Chapitre 14 - Une fin joyeuse

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Sylas avait aperçu Bethie au loin qui semblait s'être parfaitement adaptée à la haute société. Elle les avait épiés avec envie, un grand sourire aux lèvres, auprès de ses amis d'un soir. Elle s'amusait encore avec eux.

Le danseur poussa un long soupir essayant de couper net ses pensées et son excitation sur ce qu'il venait de se passer. D'un pas assuré, il s'engagea droit vers l'elfe. Une fois à son niveau, les pipelettes commencèrent d'ores et déjà à piailler de plus belle.

— Osez me dire qu'il ne se passe rien entre vous après ça ! jubila la Comtesse de BRENIER d'un petit chuchotement suivi d'un gloussement.

Beth resta muette. Elle se contenta d'arborer un grand sourire gêné, n'adhérant absolument pas à ce commentaire.

— Si vous voulez bien m'excuser, je vous emprunte la Baronne pour un instant, annonça-t-il en plaçant une main forte dans le dos de la voluptueuse femme, la forçant ainsi à l'accompagner.

Cette dernière le suivit sans broncher sous les sourires gloutons de ces messieurs. Voilà qu'ils comméraient mariage !

Sylas l'amena jusqu'à la piste de danse et lui fit une révérence, l'invitant à danser. L'aubergiste accepta avec joie et d'un sourire véritable aux coins des lèvres, elle prit sa main et suivit le mouvement.

— Mais c'est qu'tu as la dalle ! Après le refus de son Altesse, tu te rabats sur une connaissance aux apparences moins exigeantes ?

Prit de court, il s'étouffa avec sa salive dans un rire qu'il avait tenté de retenir. Il toussa fortement puis se racla la gorge et respira une grande bouffée d'air une fois la gêne sortie.

— Dans les faits, c'est plutôt moi qui lui ai mis un râteau.

— Tu as refusé ? demanda-t-elle, confuse.

— J'ai plutôt été forcé d'accepter qu'elle voulait moi et pas un autre.

— Typique ! C'est une femme qui sait ce qu'elle veut. Je ne l'ai, pour ainsi dire, jamais vu hésiter. Du moins pas devant les autres... soumit-elle.

— Et tu savais en quoi consistait la mission soi-disant intéressante au moment de me la vendre comme telle ?

— Pas du tout ! Mais la connaissant, tu ne vas pas pouvoir te reposer sur tes lauriers.

— Garde du corps, grogna-t-il. Je vais devoir lui servir de garde du corps. Et pourquoi pas lui donner la cuillerée aussi ?

— Ne sois pas si cynique. Tu as déjà fais bien pire. Rappelle toi l'épisode de la fameuse poêle...

— Mais qu'est-ce que vous avez toutes avec cette histoire ?

— C'est une bonne anecdote à raconter, souleva-t-elle.

— Seulement quand c'est moi, et moi seul, qui la raconte à qui le mérite.

— Son Altesse ne mérite donc pas tes péripéties ? s'indigna-t-elle faussement.

— Non, elle ne les mérite pas.

— Bien... Mais avoue que je sais te donner des travaux qui payent, relativisa-t-elle.

Sylas soupira longuement, acquiesçant à contre cœur de la tête.

— C'est sur, quand on connait des gens hauts placés... C'est tout de suite plus facile de privilégier qui on veut.

Le balafré leva la main et la fit tournoyer dans celle-ci, lui tenant encore la sienne puis la reprit dans ses bras.

— Et pourquoi pas toi ? Tu as su faire tes preuves lors de...

— Ah non ! protesta-t-elle, le coupant dans sa phrase. Ma magie prend beaucoup trop de temps à se mettre en place ! Tu m'imagines ? Moi ? Contre des goules ? Je devrais alors, quoi ? Courir jusqu'à un arbre en espérant qu'elles n'y grimpent pas et faire mon rituel de quinze minutes sous leur nez, dans la peur ? Ne fais pas l'idiot. Tu n'as pas l'étoffe pour.

— Et qu'en est-il de Chloé ? Elle est pourtant proche de Anika de ce que j'en ai compris. Elles partagent même des secrets entre elles...

- Tu le fais exprès ? Pourquoi cherches-tu à ce point à refourguer ton travail ? Tu n'avais qu'à dire non si c'était pour le prendre comme ça ! Anika n'est pas du genre à donner un ordre absolu. Même infime, elle t'a forcément donné le choix.

— Je n'ai pas pu lui dire non, avoua-t-il.

— Alors arrête de faire le sot, lui ordonna-t-elle en détournant le regard. Chloé est jeune, et inexpérimentée. Elle a besoin de quelqu'un comme toi pour lui apprendre les ficelles du métier. Une épaule paternelle, qui la supporte et qui peut rebondir pour gagner un combat en la virant de l'équation si elle est en danger. Exactement comme tu l'as fait. Elle ne peut pas se débrouiller seule. Pour le moment du moins. Elle a besoin de se durcir, de gagner et de perdre, de...

— Te fatigue pas, la coupa-t-il à son tour. J'ai compris le message.

Un silence presque pesant se posa sur leurs épaules et pourtant, ils dansaient avec légèreté. L'elfe était très attachée à la rouquine; il y avait tout pour le montrer et le noiraud comprenait et entendait ces messages. Il n'était peut-être pas doué pour comprendre tout le monde, comme le lui avait balancé la jeunette, mais ça il ne pouvait pas le nier. Et ce sentiment l'atteignait. Il ne savait pas comment le prendre, mais il le ressentait comme une gêne.

— Je l'ai croisée tout à l'heure, fit-il, rompant le silence. Elle semblait ravie d'être ici ! Mais lorsqu'il s'agit de s'empiffrer comme une affamée, même le paradis n'aurait pas pu la contenter.

L'homme tenta de briser la gêne sur un ton plus léger; il réussit habilement pour l'ambiance générale, mais la sienne restait bien présente.

— Ca ne m'étonne pas ! C'est son endroit préféré pour se cacher et passer un bon moment en solitaire, sourit Bethie. Le sucre aide pour calmer les sentiments négatifs...

Sylas hésita un moment avant de se lancer et de poser une question qui fâche.

— Comment va-t-elle ?

— Pas terrible, mais ça avance, dit-elle en acquiesçant de la tête suivi d'un léger soupir.

— Elle a réussi à te parler, depuis l'incident ?

— Oh, oui ! Enfin plus ou moins. Elle n'a pas émis un son ni même un grognement pendant plusieurs jours, et puis... Il n'a fallu que d'un petit cauchemar pour qu'elle accourt dans mes bras, sourit-elle, malicieusement.

— Hm, souffla le Purificateur du nez. Je vois le genre.

— Honnêtement, elle n'a pas dit grand chose. Mais je pense qu'elle ne voudra plus jamais avoir affaire avec une Ombressaress. Elle... m'a sorti quelques mots, tout de même.

Voyant que son interlocuteur restait silencieux, sans questions ni commentaires, elle enchaina.

— Elle est encore jeune. Elle a du mal à dissocier ses angoisses de la réalité. Ce n'est pas comme toi qui n'a soi-disant rien écouté. Ou moi qui ai essayé de faire abstraction avec quelques cauchemars en conséquences. C'est normal, il lui faudra un peu temps. Les mots sont encore importants à son âge.

— Et quel genres de mots a-t-elle entendu ?

— Oh... Elle sera plus à même de te répondre. Mais globalement, ca tourne autour de son amour propre et du peu de proches qu'elle a. Du moins, pour survoler le problème... réussit-elle à admettre d'une voix cassée.

Sylas acquiesça longuement, sans un mot.

— Et toi ? Qu'as-tu entendu en arrêtant de mentir ? lui demanda-t-elle.

— Elle ne m'a pas parlé. Je n'ai donc rien eu à écouter, sourit-il.

— D'accord, c'est inutile, se résigna-t-elle dans un soupire. Dis-moi Sylas, est-ce que tu voudrais bien prendre Chloé comme élève ? Pas officieusement, comme ça l'a été, mais vraiment. Mais juste pour quelques missions ! Je sais, tu travailles seul. Je comprends que la compagnie soit pas ton truc à la base. Mais je sais aussi que c'est difficile de trouver un Purificateur, de nos jours, avec des valeurs non discutables. Chloé apprend vite, tu l'as vu de toi-même alors...

— C'est d'accord, la coupa-t-il sans un mot de plus.

L'elfe se tut. Elle regarda tout d'abord le professionnel d'un air surpris, puis lui sourit avec reconnaissance en guise de merci. Le silence dura ainsi jusqu'à la fin de la valse. Ils s'étaient enfin permis de s'amuser un peu, de se détendre et de rire entre eux.

Une fois leur jeu terminé, ils n'en commencèrent pas un nouveau. Bethie le laissa là, décidant d'aller rejoindre un autre partenaire et non Monsieur et Madame BRENIER ainsi que le Marquis. Prenant son courage à deux mains, l'homme aux cheveux courts se dirigea de nouveau vers le buffet. Il fut intercepté trois fois par de charmantes dames mais leur refusèrent une danse. En revanche, il prit l'adresse de deux d'entre elles.

Une fois devant les tables encore garnies, il ne trouva pas Chloé du regard. Il but un coup, remplit son assiette de chocolats et autres sucreries et se mit à faire le tour. Il demanda à quelques convives s'ils avaient aperçu une jeune fille rousse en robe jaune, sans résultat. On l'avait regardé de différentes manières : de travers, de dégout et même de compassion.

La réponse à sa question fut vite résolue lorsqu'il vit deux petits bouts de pieds sortir de dessous les nappes. D'un sourire amusé, il s'y hâta et la rejoignit soulevant le draps blanc tapissé de fines fleurs.

— Encore toi ? s'exclama-t-elle la bouche pleine. J'te l'ai pas déjà dit ? Les vieux ça m'intéresse pas !

— J'aime quand on me résiste, se moqua-t-il ouvertement de sorte à ce qu'elle le comprenne automatiquement. Je suis devenu si beau au point que même ma voix ne t'est pas familière ?

Elle s'étouffa dans son chocolat avec des yeux ronds en voulant sortir un " Sylas ? " hésitant.

— Mais qu'est-ce que t'as fait à ta barbe ? le questionna-t-elle. Et ta moustache ? Y a pu rien ! J'aurais dû m'en douter avec tes cheveux courts ! le toisa-t-elle du regard. Je me disais que ça pouvait être qu'un putain de paysan qui essayait de racoler un môme qui pourrait être son gosse, expliqua-t-elle.

— Je t'ai ramené d'autres su-sucres. Tu m'fais une place ?

— Donne moi le plateau d'abord.

L'homme s'exécuta, et quand il vit le grand sourire de la fillette, il la suivit sans peine. Elle se décala avec joie offrant une place à son sous-fifre, qu'il prit sans attendre. Il s'assit à ses côtés, et dut misérablement courber son dos et baisser la tête.

— Alors, tu te cachais de moi ?

— En partie. T'étais vraiment lourd ! avoua-t-elle.

— Donc un homme que tu connais ne peut pas être lourd, dans le contexte ?

— Si. Mais toi ça fait partie de ton caractère, donc je m'attends pas à ce que t'essayes de me fourrer un doigt. En plus, j'ai pas de formes encore. Et toi, tu aimes les fooooooormes.. insista-t-elle, hautaine, en mimant la taille d'une grosse paire de seins, soutirant un rire de son mentor.

— Totalement ! Même si tu étais la dernière femme à féconder, je préfèrerais me taper un groupe de Harpie.

— Normal. Entre une et sept femmes... Tu préfères l'orgie féminine.

— T'en as appris du vocabulaire, dis moi... s'étonna-t-il, plus que surpris face aux mots qu'elle utilisait.

— C'est inné chez moi ! se vanta-t-elle en se goinfrant de nouveau.

— Inné ? Et si tu me montrais tes talents de danse, plutôt ? Je serais curieux de savoir qui a pu avoir la patience de te supporter jusque là. À moins que tout ne soit qu'du vent... la mit-il au défi.

— Du vent ? Du vent ? s'indigna-t-elle un peu plus fort. Je vais t'en donner, moi, du vent ! Tellement que tu vas t'envoler ! Bouge !

Déterminée à lui montrer ses mouvements parfaits, elle laissa tomber le plateau -qu'elle avait de toute façon presque terminé- et lui prit le bras, le poussant à sortir à ses côtés. Le cœur plus léger, Sylas se laissa entrainer, manquant au passage de se cogner sévèrement. Il lui laissa même prendre tous les devants.

Une fois sur la piste de danse, c'est la rouquine qui lui montra comment faire: " Mais non ! Pas sur la hanche !", "Le bas du dos enfin, comme un gentleman ! ", " Prends pas ma main aussi fort bordel ! Tu vas la casser ! Je suis une femme délicate et fragile ! Délicate ! Et fragile ! "... Ils passèrent un bon moment à rire, et sourire. Et au fur et à mesure de leur danse, le balafré vit les yeux de Chloé s'illuminer de nouveau.

Bethie et Anika étaient côte à côte. Elles observaient le tableau avec amour et complicité tout en parlant des actions de la soirée. Durant sa danse, Sylas ne put s'empêcher de regarder la belle qu'il avait scotché plus tôt. Toujours aussi magnifique et tentatrice, il ne pouvait se détourner de ses yeux qui de loin n'étaient qu'émeraudes. Il en oubliait même la présence de cette traitresse d'Elfe. Elles étaient également accompagnées d'une autre jeune fille qui semblait bien proche de la princesse. Tellement, qu'elle lui avait pris le bras et qu'elle se collait lourdement à elle. Était-elle sa sœur ?

Le rire de Chloé réussit à le décrocher de l'emprise de ces dames.

Elle était mignonne; comme une enfant, elle avait encore des restes de chocolat et de confiture de fraise autour de la bouche. Elle dansait comme elle le voulait. Oui, elle lui marchait sur les pieds, et oui elle dansait comme un pied justement. Mais ça les amusait. Ils enchainèrent les danses une à une faisant rires certains et soupirer les autres. Mais ça n'avait pas d'importance car c'est la petite qui possédait le plus beau de tous les sourires.

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