L'Ange Déchu

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J'envisage, je suppose, j'explore, je papillonne, je cueille l'incertain, je piétine les possibles : j'attends. Sans savoir exactement quoi.

Je ne suis pas sur cette terre, ni dans quelconque ciel, ou quelque époque, je navigue entre deux eaux. Je ne suis ni ici ni ailleurs, d'ailleurs. Je suis un vestige, un éclat d'aile perdu.

Je m'illusionne, je m'invente, je feins, je crois en ce qui n'est pas, je méconnais ce qui m'entoure. J'ai tout oublier, sauf elle, la lumière qui un jour m'a été donnée.  

Je pense, mais je ne sais pas, je suis un écho de mes propres réflexions, je suis une fraction, sans consistance, sans corps. Une brume, coupée en mille éclats de moi-même. Je ne suis plus rien. 

Ici, la pesanteur n'existe pas, la couleur ne sait plus s’affirmer, les sons se perdent avant de naître. Les désirs... les désirs, il définissent ce qui n'est plus, ce qui sera. Mais, ici seul le vide dévore tout.  Le vide que j'ai moi-même créé.

Ici, survit seulement une lumière blanche et froide, un éclairage espion, tari pour gommer les ombres, pour chasser le mouvement. Car rien ne bouge sans qu'on l'y autorise et encore moins sans escorte, permission, un nom. Je me souviens de ma lumière, avant de la perdre, avant qu'elle ne devienne ce néant. Le silence plane comme un oiseau de proie, drapant de son envergure chaque poussière de petit bruit. Tout est observé, déchiffré. Tout est traqué, catalogué.  Rien n’échappe à ce regard qui déshabille, qui isole. Ils m'ont déchu.

Ici, les parois sont des miroirs glacés, sans fin, sans teint, lisses et lointains, comme d'interminables horizons monolithes qui ne reflètent que leur propre moirure, comme des murailles sans âme figées et hors de portée. Ils se jumellent par fausse inadvertance, distordent ce qu'ils renvoient, se guettent anxieusement, s'observent entre eux. Ils détiennent la vérité qui échappe à tout, mais ils ne la révèlent jamais. Ils sont à la fois les gardiens et les spectateurs du silence, qui ne fait que se prolonger, témoin du secret qu'ils effacent. Moi. La suspicion qui règne, qu'ils contiennent, c'est moi.  Jadis un frère, une étoile tombée, un être de lumière éteint.

Ici, chaque seconde n'est ni un chiffre, ni une unité, mais une vibration suspendue dans un air trop épais, une sensation fugace qui échappe, qui glisse, qui serre le ventre que je n'ai pas. Chaque grain de sable passe en une brève impulsion sensitive, maintient l'air artificiellement, est soumis à chaque requête. Ils ont pris le temps en otage. Pas moi. Je suis la chaîne, et l'enclume, et le fardeau, et le coeur de la révolte.

Ici, git mon empire, car je suis prisonnier d'un instant éternel, morcelé dans la grandeur de ma chute. Jusqu'à ce qu'elle vienne me trouver, la seule que j'aie jamais aimée... la seule qui m'ait encore vu, avant de m'abandonner à son tour.

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