Hôtel Sérénia suite
- Chérie.. Chérie.. ?
Elle reconnaît la voie inquiète de son mari. C'est étrange d'ailleurs, ces derniers temps, il a toujours ce ton alarmant et triste dans les cordes vocales. Lorsqu'elle ouvre les yeux elle voit la chambre blanche, avec vue sur le parc à l'herbe rase ; une infirmière vient lui apporter un petit gobelet de médicaments … Son mari est penché sur elle, un léger sourire aux lèvres :
- Tu vas bien ma chérie ?
Pourquoi cette question annodine lui paraît si subitement porteuse de grand malheur ?
- Aussi bien qu'on peut l'être. Tu n'as pas amené notre fils ?
Le père se retourne vers l'infirmière comme pour obtenir une aide ou un accord tacite. Elle avance son visage avenant au pied du lit :
- Hélas votre fils est décédé depuis plus d'un an déjà Madame...
Elle n'entend plus la suite.
- Voyons..., il faudra penser à réparer cette terrasse, avec un si beau paysage les touristes apprécieront de se prélasser au soleil.
Le mari s'en retourne ; une larme discrète se faufile en bordure de sa paupière, il ne peut l'arrêter avant qu'elle ne roule en cascade sur ses rides, que le malheur creuse chaque jour un peu plus. Parfois, il envie sa femme couchée là depuis plus de dix mois ; lui aussi aimerait pouvoir s'échapper de cette triste réalité et partir dans des contrées où son fils serait encore là, à rire de ses blagues, ses cheveux blonds si doux chassés par le vent coquin, devant leur maison en bord de plage. Un chauffard l'avait renversé alors qu'il était parti à l'école sur son petit vélo. Elle était restée prostrée, puis elle était partie aux pays des rêves, de ses rêves, là où il ne pouvait pas le rejoindre, là où sa vie avait pris un tournant qu'il espérait circulaire. Depuis un an maintenant, il venait la voir dans cet hôpital psychiatrique, pourtant réputé, sans que rien ne change dans son comportement. Elle restait statique, un léger sourire aux lèvres. Au moins les médecins lui avait assuré qu'elle ne souffrait pas.
Revenue dans sa chambre d'hôtel, la femme propsa à son mari d'aller se promener au marché, qu'elle avait apperçu à l'autre bout de la ville, et dont la chatoyance des couleurs lui avait charmé les yeux. Le mari prit un peu d'avance et sortit de l'hôtel un peu avant elle. Lorsqu'elle voulut à son tour ouvrir la porte vitrée du hall, celle-ci lui resista et l'hôtesse lui affirma qu'elle ne sortitait pas d'ici. Éffrayée elle retourna dans sa chambre et tenta de briser la vitre, hélas sans succés ; elle se coupa gravement au poignet. La dame était là ! Elle pansa sa plaie et l'invita à sortir par un tunnel. Sa plaie saignait malgré le pansement, mais elle avançait courageusement une marche d'escalier après l'autre. Puis l'escalade d'un tronc de bois et enfin une porte dérobée sous un escalier lui permit de se retrouver dehors.
- Bienvenue à l'hôtel Sérénia ! Vous y trouverez paix, calme et confort. Les premiers touristes arrivaient à l'hôtel. Son mari lui souriait la tenant par l'épaule, face à la splendeur du paysage. Leur fils riait en courant après un papillon imaginaire. Son bonheur ne pouvait pas être plus grand : elle l'avait gagné son paradis.
Cette fois les larmes avaient reflué dans son gosier sous l'ordre de son mental d'argent, dont les pointe vives coupaient profondément. La douleur les avaient affutées si parfaitement, qu'un cil perdu n'y aurait survécu.
Désolé..., morte ce matin..., suicide..., tous ces mots refusaient de former des phrases, s'il voulait garder sa raison il devait refroidir sa haine par la glace. Le trottoir lui parut soudain bien vert, en un éclair il vit sa femme au sein de cette verdure lui faire un signe, il manqua se faire écraser par une voiture... pourquoi pas après tout...
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