La lanterne
Le Mal se répand et je crains de lui avoir ouvert la porte. J'ai commis la plus terrible des impudences en m'introduisant dans le manoir abandonné au bout de Blackwood Road. Mais surtout, je n'aurais jamais dû m'emparer de la lanterne à l'éclat de saphir. Quand nous habitions encore à New York, Papa m'avait montré comment me servir du revolver que Maman garde maintenant caché dans le tiroir de sa table de chevet. À présent, je doute qu'il me soit d'un grand secours face à ce qui rôde dans la nuit. Car voici venue l'ère de Ryuudg, le dévoreur cosmique. J'essaie de me convaincre que tout ceci n'est qu'un rêve affreux, que les ombres ne sont pas plus épaisses une fois le Soleil couché, mais le cristal de Cöos ne ment pas. Il scintille chaque soir avec plus de force que le jour précédent et il me semble détecter tant de formes obscures, louvoyantes à la lisière de son auréole marine. À ses volutes océanes, j'adresse mes prières.
Avec Maman, nous avions emménagé fin août dans la vallée où elle avait grandi après le divorce de mes parents. Nous nous sommes installés dans le petit pavillon d'un quartier résidentiel. Ma mère répétait :
" Je sais que c'est difficile pour toi, Warren, mais ce n'est que temporaire. "
Je ne répondais rien. New York me manquait, mes amis aussi évidemment. Toutefois, j'étais heureux de ne plus voir le visage de Maman strié de larmes ou marqué par un coup.
Dans ma nouvelle école, il ne me fallut pas longtemps pour faire la connaissance de nouveaux camarades dont Dave Connors et Mike Jones. Je mis encore moins de temps pour remarquer la colline sur le versant opposé de notre vallée où les teintes hivernales paraissaient déjà installées. Quand j'abordai le sujet avec Connors, il me répondit :
" Ce sont les bois hantés de Blackwood Hill.
- Sans déconner ?
- Ouais, enfin c'est surtout le manoir qui craint. renchérit Jones.
- Vous vous moquez de moi ?
- Non, vieux. On a même un petit jeu à te proposer. Pour voir si t'es vraiment un dur.
- Qui consiste en quoi ?
- À y entrer, à prendre quelque chose que tu y trouves et à nous le ramener.
- Aussi simple que ça ?
- Tout le monde n'y arrive pas. Chavez par exemple. "
Il y avait comme une sentence irrémédiable dans les mots de Connors. Un ton froid qui aurait dû me mettre la puce à l'oreille. Nico Chavez était le genre de gamin à qui personne ne parle pendant la récréation, qui n'est jamais invité aux anniversaires. Parce qu'il se traînait une réputation de trouillard ou bien parce qu'il était l'un des seuls Latinos de la région. Comme je ne voulais pas me retrouver mis au ban de notre microcosme, je dis :
" OK. Montrez-moi ça.
- T'es sûr de ton coup, Snow ?
- Carrément. "
Dave et Mike avaient échangé un regard, un sourire en coin.
L'après-midi était bien avancé le samedi suivant quand mes deux camarades m'emmenèrent sur la vieille route cabossée. Plus nous grimpions, plus les bois devenaient touffus. Là-haut, ils étaient si profonds qu'ils en paraissaient presque noirs. Au détour d'un ultime virage, je découvris la maison hantée. Je remarquai en premier ses fenêtres crevées comme autant d'yeux aveugles. Pourtant, je sentais son regard peser sur moi, impression écrasante accentuée par les nuages bas qui couraient juste au-dessus de la cime des arbres. Je lâchai :
" Bordel !
- Flippante, hein ? lança Connors.
- Un peu, oui. Y en avait une du même genre sur Dutch Hill, chez moi.
- Super ! Mais décide-toi, Snow, on n'a pas toute la journée !
- T'as le feu au cul, Jones ?
- Ce que Mike veut dire, c'est qu'il vaut mieux éviter de trop s'éterniser si on ne veut pas que le vieux DeWitt nous dégage. Voire même qu'il appelle le shérif.
- Qui c'est ?
- Le vieux qui habite dans la dernière maison qu'on a dépassée. Il rôde souvent dans le coin.
- Comme s'il patrouillait ou surveillait la baraque. appuya Jones.
- Alors, si tu veux y aller, bouge-toi parce que j'ai pas envie de me prendre une engueulade à cause de toi, Snow ! "
Je restai un moment à observer cette pierre d'un blanc passé, ce porche envahi de feuilles mortes où toiles d'araignées et poussière vivaient en harmonie, ce toit en zinc oxydé par les intempéries. Il était difficile d'en détacher le regard. Son aura indicible dans laquelle sourdait la sensation d'une menace très ancienne me captivait autant qu'elle me révulsait.
" Et je ramène ce que je veux ?
- Ouais. Il faut quand même que ça prouve que tu es entré. "
À aucun moment, je n'ai pensé à la conséquence de mes actes. J'étais trop obnubilé par ma volonté d'épater Connors et Jones. D'un bond, je traversai le coteau herbeux qui faisait autrefois office de pelouse. De la porte d'entrée, il ne restait que le cadre ; aussi enjambai-je le battant pour m'introduire dans la bâtisse. Le vestibule baignait dans une lumière grise de fin de journée ou était-ce là un effet des histoires que m'avait racontées Jones et Connors ces derniers jours ? L'air que je respirais me paraissait lourd, presque poisseux. Je ne trouvai rien d'intéressant dans le hall, mais je m'y attendais. Sur ma gauche, des draps d'un blanc fantomatique couvraient des fauteuils et une imposante horloge murale et claquaient doucement dans la brise qui entrait de part et d'autre de la maisonnée. J'entrai dans la cuisine de l'autre côté du couloir, mais toute la vaisselle gisait brisée sur le carrelage à carreaux. Face à ce bazar inintéressant, je m'enfonçai plus profondément dans cet antre de ténèbres, cet entre-deux entre la réalité et le surnaturel. Elles m'enveloppèrent, me soupirèrent d'étranges promesses. Une fois, je me retournai vivement quand un souffle vint me caresser la nuque. Je lançai d'un ton mal assuré :
" Y a quelqu'un ? "
Seul un courant d'air me répondit en agitant un voile autour d'une armoire. C'est là que mon regard accrocha la discrète porte. Que recélait-elle ? Était-ce un placard, des escaliers ? J'en tournai le bouton, mais le panneau ne bougea. J'essayai de tirer plus fort, rien n'y fit. J'allais renoncer quand elle s'ouvrit de quelques centimètres dans un grincement sinistre. Insuffisant pour me frayer un chemin, juste assez pour me redonner de l'espoir. Les deux mains sur le cadre, j'exerçai une forte pression en arrière par violents à-coups. Une noirceur de velours s'échappait de cet insterstice, accompagnée d'une pestilence suffocante. Face à l'odeur détestable, je reculai d'un pas, la main devant le nez. À ce moment, j'aurais raisonnablement dû fuir mais la passion l'emportât. Personne, j'en étais sûr, n'avait osé s'aventurer au-delà de ce seuil. Là, je trouverais le trésor que je convoitais. J'attrapai la lampe torche dans mon sac à dos et éclairai la fente obscure. Un escalier s'enfonçait vers la cave de la maison. La puanteur qui s'en dégageait était un mélange sordide de viande en décomposition, de fange marécageuse. Peut-être que des animaux étaient venus crever dans ce sous-sol obscur. Mais il y avait autre chose dissimulé sous le premier vernis puant, de plus "ancien". Le nez enfoncé dans le col de mon pull, la torche braquée devant moi, j'entrai. Est-ce qu'Indiana Jones rechigne à pénétrer dans un tombeau à cause de l'odeur ?
Le faisceau de ma lampe accrochait les ombres grises de meubles à l'abandon. D'abord, ce que je pris pour une multitude d'yeux transparents ; en fait de vieux bocaux à confiture vides. Plus bas, en éclairant le contour de la pièce, je découvris la carcasse rouillée d'une bicyclette, des cagettes de bois entassées dans un coin, un vaisselier aux vitrines brisées, un rocking-chair boiteux qui oscillait doucement comme si quelqu'un se reposait dedans quelques minutes auparavant. L'hétéroclisme classique d'un caveau. Une lumière d'un gris crépusculaire filtrait à travers un soupirail semi-circulaire, tel un œil à demi-fermé, couvert de crasse poussiéreuse. Je balayai le pourtour de la pièce, dépassai de mon rayon lumineux un renfoncement sombre d'où s'échappaient le courant d'air qui agitait le fauteuil à bascule et la lourde exhalaison puante qui m'avait presque chassé sur le palier du salon. Comme il n'y avait rien d'intéressant parmi les amas oubliés ici, je franchis le passage en dépit de tous les signaux d'alarme tant sensoriels qu'instinctifs que me renvoyaient mon esprit. Sans le savoir, je franchis là une indicible frontière.
Je me penchai pour passer le linteau bas et au-delà, je débouchai sur une salle basse de plafond, sans trappe ni lucarne vers l'extérieur. J'avais braqué ma lampe vers le sol en terre battue pour voir où je mettais les pieds et, en me redressant, je découvris deux piliers épais dont le ciment s'effritait en longues lézardes. Des plaques éparses jonchaient le sol à leurs pieds. C'est à ce moment précis que je découvris le puits. Un petit mur en pierres aux contours imprécis en faisait le tour. Mû par la curiosité, je me penchai au-dessus du gouffre opaque, mais ma lampe n'était assez puissante pour en distinguer le fond. Ou bien il s'enfonçait dans des profondeurs insondables. Le souffle, pareil à une respiration, qui remontait de ces entrailles inaccessibles, m'assaillait à m'en soulever le cœur. Plus dérangeant encore, je sentis comme une présence tapie tout en bas, guettant depuis des éternités un infortuné curieux qui la libérerait de cette oubliette. J'entendais dans les murmures de la crevasse son appel implorant. Troublé, je me reculai vivement. Ce fut à ce moment précis que je remarquai la lanterne et son discret reflet de saphir accrochée à une chaîne tendue entre les deux piliers du soubassement. J'oubliai immédiatement le maelström démoniaque. Ou plutôt je trouvai dans l'éclat bleu de la veilleuse la magie pour résister aux promesses noires de l'entité cachée. Est-ce par peur, par convoitise ou sur l'appel de la créature infernale que je m'emparai de la lanterne ? Aujourd'hui encore, je n'en suis pas sûr.
Je grimpai sur le petit parapet. Sous mes pieds, les pierres branlaient, menaçaient de me précipiter dans le puits, mais je désirais le cube en métal ouvragé et, plus que tout, je voulais contempler cette intrigante flamme bleue. Deux forces me tiraillaient, aussi puissante l'une que l'autre. Celle de l'abysse inatteignable et maudite contre celle du lampion de laiton. Dans un équilibre incertain, j'attrapai l'objet de ma convoitise puis me jetai en arrière dès mon forfait accompli. Un morceau de ciment roula sous ma semelle et disparut dans les profondeurs que je dominais. Son écho se répercuta de choc en choc puis s'éteignit au bout d'interminables secondes. Mon Dieu ! Que cette béance noire était profonde ! Quand un lointain soupir me parvint, la peur s'empara de ce qui restait de ma vaillance et je remontais jusqu'au rez-de-chaussée en courant, tenant farouchement la lanterne.
Sur le palier, je récupérai mon sac à dos, y enfournai précipitamment ma torche électrique, la lanterne et prît aussi vite que je le pus le chemin de la sortie. À ce moment-là, je perdis ma casqeutte des New York Yankees qui tomba de la poche de mon blouson.
Dehors, la lumière du jour avait changé, les ombres s'étaient épaissies avec l'arrivée du crépuscule. Je ne me doutais pas encore que les heures les plus sombres recélait d'entités aux teintes de goudron dont le regard ardent luit par-delà les maisons endormies et profèrent à la gueule des astres d'antédiluviennes menaces.
Par chance, Connors et Jones étaient toujours là :
" Putain, Snow ! T'en as mis du temps ! On a eu chaud, le vieux DeWitt est redescendu de la forêt il n'y a pas longtemps.
- C'est grand là-dedans !
- T'as trouvé quoi ? "
J'ouvris mon sac et l'éclat marin de ma trouvaille inonda aussitôt le couvert d'arbres où nous nous trouvions. Jones allait dire quelque chose, mais avant qu'il n'ait prononcé un mot, un cri rauque résonna dans mon dos, me pétrifiant par sa violence :
" Bordel de p'tits merdeux ! J'vous ai déjà dit de pas v'nir fouiner par ici. Attendez que j'vous chope, les mômes ! "
Sur la bande herbeuse entre le mur de pierres et les bois, presque au niveau de la galerie, un vieillard vêtu d'une vareuse de l'armée, s'avançait, brandissant avec véhémence un bâton de marche.
" Va chier, le vieux ! répondis-je en levant un majeur grossier. Connors me tira en direction de nos vélos. Nous arrivions à nos VTT quand je réussis enfin à glisser mon bras sous la seconde sangle de mon sac à dos. Connors s'engouffrait déjà sur le sentier boueux entre les deux massifs de mûriers, Jones sur ses talons. Derrière moi, j'entendais le raffut du vieux DeWitt tandis qu'il s'engouffrait dans les bois sur nos traces. Il chargeait au milieu des ronciers comme une bête acharnée, il vociférait juste derrière nous. À sa course furieuse, nous opposions la fougue de nos douze ans et la peur de nous faire attraper. Malgré la peur de la chute, nos montures volèrent jusqu'à la vieille route cabossée.
Juste avant d'entamer la grande descente vers la ville, je lançai un dernier regard vers le manoir. Au travers d'une mansarde, j'aperçus l'espace d'un instant une ombre louvoyer dans les profondeurs de la maison, venir jusqu'au rebord de l'ouverture, lécher ce qui demeurait de la lumière diurne pour enfin retourner se réfugier dans les ombres épaisses de la bâtisse. Puis le vieux apparut à la lisière du chemin et je détalai.
Tout le long de la route jusque chez moi, une idée m'obséda, sans que je parvienne à la formuler. Sous le pont ferroviaire, nous nous arrêtâmes. Jones lâcha, en nage :
" Putain ! J'ai bien cru que DeWitt allait nous choper !
- Ouais, on a eu chaud ! répondis-je.
- Montre-nous cette lampe, Snow. dit Jones, le souffle encore court à avoir pédalé comme si nous avions eu le Diable en personne aux basques.
- Si vous voulez. Mais ça ne...
- Non, pas maintenant. Il se fait tard et si je traîne trop, mon père va encore me coller une branlée. Demain, est-ce qu'on peut passer chez toi ? " me coupa Connors en me posant la main sur le bras.
Une voiture de police était stationnée devant chez moi quand j'arrivais. Un instant durant, je crus que le vieux DeWitt nous avait reconnus et avait balancés nos noms au shérif. Le cœur battant, j'approchai du perron. Une terreur que je reconnus sans peine voilait sa voix et ses traits. Mon père l'avait contactée. Soit par lettre, soit en téléphonant. Quand elle m'aperçut dans les escaliers, elle s'arrêta net :
" Oh, Warren ! Te voilà. Mon Dieu ! Mais tu es dans un état !
- Désolé, M'man. J'ai glissé dans la terre pendant que je jouais avec des copains ! répondis-je en serrant de plus près ce que je cachais dans mon sac.
- Va vite te débarbouiller, nous mangerons dans pas longtemps.
- Alors c'est toi le nouveau camarade de classe dont me parle ma fille, Alba Hillier. "
- Heu oui, m'dame...
- Ça va ? Tu te fais à ta nouvelle vie ? C'est pas trop paumé pour toi, par ici ? ajouta l'autre agent. Sa plaque portait le nom de Rustin.
- Non, m'sieur. J'aime bien le calme.
- Obéis-moi et va te laver, maintenant.
- Oui, m'man. "
Je saluai d'un geste de la tête les deux policiers et j'entrai. Toutefois, je pris garde à laisser la porte entrebaîllée. Je voulais écouter. Je n'eus pas longtemps à attendre :
" Madame McAdams, nous comprenons votre inquiétude mais...
- Mon mari a reçu une injonction d'éloignement du juge. Il a également interdiction de nous contacter. Comment a-t-il pu avoir notre numéro alors que nous ne sommes pas dans l'annuaire ?
- Madame, écoutez-nous s'il vous plaît. Nous ne pouvons pas laisser une voiture devant chez vous, vu nos effectifs, mais nous pouvons patrouiller dans votre rue à heures régulières si vous le désirez.
- C'est le mieux que vous puissiez nous offrir, à mon fils et... "
Je bougeai et une lame de parquet grinça sous mon poids. Ma mère ouvrit la porte :
" Warren, dépêche-toi de faire ce que je t'ai demandé. Ce n'est vraiment pas poli d'écouter ainsi. File à l'étage ! "
Sans demander mon reste, je grimpai dans ma chambre. Papa avait-il été remis en liberté ? Le reste de la soirée fila avec cette question en suspens, sans qu'aucun de nous pour oser la prononcer. Le temps du repas silencieux, je ne pus détacher mes pensées de la lanterne. Au moment du dessert, ma mère remarqua :
" Tu es bien silencieux, Warren. Qu'est-ce qui te tracasse ?
- Papa. mentis-je.
- Je sais ce que tu te dis à son sujet. Nous prierons ce soir.
- Oui, maman. "
Sous un ciel si bas qu'il semble toucher la cime des arbres, le manoir se tient, porte vers des enfers à l'haleine putride. Ce qui vit là ne vient pas de quelque tréfond maudit, mais du vide entre les étoiles et les mondes. Roulent au-dessus de moi les langues grises des nuages chargés de pluie et de froid. Dans ces collines, l'hiver est toujours là, comme s'il cherchait à éloigner les curieux.
Les aiguilles de chaque conifère pointent vers moi telles de minuscules lames prêtes à me déchirer. Au-delà de la lisière de cette forêt opaque et inextricable, des ombres épaisses qui m'épient ou me convoitent. Celles béantes par les fenêtres cassées de la vieille demeure sont pareilles au cœur éteint d'une étoile morte. Une silhouette familière apparaît sur le seuil. Je ne vois pas son visage, mais je le reconnais sans peine. La voix noire de mon père, chargée du venin de la colère et du goudron de ses addictions que sont l'alcool et la cigarette, s'élève :
" Warren, tu n'es qu'un sale petit fouineur ! Comme ta mère, tu ne comprends rien à rien ! Viens ici que je te corrige. Viens tâter de mon ceinturon ! "
Je ne veux pas, mais ma foulée me mène droit vers ce déferlement de violence et de chaos. Je lutte, mais il n'existe aucune échappatoire à ma fuite. Une seconde voix, éraillée par le temps et la solitude, vient s'opposer à celle de mon père. Mr. DeWitt émerge de la frondaison :
" Jeune Snow, n'entends pas l'appel des ténèbres. Ryuudg, le dévoreur cosmique, lit dans nos cœurs et s'empare de ce que nous chérissons le plus. Le cristal de Cöos te protégera tant que tu...
- Warren, viens recevoir la récompense que tu mérites ! " beugle mon père en réponse à l'avertissement du vieil ermite.
Tandis que des langues jaillissent de la maison hantée, pareilles à des tentacules cancéreuses, des yeux d'un rouge de braise fendent soudain les ténèbres de la demeure et se braquent sur moi. Anarchie rampante, oblitération de mes pensées...
Je m'éveillai en sursaut, un cri sur les bords des lèvres. Dans l'obscurité de ma chambre, je tremblai, saisi de froid. Tout mon corps était couvert de transpiration au point d'avoir trempé mes draps. Encore sous le choc des visions d'horreur de mon cauchemar, je me levai sans éclairer ma lampe de chevet. Ce fut à ce moment que je réalisai qu'à travers les interstices de mes volets en bois filtrait une étrange lueur d'un rouge ardent. J'essayai de me rappeler s'il s'agissait du reflet du lampadaire de ma rue, mais je ne me souvenais pas l'avoir déjà observé. Pas de cette teinte surnaturelle. J'ouvris les volets et je mis quelques instants à comprendre ce que mes yeux voyaient. À mi-chemin entre les lumières de la ville et les étoiles, tout près de ces collines de la folie, une ombre titanesque se tendait. Antédiluvienne horreur qui occultait les astres et dardait son regard mauvais sur nous, pauvres créatures manipulables. Comme Méduse, elle portait de sombres appendices qui fouettaient le ciel nocturne. Étais-je toujours dans mon rêve ou la sidération m'empêchait-elle de réagir ?
Je sus quand ma mère, depuis le rez-de-chaussée, se mit à hurler.
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