant, s’arrêta devant eux.

 — Père Noël ? s’étonna Bastien.

 Le vieux acquiesça, les fourra dans sa hotte et la jeta par la porte grande ouverte. Lui fit demi-tour. Max manquait à l’appel.

 Bientôt, lui aussi fut jeté par la porte. Mais le Père Noël, lui, ne sortit pas. Le quartier entier était en cendre au petit matin.

 Et Bastien, sur le bord de la route, restait ébahi, de la neige coulant de ses yeux, au lieu de larmes.

Un renne s’approcha de lui.

 — Il est immortel, tu sais, fit l’animal.

 — Il reviendra l’an prochain ?

 — S’il le veut, oui.

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