Chapitre 3 - Investigation partie 2 - Une enquête capricieuse

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— Tu penses qu'il a souffert ? Déglutit l'adolescente en épiant le cadavre.

— Sans aucun doute, répondit Sylas sans émotion.

Chloé avait malgré tout attendu le Purificateur pour continuer leur petit jeu d'enquête. Elle aurait bien voulu jouer les filles courageuses en commençant elle-même l'autopsie, mais à la vue de ce petit être sans vie, elle s'était dégonflée. Non pas qu'un corps en état de décomposition, les tripes à l'air, la dérangeait ; mais Ragon était un enfant.

La rouquine avait honte devant Sylas. Il s'était hâté vers le corps, totalement indifférent face à la situation tout comme ça l'avait été pour le contexte et s'y était accroupi. Mais pas elle ; et Chloé ne se laissa pas abattre.

Les deux coéquipiers s'étaient retrouvés derrière l'orphelinat . Et comme leur avait décrit la propriétaire, il s'agissait bien de l'arrière d'un bâtiment extérieur au village. À par le cabanon servant probablement de toilettes et une plaine verdoyante, il n'y avait que Chloé, Sylas et un cadavre.

Sylas leva la tête et engagea la conversation avec un petit sourire en coin, narquois.

— Tu ne me fais pas ton diagnostic ? L'invita-t-il, moqueur.

— Il est mort violemment, répondit froidement la gamine en détournant ses yeux remplis de colère face à ce ton hautain.

L'homme n'en fit rien. Cet acte aurait pu l'a faire baisser dans son estime, et pourtant il comprenait en partie sa position. Les corps d'enfants restaient les plus durs à accepter et au vu de la crise qu'elle avait osé faire plus tôt, il préféra ne pas insister. Il soupira, puis débuta.

— Le gamin n'est clairement pas mort sur le coup. Un peu plus loin l'herbe a été retourné et ses vêtements en sont tachés, affirma-t-il en montrant plus loin un parterre détruit où l'herbe y manquait. Il a dû voir sa mort avant de la vivre. Il a eu peur, est tombé, a perdu ses moyens et a essayé de s'enfuir. Il y a des traces de lutte alors que le prédateur essayait probablement de lui trancher la carotide. L'ouverture insuffisamment profonde au niveau du cou pourraient attester ça. Mais ceci n'explique pas les plaies béantes aux niveau des épaules... À moins que ça ne soit pendant la lutte, se questionna-t-il.

Il marqua un temps de pause pour l'adolescente ainsi que pour lui-même. Il soupira bruyamment avant de plonger sa main dans l'abdomen. En le voyant tâter, saisir et tirer à l'air libre les organes qu'il restait, Chloé crut qu'elle allait vomir. Ce n'est plus les yeux qu'elle avait détourné, mais le corps entier.

— L'intestin est encore présent, ainsi que les reins. Les os n'ont pas été retirés pour la moelle... Mais il ne reste pas un gramme de cœur et de foie. Idem pour les globes oculaires alors que le visage est intacte. Les poumons eux...

Sylas fronça les sourcils dans sa réflexion. Les choses se corsaient.

— Il en manque un et l'autre a déjà été empoigné par des griffes. Il est... percé, conclu t-il en ayant touché une dernière fois l'organe.

Doucement, il retira sa main et la secoua de petits coups secs pour en dégager le surplus de sang et de pourriture qu'il fit frotter contre l'herbe. Et ceci, accompagné d'une grimace qu'il partageait avec la rouquine.

— Très spéciaux comme détails. Je croyais que les loups étaient sauvages et impitoyables, marmonna Chloé.

— En effet, acquiesça-t-il. Notre loup est un fin et vieux gourmet, conlut-il en prenant appui sur ses jambes pour se relever.

Sylas étira son dos dans un craquement à la limite d'écœurer davantage la gamine, lui rappelant le bruit d'un os se brisant. En réponse, elle fit elle aussi craquer bruyamment ses mains. Hors de question qu'elle se montre faible face à ce vieux débris !

— Que dirais-tu d'un peu de fouille pour alléger l'ambiance, gamine ? demanda le vieux débris en question.

— Seulement si ton dos le supporte ! T'as même pas encore de gosses et t'as déjà des problèmes aux articulations, répondit-elle d'un ton désobligeant. T'es très mal entretenu pour un Purificateur.

— C'est en parlant avec des gamines comme toi que je comprends pourquoi je ne veux pas de gosse, rétorqua-t-il, moqueur. Vous êtes déjà bien assez nombreux comme ça.

— Non, monsieur ! Moi je suis unique ! U.N.I.Q.U.E, insista-t-elle fortement avant de détaler d'un pas décidé vers l'orphelinat pour clore la discussion à son avantage.

Sylas ne répondit pas. Il se contenta seulement de la regarder, petit sourire en coin, bien caché par sa pilosité en désordre.

*

— Allez, allez ! On se dépêche !

L'heure de manger avait sonné. Les enfants couraient entre les lits, laissaient tomber leurs effets personnels au sol et riaient aux éclats ou bien parlaient forts entre eux. Madame TINMART les avait fait sortir un peu en avance en réalité, car le Purificateur et l'Invocatrice le lui avaient demandé. La seconde étape était la fouille des chambres pour trouver un quelconque indice sur la sélection du bétail ou même encore : du vrai loup.

Les deux compagnons s'étaient donc répartis les rangées de lits et de tables de nuit à explorer.

Alors que Chloé râlait parce qu'elle venait de glisser sur un torchon -qui devait servir de doudou- trempé, Sylas était totalement silencieux et oubliable.

— C'est fou ce qu'ils ont comme jouets... fit remarquer Sylas.

— Je te le fais pas dire. Le bâtiment a beau être vieux, c'est comme si ces gosses attiraient la grâce de Dieu et que les seuls donateurs du monde venaient donner de leurs biens. J'ai jamais vu autant de jouets ! s'exclama-t-elle, acariâtre.

Aucune remarque supplémentaire. Tout deux finirent doucement d'examiner la pièce et les objets appartenant aux enfants.

— Des jouets, et encore des jouets... Et quand c'est pas des jouets, c'est des collections de plumes grises, bleues, blanches, noires, tachetées et j'en passe ainsi que des pommes de pin, et d'insectes séchés ! Des scarabées, sauterelles, grillons, coccinelles... Aussi mignon que glauque, grinça-t-elle.

— Tu oublies les livres... grommela le Purificateur en repensant à celui qu'il s'était pris en pleine figure.

— Ouais, et des livres ! se moqua-t-elle, sans gêne. On en tirera peut-être plus à interroger les principaux concernés. C'est quand même eux les principales victimes. C'est impossible qu'ils ne savent rien, même s'ils voient tout avec leur propre imagination, souligna-t-elle. C'est tellement ignorant après tout...

Sylas ne fit à nouveau aucune remarque et pourtant, il en comprenait des choses malgré son esprit pouvant être sacrément fermé sur une unique idée. Il se contenta juste d'acquiescer calmement et de, cette fois, engager le pas avec elle et non se faire devancer.

*

— Est-ce que, tu as déjà entendu, des choses suspectes, la nuit, avant qu'un de tes camarades, meurt ? insista-t-il davantage sur chacun de ses bouts de phrase qu'il avait l'impression de répéter inlassablement depuis déjà une heure.

Chloé soupira, roulant des yeux dans un râle d'impatience. Elle le voyait réellement comme un vieux con n'ayant pas évolué sur le point social. Il faut dire que la gamine qui était en face d'eux fronçait les sourcils, et tirait une tête inquiète. La confiance ne régnait absolument pas entre l'enfant et les adultes.

— Raaaah, elle ne veut rien entendre ! S'énerva-t-il en se grattant le crâne.

— Pff, laisse-moi faire, lâcha-t-elle en lui empoignant l'épaule pour l'obliger -de façon brusque- à se reculer et à lui laisser la place.

L'homme reprit rapidement son équilibre. Ce geste l'avait surpris et agacé davantage ; mais il décida de se taire. Chloé avait pris la première place et voulait montrer qu'elle était plus douée que lui ? Très bien ; qu'elle fasse. Si elle se foire, Sylas en tirera une satisfaction puérile.

La rouquine s'accroupit alors au niveau de l'enfant et arbora un large sourire comique et amusé.

— Salut toi, moi c'est Chloé ! Le papi qui fait peur et moi, on est là pour détruire les méchants et les éloigner des gentilles petites filles comme toi.

— Donc vous allez tuer monsieur TROGLOV ? demanda la petite, soudainement intéressée.

Chloé dirigea un regard étonné envers son coéquipier, mais lui ne broncha pas. Son visage lui renvoyait un message claire " Débrouille toi ". " Mais quel gosse ! " pensa-t-elle en roulant des yeux avant de reprendre un sourire bien gêné pour la petite.

— Heu... commença-t-elle, incertaine. Non, on ne va pas tuer ce monsieur. Pourquoi ? Il t'a fait du mal ? demanda la rouquine qui s'éloigna légèrement de son plan initial.

Mais la petite ne répondit plus. Elle avait détourné le regard dès que l'adolescente avait répondu à sa question par la négative. Elle semblait comme sourde et faisait la mauvaise tête. Comprenant son petit manège et ayant la pression de Sylas sur ses épaules, elle leva doucement ses mains au niveau de sa tête, écarta les doigts et fit son plus beau sourire sadique.

— Tu sais ce qu'on fait aux filles pas sages et malpolies ?

En voyant ses yeux se gorger de terreur et sa peau pâlir à vue d'œil, Chloé s'empressa d'agir. Elle se jeta sur la petite fille et lui fit les plus grosses chatouilles aux endroits les plus sensibles possible.

— On les punit en les forçant à rire ! cria-t-elle pour amuser la gamine.

La fillette hurla en premier, puis se mit à sourire et à rire à gorge déployée reprenant ses couleurs. Elle commença par des petits "Arrête", puis ceux-ci s'intensifièrent et elle hurla comme un cri d'interdiction voire même de détresse.

— Arrête !

Chloé se stoppa. Elle avait réussi à ouvrir son cœur pendant un instant, mais en s'étant emportée, elle était allée trop loin pour la fillette et cet acte avait fini par l'ennuyer. En entendant le sourire de Sylas qui était fier qu'elle se trompe, la rouquine afficha une tête désabusée.

De sa petite poche secrète, elle sortit un met très convoité et cher : une sucette gout fraise. Elle obtint immédiatement l'attention de la petite fille qui la regardait avec des yeux pétillants d'envie.

— Tu la veux ?

L'enfant acquiesça et alors, Chloé la lui tendit pour la reprendre aussitôt quand le bout des doigts de la gamine effleura l'objet.

— Alors si tu le veux, tu réponds à mes questions, lâcha-t-elle sèchement, fatiguée.

En voyant la fillette déglutir et acquiescer vivement d'une façon presque comique avec une petite bouche entrouverte, Chloé prit un petit sourire satisfait de gagnante.

— Est-ce que tu sais quelque chose sur les disparitions de tes camarades ?

L'enfant répondit par la négative en secouant vivement la tête. Puis, elle tenta d'empoigner la sucette. Mais l'adolescente leva sa main plus haut.

— J'ai dis " mes questions ", rétorqua-t-elle. Quand tu auras répondu à tout, tu l'auras. Alors... tu as déjà entendu des bruits bizarres la nuit ?

— Bah non, je dors, répondit-elle comme si c'était la question elle-même qui était étrange.

— Tu n'as rien vu d'étrange non plus à propos d'un monstre et des disparitions des enfants de l'orphelinat ?

— Heuuuu... réfléchis la fillette. Baaah... Non, répondit-elle totalement obnubilée par l'objet convoité.

La rouquine soupira et lui tendit le trésor en la remerciant. Bien sur, celle-ci détala et malgré le fait d'avoir gagné le pari silencieux entre elle et le Purificateur, rien n'en était sorti pouvant faire avancer l'enquête. Tout cet acharnement pour aucun indice valable ! Et cet idiot de Sylas semblait satisfait alors qu'elle, était ennuyée.

Mais un visage illumina le sien. Aussi fière qu'une reine, elle s'avança vers un petit garçon somnolant.

— Qu'est-ce que tu fais ? Demanda Sylas.

— Quelqu'un qui somnole, c'est quelqu'un qui dort pas ! L'interrogatoire n'est pas terminé, crânait-elle face à sa propre déduction.

Le même discours corporel recommença. Elle fit claquer ses doigts pour attirer l'attention du gamin, impatiente, et dans l'autre main elle tenait une nouvelle sucette. Elle allait jouer le même jeu.

L'enfant se réveillait doucement de son rêve, et malgré ses yeux embués ils brillaient également. Il ne comprenait pas ce qui arrivait, mais il était d'accord pour dévorer ce sucre.

— Tu vois cette sucette ? Bah si tu réponds à nos questions tu l'auras, comme pour la fillette là-bas, dit-elle en la montrant du doigt.

L'enfant renifla, puis frotta ses yeux tout en acquiesçant lentement.

— Parfait ! S'exclama-t-elle. Est-ce que tu as entendu quelque chose de particulier il y a 3 jours ?

— Mmmh... Ragon a beaucoup crié. J'avais envie de faire pipi et j'ai fais dans le lit. J'arrivais plus à dormir.

— C'était un ami à toi ?

— Oui. On adore ramasser des trésors.

— Des trésors ? Quels genre de trésors ? questionna-t-elle dubitative.

— C'est moi le plus riche. Mes plumes c'est les plus jolies et Ragon attrapait les meilleurs insectes. Ils sont énormes ! Surtout les scarabées. Il en a trouvé un bleu une fois, comme mes plumes ! C'est son trésor à lui, mais moi j'en ai plus.

— Oooooh... s'intéressa-t-elle faussement sans rebondir.

— Et où est-ce que vous trouvez ces trésors ? Sortit Sylas de son silence.

— Ben... renifla-t-il en souriant. Derrière l'orphelinat, comme tout le monde. C'est là où y'en a le plus ! s'exclama l'enfant, fier. Vous voulez voir mes plumes ? Mais je ne donne pas les trésors de Ragon. Il faut qu'il soit d'accord, mais il peut pas répondre là.

— Non, pas la peine. Tu peux lui donner ta sucette Chloé.

L'invocatrice s'exécuta. Encore une fois, ils n'avaient rien tiré de leur interrogatoire. Combien de gamins ils avaient essayé d'interroger, elle l'ignorait à présent. Peut-être fallait-il passer au personnel ?

— Ouais... J'ai l'impression que personne n'a rien vu ou entendu mis à part les cris durant la nuit et le cadavre au réveil. On va y passer la journée à trouver quelque chose de plus juteux, soupira-t-elle.

— Mmmh... répondit-il comme s'il voulait la contredire.

En voyant Madame TINMART s'avancer vers eux, sans doute pour avoir des nouvelles de l'affaire, Sylas la devança et posa une demande qui surprit la gérante.

— J'aimerais voir le registre des entrées et sorties de l'orphelinat.

*

Devant le registre qu'il tenait, la vieille femme semblait inquiète, concernée également par ce qu'elle pourrait apprendre, et Chloé ne comprenait absolument rien à cette demande. Toutes deux se posèrent les mêmes questions mais le Purificateur ne répondit à aucune. Il fronça seulement les sourcils après plusieurs minutes à étudier chaque entrée et sortie, chaque date et noms dans un silence insoutenable et stressant. Tout ça pour seulement fermer le registre et dire :

— Ce soir, il n'y aura plus de victime.

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