— Reste...

Non, ne l'écoute pas.

— Ne pars pas...

Ne le regarde surtout pas.

— Je ne peux pas vivre sans toi...

Ne te retourne pas.

— Faith, lui souffla une voix rauque où perçait une pointe de désespoir.

Ses yeux verts étincelants se voilèrent, elle n'en pouvait plus. L'air semblait lui manquer et sa respiration s'était faite plus saccadée. Sa conscience lui intimait dans un cri d'alerte de prendre ses jambes à son cou et de partir le plus loin possible de cet individu qu'elle s'était crue aimer de tout son cœur. Celui-ci en revanche, semblait lui faire croire qu'une nouvelle chance était possible. Mais combien de fois avait-elle fait demi-tour, persuadée qu'il changerait comme il le lui disait chaque fois qu'elle s'apprêtait à partir ?

— Je ne peux plus faire semblant, Sean . Je ne veux plus...

Cela n'avait été qu'un murmure. Pourtant ses paroles avaient atteint son interlocuteur qui, torse nu dans leur lit, ne la quittait pas des yeux. Il avait une fois de plus voulu la soumettre à ce qu'elle appelait "son ultime humiliation". Elle avait eu le courage de le repousser et de remettre en ordre ses vêtements désormais froissés.

— Je te promets d'être plus doux. S'il te plaît, revient dans le lit, insista son amant, un bras tendu vers elle en signe d'invitation.

Elle s'était autorisé un regard vers lui, doucement. Elle n'aurait pas dû. Il était tellement beau, tellement attirant et enivrant. Pourtant, elle le savait, derrière ce beau visage d'ange se cachait un véritable démon qui se plaisait à la détruire à petit feu. Elle était à deux doigts de s'en sortir, mais...

" Je suis peut-être la seule à m'en être rendue compte, mais Faith , il te fait du mal comme ça... Pourquoi tu restes avec un type comme lui ? Je ne te comprends pas. Regarde comme il t'humilie, bordel ! Ta mère n'y voit que du feu ! Lui avait-on dit un soir dans leur cuisine, alors qu'ils avaient des amis à la maison. Pourquoi tu restes avec lui ? Pourquoi, Faith ?

Je ne sais pas.."

Et c'était toujours ça. Elle ne savait pas. Elle ne savait jamais. Et elle répondait ça depuis... elle ne savait même plus. Deux ans depuis la formation de ce couple empoisonné. Deux ans depuis la fin de leurs études au lycée. Cette amie lui avait posé cette question pendant tout ce temps. Pourtant aujourd'hui, elle n'avait toujours pas la réponse à cette question.

— Faith , répéta Sean , qui s'était redressé vers le pied du lit.

D'un geste brusque, elle s'était retrouvée plaquée sur le lit. Aucun son n'était sorti de sa bouche, pourtant elle aurait toutes les raisons du monde de crier et de se débattre pour s'échapper de cette étreinte brûlante. Cependant elle fit abstraction de ses pensées qui lui hurlaient toujours de partir quand elle sentit soudainement une traînée humide longer son cou. Son bassin s'arqua sous le plaisir que lui prodiguait son amant. Ses fines mains qui se maintenaient en s'accrochant aux bras musclés de son compagnon se virent plaquées au-dessus de sa tête.

— Laisse-moi être le seul à pouvoir te toucher, lui avait-il susurré au creux de l'oreille en s'attelant à lui attacher les mains à la tête du lit.

Elle y était habituée. Depuis plusieurs mois maintenant, les goûts de son compagnon avaient brusquement changé, passant de la douceur naturelle à un jeu beaucoup plus dangereux et moins aux goûts de la jeune femme. Elle s'était soumise à son choix par un soi-disant amour existant entre eux. Puis, elle s'était vite rendu compte que rien ne transpirait l'amour dans leurs ébats. Du plaisir, elle en ressentait, oh oui ! Mais bien vite, le plaisir se transformait en honte. La perception de la sexualité selon son amant était déviante et loin des mœurs sociales. Il se plaisait à la voir souffrir de ses mains ou de la voir souffrir par elle-même. Leur relation se résumait essentiellement à une relation de dominant à dominé. Il n'était majoritairement excité que par ça.

— Pas comme ça, parvint à haleter Faith . Tu m'as promis d'être doux.

L'homme aux cheveux ébène s'était arrêté dans ses préliminaires, dirigeant son regard de braise vers celui embué de sa "femme". Elle avait dit cela quand il avait remonté ses grandes mains vers son cou qu'il avait commencé à serrer de plus en plus fort alors qu'il lui mordillait un sein désormais rougi par les morsures.

— Plus doucement, s'il te plaît, continua-t-elle après quelques secondes sans que ni l'un ni l'autre ne bougent. Juste ce soir au moins... Après, tu pourras faire comme tu le souhaites. Juste ce soir, s'il te plaît...

Il sentait dans sa voix une forme de supplication. Son côté égoïste naturel lui dictait de n'en faire qu'à sa tête, mais si cela lui permettait de reprendre le dessus, pourquoi pas ?

— D'accord, si ça peut te dissuader de partir.

C'est quelques heures plus tard qu'elle se retrouvait encore, les yeux grands ouverts, dans les bras puissants de Sean . Celui-ci dormait profondément, sa tête posée dans le creux du cou de son amante. Son souffle régulier procurait une sensation de chatouillis qui provoquaient des frissons à la jeune femme.

C'était le moment de passer à l'action... Mais en avait-elle au moins le courage ? Tout n'était pas perdu, si ? Quand elle avait vu à quel point il s'était montré doux cette nuit, tout espoir de le faire continuer sur cette voie n'était pas négligeable. Peut-être pouvait-il changer ? Mais ça faisait plus d'un an qu'elle essayait pourtant et il redevenait cet être abominable après une période pleine de douceur et d'amour... Un amour factice qui se transformait vite en haine.

— Décide-toi, Faith , murmura une voix chaude à son oreille.

C'était crispé et horrifié que son regard déviât vers cette voix qu'elle connaissait trop bien. Avait-elle pensé à voix haute pour qu'il songe à penser qu'elle veuille partir ?

— Pars loin de moi et je me tue.

Sentiment de culpabilité ? À son maximum.