Chapitre Huit : Les deux portes écrit par Sheraciel

Seules les ténèbres entouraient Noémie durant sa chute interminable.

Après dix minutes à tomber dans le vide, la peur de l'impact final s'était transformée en un ennui mortel. Cela lui rappelait vaguement un conte pour enfant qu'elle avait lu dans sa jeunesse. Allait-elle atterrir dans le pays des merveilles... ou finir au fin fond des enfers ?

- Petit, mystérieux, adorable prisme dans mon cœur, un coup de main pour me sortir de là ? Non ?

Le silence.

- Qu'est-ce que je dois faire pour que tu m'écoutes ? Si seulement je pouvais me rendre sur la planète Coloris, j'aurais toutes les réponses à mes questions... Je pourrais reprendre une vie normale, au lieu d'être pourchassée par un dictateur ou envoyée dans des époques et des lieux incongrus.

Soudain, Noémie fut aveuglée par une multitude de couleurs. Rouge, orange, jaune, vert, bleu, indigo, violet, toutes les nuances de l'arc-en-ciel remplacèrent l'obscurité à laquelle elle s'était progressivement habituée. Elle sentit son corps tomber comme une masse sur un support moelleux. En ouvrant les paupières, elle découvrit un magnifique paysage haut en couleurs : des collines vert pomme ondulaient aux côtés d'arbres aux feuillages rose pastel, un dégradé de violet et de bleu peignait le ciel, et une rivière dorée s'écoulait joyeusement dans la vallée. C'était donc le pays des merveilles ! pensa Noémie bouche bée d'admiration.

Au loin, elle aperçut une immense muraille. Naturellement, elle s'y dirigea en espérant découvrir l'endroit où elle avait atterri. Elle passa à côté de créatures ressemblant à des zèbres bariolés, des vaches aux taches bleues et roses, et des moutons au pelage irisé. Arrivée au mur, elle se retrouva devant deux portes gardées par un soldat en uniforme à l'air blasé. Sur l'une était indiqué "Coloris" et sur l'autre "Monochrome". Le coeur de Noémie fit un bond. Se pouvait-il que le prisme l'ait envoyée exactement là où elle le souhaitait ? Ravie, elle commença à se diriger vers la porte menant à Coloris, mais elle fut brutalement arrêtée par le garde.

- Ticket, ordonna-t-il sèchement en tendant la main.

- Pardon ? répondit Noémie.

- Pas de ticket, pas d'entrée, grogna le soldat.

- Où je peux avoir un ticket ?

Il pointa du doigt un bâtiment que Noémie n'avait pas vu, attenant au mur. En s'approchant, elle constata qu'il s'agissait en réalité d'un casino. Des machines à sous, des roulettes, et des tables de poker étaient disposées dans toute la salle. Ses yeux tombèrent sur un affichage : "Ticket pour Coloris, 5000 jetons". N'ayant pas d'autre option, elle décida de tenter sa chance aux jeux.

- Impair ou pair ? Rouge ou noir ? demanda le croupier.

- Pair, tenta Noémie. Rouge.

Elle eut droit à un regard de travers de la part des autres joueurs. Noémie constata que ceux-ci étaient entièrement en noir et blanc et avaient l'air très pauvres. Elle se rappela des propos de sa mamie : c'étaient les "Monochromes", les sans couleurs. Noémie se frotta les mains. Elle qui voyait en couleur grâce au prisme, contrairement à eux, était avantagée. Et elle comptait bien en profiter. Elle gagna une fois, puis deux, puis trois, elle enchaina les victoires et accumula les jetons, si bien qu'elle se fit remarquer. Le directeur du casino l'observait depuis un moment, et décida que cette cliente était néfaste pour les affaires.

- Tricheuse ! beugla-t-il en la pointant du doigt.

Le directeur, lui, était en couleur, et paraissait bien riche et gras. Il envoya ses hommes pour arrêter Noémie, mais celle-ci détala avec ses cinq-mille jetons, qu'elle échangea contre un ticket pour Coloris.