Éclipse
Lorsque la maîtresse ouvre sa salle de classe, mille et une odeurs assaillent ses jeunes élèves : celle du crayon à papier, de la colle, du plastique neuf, des marqueurs et des craies. Elles se mélangent, se gravent dans la tête des chérubins. Pourtant, aucun d’eux n’y prête attention. Tous vont de leurs pas, traînant ou rapide, jusqu’à leur table respective.
Ils se dandinent sur leur chaise en bois, la tête tournée vers le voisin ou la voisine. Leur sac posé à leurs pieds, leurs affaires étalées devant eux, ils sont dans leur bulle. La classe de Madame Pommier est toujours pleine d’énergie, de bavardages et de rires. Tous les enfants aiment être ici, apprendre et s’amuser avec leur institutrice.
Celle-ci leur demande un peu de calme. Sur son bureau, un carton attise déjà la curiosité des petits. Vont-ils jouer aux maracas comme la semaine dernière ? Ou fabriquer un collier de pâtes pour la fête des mères ? Madame Pommier leur sourit. Elle garde en permanence cette expression douce et bienveillante, qui lui forment des rides de joie.
Sans regarder, elle tire de la boîte des lunettes. Elles sont bizarres : la monture en plastique et les verres remplacées par une sorte de papier noir. Camille, la plus curieuse de la classe, lève sa main. Elle bat des jambes et secoue son bras. Madame Pommier l’autorise à poser sa question :
« Mais, madame, comment on fait pour voir avec ! Ça sert à quoi ? On va tous en avoir ?
— Ce sont des lunettes très spéciales, elles vous permettront de regarder l’éclipse de ce midi ! »
Tout le monde pousse des « oh » et des « whoua ». Ils ne savent pas ce qu’éclipse veut dire, mais ils sont impressionnés. Madame Pommier leur distribue la curiosité du jour, tout en leur expliquant ce qui se produira en milieu de journée :
« Vous voyez la lune ? »
Tous hochent du chef.
« Eh bien, aujourd’hui, elle a un rendez-vous très important !
— Avec qui ? Avec qui ? s’impatiente Hugo.
— Le soleil, lui sourit Madame Pommier. Et pour ça, la lune va se faufiler entre la Terre et le soleil. Nous ne verrons plus notre jolie boule de feu, mais un grand anneau tout enflammé ! »
Des exclamations s’élèvent dans la classe.
« Et pour le regarder, on doit protéger nos yeux. Oui, Youssef ?
— Vous serez avec nous ?
— Bien sûr ! Vous pourrez même dessiner l’éclipse après le déjeuner. »
Les enfants crient de joie, tandis que Madame Pommier repose le carton sur son bureau. Elle reprend la leçon de la veille sous les yeux attentifs des petits. Samira et Maël, eux, fixent l’horloge. Ils observent les aiguilles, rêvent qu’elles indiquent le 12.
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