La Libellunelle
Le jardin de Petit Paul, pas plus grand qu’un mouchoir de poche, regorge de trésors pour qui sait regarder.
Là, le palais de Dame Hirondelle. Là-bas, la baraque aux Lucioles où, chaque soir, Demoiselle Cigale charme les convives au son de sa mandoline.
Non loin, pointant leur museau du terreau, monsieur et madame Lataupe, tous deux extra-lucides, s’entraînent à creuser les prochains songes de leurs nuits d’été.
La grande attraction du moment - Reine Bleue le lui a confié - se trouve sur le carré d’herbe juste devant lui. Un centimètre au carré pour le grand manège du printemps !
Petit Paul a revêtu son pantalon blanc, une chemisette bleu du ciel ornée d’un écusson verdi à la pomme Reinette et ambré à l’or des Pirates. Reine Bleue le lui a offert pour l’occasion.
Les mimines posées sur les genoux,
il se penche,
s’accroupit et observe.
Le spectacle va commencer.
Un bruissement se fait entendre.
… Fliiit, Fliiit, Fliiit... floooo, floooo, fliiiit floooo….
Petit Paul s’émerveille. À tire d’ailes, voilà La Libellunelle tant espérée !
... Fliiit, Fliiit, Fliiit, floooo, floooo, fliiiit fliiiit floooo….
Devant lui, quatre ailes agrémentées de bulles couleur vermeille vibrent aux battements de la demoiselle. Quatre légers drapeaux flottent et scintillent sous la lumière du printemps.
Petit Paul n’en croit pas ses yeux.
Tout près de ses prunelles, des milliers d’étoiles miroitent et tourbillonnent.
... Fliiiiit, Floooooo, Floooooo, Fliiiiiiiiiiiiit…
La Libellunelle s’interrompt et, mille cillements plus tard, "s’apaumit" avec délicatesse au creux de la petite main offerte.
Reine Bleue l’a prévenu : "Petit Paul, si Libellunelle vient à se coucher dans le creux de ta main, ne la referme surtout pas. Elle en mourrait ! " Elle l’a conseillé ainsi : " Maintenant que tu sais aller jusqu’à dix, compte les petits pois rouges sur ses ailes et forme un vœu. Libellunelle, par deux à trois mille balancements, le retiendra et s’envolera pour le confier au soleil."
Petit Paul examine attentivement : "1, 2, 10, 4 et... Euh, 7 ! "
Il ferme très fort les yeux, la bouche encore plus rondement pour s’aider à formuler LE vœu et, surtout, garde la main bien ouverte.
Reine bleue l’observe,
le sourire en accroche-cœur.
Elle se met alors à chantonner doucement.
Libellunelle, au son de la mélodie, frôle et chatouille le bout du nez de Petit Paul, lui dépose deux bisous-Papillon et s’envole à tout vitesse, laissant sur ses paupières une poussière d’or.
Petit Paul n’y tenant plus, ouvre les yeux, regarde sa main.
Libellunelle a disparu et laissé sept petits ronds rouges en gage du souhait confié.
Craignant pour son trésor, il cueille trois marguerites des prés, en guise de paravent, qu’il dépose dessus.
À petits pas, Il retourne vers la maison de sa grand-mère.
Bien calé sur la chaise de la cuisine, il écoute avec attention Reine Bleue lui expliquer comment, un soir de printemps, Dame Coccinelle et Sieur Libellule se sont embrassés d’un amour si fort que Libellunelle en est née.
Reine Bleue dépose alors, sur la table, un petit coffret rouge sur lequel s’égayent sept gros ronds noirs.
Elle actionne le poussoir d’étain : deux ailes articulées s’entrouvrent.
Petit Paul place marguerites et bulles de Vermeil, souffle une petite brise chaude sur trois bouts d’herbe collés et contemple le coffret se refermer sur son trésor du jour.
Depuis dix levers de soleil, c’est le dixième trésor trouvé !
Tout content, il frotte ses petites mains l’une contre l’autre et se les lave avec l’air parfumé du jardinet.
C’est maintenant l’heure solennelle du goûter et pour rien au monde, il ne veut le manquer !
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