Chapitre 10
Le trajet jusqu’au royaume d’Allad fut plus long que prévu. Au lieu des trois jours de marches normalement nécessaire, ils en mirent cinq. Marie avait tenu à faire plusieurs détours. Elle ne voulait pas, disait-elle, que les mercenaires ou les soldats à leur trousse, ne devinent l’endroit où ils se rendaient. Les jours passaient, tous identique. Ils marchaient d’un pas rapide, ne faisant que de courte pose le soir pour dormir, mais pas plus de quelques heures. Aucun d’eux n’avaient envie de se faire repérer encore une fois, si bien que chacun d’eux surveillait sans cesse ses arrières. D’ailleurs, plus personne n’osait parler et le petit groupe se déplaçait dans le silence le plus complet. Toutefois, plus aucun incident n’arriva et ils finirent par arriver à la frontière. Ils sortirent des bois, une grande muraille, haute d’une trentaine de mètre, se dressait devant eux.
— Pourquoi y a-t-il un mur ? demanda Emilie curieuse
Laurent contempla la muraille avant de lui expliquer :
— Cela remonte à il y plusieurs siècles. Autrefois, le royaume d’Allad s’est fait envahir par un peuple, aujourd’hui disparu, qui vivait encore plus au sud. Quand l’invasion fut repoussée, le roi de l’époque, Salmon 1er, fit construire une grande muraille tout autour de son pays pour protéger son peuple de futures invasions.
Il s’agissait d’un résumer un peu sommaire mais il n’avait pas vraiment le temps de rentrer dans les détails. Plus vite ils passeraient tous la frontière, mieux cela vaudrait.
— Woua ! tu en sais des choses, dit Emilie, les yeux brillant d’admiration. Mais du coup, comment allons-nous entrer ?
La sincérité enfantine de la jeune fille toucha beaucoup le prince qui lui sourit avant de lui répondre :
— C’est normal, en tant que prince je me dois de connaitre l’histoire de mon royaume et des pays voisins. Venez, si mes souvenirs sont bons, il devrait y avoir un poste frontière pas très loin d’ici.
Il s’était déjà rendu au royaume d’Allad avec sa mère pour un voyage diplomatique, mais cela remontait déjà à plusieurs années et ses souvenirs étaient un peu flou.
Le petit groupe longea un moment la muraille puis, ils aperçurent un attroupement au loin. Ils continuèrent à avancer en accélérant légèrement le pas. Plus ils approchèrent, plus ils constatèrent qu’il s’agissait en réalité de plusieurs personnes faisant la queue devant ce qui devait être le poste frontière. Il y avait de nombreux chariots, certains tirés par des chevaux, d’autres par des beaufs. Parmi tout ces gens, il y avait beaucoup de famille qui souhaitait quitter le royaume d’Abésia. Laurent en fut surpris, il n’avait pas conscience du mal être de son peuple et cela l’attristait énormément. Il suivit les filles et se mit dans la file.
Ils attendaient depuis déjà un moment quand deux gardes arrivèrent dans leur direction en longeant la file. Le logo, un aigle tenant une rose dans le bec, sur le dos de leur armure ne laissait aucun doute, c’était des soldats du royaume d’Abésia. A cet instant Laurent regretta de ne pas avoir sa cape de voyage avec lui. S’il y avait de forte chance pour qu’ils ne reconnaissent pas les trois fugueuses, ils identifieraient immédiatement les deux enfants royaux, il n’y avait pas de doute là-dessus. Il s’approcha discrètement de Marie et lui murmura à l’oreille :
— On va avoir un problème
— Oui j’ai vu…
La jeune fille semblait déjà en pleine réflexion. Son visage s’illumina d’un coup, elle venait d’avoir une idée. Elle se baissa, ramassa de la terre et en étala sur le visage de Laurent.
— Bonne idée !
Il se retourna pour transmettre l’idée à Iris mais cette dernière ne l’avait pas attendu. Sa figure était déjà noircie de terre. Il sourit, la vivacité d’esprit de sa sœur l’épatait toujours.
— Baisser quand même la tête, leur recommanda Marie.
Les deux enfants royaux obéir immédiatement. Lorsque les gardes arrivèrent à leur hauteur, le prince baissa un peu plus la tête et retint sa respiration. Quand ils se furent éloignés, Laurent recommença à respirer. Le plan de Marie avait fonctionné, les deux soldats étaient passés devant eux sans leur prêter la moindre attention. Il fallait avouer qu’avec leur visage recouvert de terre et leurs vêtements salit et abimé, ils étaient méconnaissables.
Le reste de l’attente se déroula sans encombre et après un peu plus d’une heure, se fut enfin à leur tour.
— Raison du passage ? demanda le garde-frontière avec lassitude.
Laurent pris Iris par la main et s’avança. Il découvrit son épaule gauche afin de faire apparaitre au grand jour le dessin d’une couronne gravée dans sa peau. Iris en fit autant. Tout enfants issus de la lignée royale du royaume d’Abésia était marqué au fer rouge le jour de leur naissance. Cela permettait de les identifiés en toutes circonstances.
— Je suis Le prince Laurent du royaume d’Abésia et voici ma sœur Iris, dit-il sur un ton impérial. Nous devons nous rendre à la grande bibliothèque de Gitral. Ces trois jeunes filles, derrière nous, nous accompagnent.
Le garde-frontière les regarda, l’air septique. Laurent dégagea un peu plus son épaule et lui mit la marque royale sous les yeux. Devant ce laisser-passer universel, l’homme du se résoudre à autoriser les enfants à entrer. Le prince le remercia et, suivit des filles, pénétra dans le royaume d’Allad. De l’autre côté de la muraille, ils se retrouvèrent dans ce qui ressemblait à une ville. Ils passèrent dans plusieurs grandes rues grouillantes de monde. Ils continuèrent à se promener un moment. Puis, ils finirent par s’engouffrer dans une ruelle plus étroite et déserte. Là, Marie plaqua le prince contre un mur.
— La grande bibliothèque de Gitral ? demanda-t-elle en l’écrasant un peu plus. Qu’est-ce qu’il y a de si intéressant là-bas ?
Elle appuyait tellement fort sur ça cage thoracique que Laurent avait du mal à respirer. Il ouvrit la bouche pour parler, mais aucun son n’en sortit.
— Arrête ! s’interposa Iris, tu vas le tuer
Interrompue, Marie tourna la tête vers la princesse. Elle reporta ensuite son attention sur le prince.
— Je répète ma question, dit-elle en le relâchant. Qu’y a-t-il d’intéressant dans cette bibliothèque ?
Laurent tomba à genoux, le souffle court. Il avait fait une erreur en parlant de la bibliothèque de Gitral au garde-frontière. Maintenant, il allait être obligé de tout expliquer à la jeune fille.
— Ecoute, dit-il une fois sa respiration retrouvée, j’ai des questions qui pourraient bien trouver leurs réponses dans cette bibliothèque. Mais j’ai peur que mes découvertes ne nous mettent en danger et je ne veux pas vous mêler toutes les trois là-dedans.
Les mains sur les hanches, Marie poussa un soupir d’exaspération.
— Bon je n’ai rien dit jusqu’à maintenant mais là, j’en ai marre, dit-elle énervée. Quand je vous ai libérer des mercenaires, toi et ta sœur auriez pu retourner directement dans votre château pour prévenir la reine des plans de Lord Phorus. Mais non ! au lieu de ça vous m’avez suivi. Puis, vous avez insisté pour venir avec nous accompagner. Et maintenant tu me dis que tu ne veux pas nous mêler à tes découvertes. Mais c’est trop tard ! Tu as dit au garde-frontière qui tu étais, où tu allais et que nous t’accompagnons. Si un de tes soldats l’interroge à ton sujet, ne t’inquiète pas, il ne manquera pas de leurs dire tout ce qu’il sait. Sans le vouloir, tu nous as déjà mêlé à tes histoires. Et pire encore, jamais je ne t’ai vu demander à ta sœur son avis sur tout ça. Elle aussi tu la mets en danger.
Laurent la laissa parler sans rien dire, accablé. Elle avait entièrement raison, par arrogance, il avait dévoilé ses plans et cette erreur pourrait bien lui être fatale. Mais le plus impardonnable dans tout ça, lui qu’il s’était juré de tout faire pour la protéger, venait de la mettre dans un sacré pétrin. Certes elle avait toujours eu un caractère aventureux, mais ce n’était pas une raison. S’il devait lui arriver quelque chose par sa faute, il ne se le pardonnerait jamais.
— Tu as raison, s’excusa-t-il.
Il se retourna pour faire face à Iris et dit :
— Je suis désolé, je n’aurais pas dû te mêler à tout ça
La princesse mit une main sur l’épaule de son frère et le rassura d’un sourire.
— Ne t’inquiète pas. De toute façon, nous n’avions pas vraiment le choix. Nous ne pouvons plus faire confiance à personne au château. Et puis, moi aussi je suis curieuse.
Laurent et Iris se regardaient dans les yeux depuis déjà un moment quand Emilie les interrompit :
— Donc on va à Gitral si j’ai bien compris ?
— Vous trois vous allez où vous voulez, je vous ai déjà fait courir suffisamment de risque comme ça, je ne peux pas vous obliger à m’accompagner, lui répondit le prince.
— En ce qui me concerne, je vous accompagne, affirma Marie
Le prince regarda la jeune fille d’un air suspicieux.
— Ah bon ? je croyais que tu ne pouvais pas nous supporter, demanda-t-il.
— J’ai mes raisons, répondit-elle vaguement
Emilie jeta un coup d’œil à Sarah avant d’ajouter :
— Moi aussi je viens avec vous !
— Emilie je ne pense pas que… intervint Sarah.
— Ho allez, nous n’avons nulle part où aller de toute façon.
— Bon d’accord… céda Sarah.
Emilie sauta dans les bras de son amie. Laurent ne put s’empêcher de sourire devant l’enthousiasme de la jeune fille. Néanmoins, il ne pouvait s’empêcher de se demander pourquoi Marie avait tenu à les accompagner. Le point positif, c’est qu’il pourrait peut-être en apprendre plus sur elle. Surtout qu’elle lui semblait moins fermée.
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