Chapitre 14
Assise à l’ombre d’un arbre, Emilie ne disait rien. Iris et Laurent ne savait plus quoi faire pour la sortir de son mutisme. Ils avaient essayé de la raisonner, de lui expliquer que Sarah avait le droit à un jardin secret, mais rien, elle ne réagissait pas. Agacé, le prince baissa les bras et laissa la jeune fille bouder dans son coin. La princesse quant à elle, essaya encore un peu mais sans succès. Elle finit par imiter son frère et laissa Emilie tranquille.
Ils attendaient depuis un moment maintenant quand Laurent aperçut une longue colonne de soldat se diriger droit vers le château. Il se tourna vers sa sœur qui les avait vu également.
— Qu’est-ce que les soldats du royaume d’Abésia font ici ? demanda-t-elle à son frère
— Je n’en sais rien mais c’est mauvais signe.
En les entendant parler de l’armée royale du royaume d’Abésia, Emilie tourna dans la direction des enfants royaux. Quand elle vit le nombre d’homme, elle paniqua.
— Marie et Sarah sont toujours à l’intérieur du château ! Qu’est-ce qu’il va leur arriver si les soldats leur tombent dessus ?
— A mon avis rien, la rassura Laurent.
— Tu crois que c’est nous qu’ils cherchent ? demanda Iris.
— C’est possible. En tout cas, ils ne nous ont pas encore vu. J’espère juste que Marie et Sarah ne vont plus tarder.
Plus ils restaient là, plus ils avaient de chance pour qu’un des soldats les reconnaissent. Heureusement pour eux, les deux jeunes filles sortir quelques secondes plus tard. Les gardes les laissèrent passer sans problème. Quand elles les eurent rejoints, ils s’éloignèrent le plus vite possible du château. Quand ils furent suffisamment loin, Laurent demanda enfin :
— Vous avez le laissez-passer ?
Sarah le brandit fièrement devant elle. Laurent fut surpris par l’assurance que dégageait la jeune fille. Elle semblait métamorphosée par rapport à tout à l’heure.
— Est-ce vraiment prudent d’aller à la bibliothèque ? demanda Iris. C’est le premier endroit où ils vont nous chercher.
Le prince hésita. C’était risqué c’est vrai mais il se voyait mal faire demi-tour maintenant. Finalement, ce fut Marie qui trancha
— Maintenant qu’on est là autant y aller. D’autant que personne ne sait que vous êtes en ville.
— Tout le monde est d’accord ? demanda tout de même Laurent.
Comme personne n’émit d’objection, ils retournèrent tous à la bibliothèque. Une fois de retour devant la réceptionniste, le prince lui montra le laissez-passer. Elle parut surprise car elle ne réagit pas immédiatement.
— Je vous en prie, entrez, dit-elle une fois l’étonnement passé, la bibliothèque est tout à vous.
— Je vous remercie
Les cinq enfants pénétrèrent donc dans la grande bibliothèque. Elle portait bien son nom d’ailleurs, elle était gigantesque. Il y avait de nombreux couloir remplis de livre du sol au plafond. Laurent n’en croyait pas ses yeux. A côté de celle-ci, la petite bibliothèque de son palais faisait pâle figure. Laurent soupira, les recherches s’annonçaient compliquées.
— Bon qu’est-ce qu’on cherche exactement ? demanda Marie
La question de la jeune fille tira Laurent de sa contemplation. Il se tourna vers elle et lui répondit :
— Tout ce qu’y a un lien avec le royaume d’Erabitsa.
— Le royaume d’Erabitsa… Dit la jeune fille pensive
— Ça existe ça ? demanda Emilie interloquée
— En tout cas je n’en ai jamais entendu parler, intervint Sarah
Laurent regarda sa sœur à côté de lui. Cette dernière l’encouragea d’un signe de la tête. Il se lança alors dans une longue explication, relatant le peu qu’il sût sur le royaume d’Erabitsa et comment il en avait pris connaissance.
— Mais enfin c’est impossible, dit Marie une fois que le prince eut fini son récit. Un royaume ne peut pas exploser comme ça et ne plus laisser de trace. On en aurait forcément entendu parler.
— C’est justement ce qui me préoccupe…
— Bon il n’y a plus qu’à chercher du coup.
Il se séparèrent pour couvrir plus de surface. Chacun arpentait les rayons à la recherche du moindre ouvrage dans lequel il était fait mention du royaume disparu. Un des bibliothécaires présents vint demander à Laurent s’il pouvait lui être d’une quelconque utilité mais le prince déclina son offre, il était plus prudent que personne ne connaisse le motif de leurs recherches.
Au bout d’environ une heure, ils se rassemblèrent au centre de la bibliothèque pour faire le point. Sarah et Emilie n’avait rien trouvé du tout. Iris était également revenue bredouille. Laurent, luo, avait juste mit la main sur quelques documents parlant des échanges commerciaux entre le royaume d’Allad et les autres pays, dont Erabitsa, mais rien de plus. Marie arriva un peu plus tard avec un gros livre dans les mains.
— Je pense que j’ai trouvé quelque chose d’intéressant, dit-elle en posant sa trouvaille sur la table devant elle.
L’ouvrage était intitulé : Légende des royaumes du monde. Elle l’ouvrit sur un chapitre nommé Erabitsa et commença à lire à haute voix :
— « Il y a bien longtemps, en des temps immémoriaux, le royaume d’Erabitsa était un tout petit pays ne comptant que quelques habitants, mais la reine aimait ce royaume plus que tout au monde. Elle mit tout en œuvre pour le rendre plus beau encore à ses yeux. Si bien qu’au bout de quelques années, ce petit pays est devenu un grand royaume prospère.
« Malheureusement, cette prospérité attira la convoitise des autres royaumes qui déclarèrent la guerre à Erabitsa. La reine, refusant la violence, ce retrancha dans son palais et se mit à prier. Elle fit remonter en elle tout l’amour qu’elle portait pour son royaume. Cet amour fut si puissant qu’une barrière protectrice se forma alors autour du pays empêchant quiconque avait des intentions hostiles d’entrer. Face à cette barrière, les soldats furent incapables de conquérir ce royaume qu’ils convoitaient tant. Ils repartirent chez eux et Erabitsa put recommencer à vivre en paix.
« Bien des années plus tard, la reine donna naissance à une magnifique petite fille aux cheveux roux à qui elle transmit tout l’amour dont elle était capable. Bercée par cette amour, la jeune fille grandit. Au plus les années passaient, au plus ses cheveux devenaient flamboyants. Comme sa mère, elle développa également un don de protection. Ce don ainsi que la couleur de cheveux se transmirent de génération en génération. Seulement au fil des siècles, cette magie devint si puissante que mal utilisée, elle pouvait causer l’entière destruction du royaume.
« La légende raconte que si une telle catastrophe devait arriver, il ne resterait rien du royaume et cela même dans le souvenir des habitants des autres pays. Seul une personne ayant du sang Erabitsien dans ses veines serait capable de ce souvenir d’Erabitsa »
— Voilà qui explique pourquoi personne ne parle de la tragédie d’Erabitsa, dit Iris une fois que Marie eut terminé sa lecture.
— Mais ce n’est pas logique, la contredit Laurent, maman avait l’air de s’en souvenir pourtant.
— Elle devait être originaire du royaume d’Erabitsa, analysa Marie.
Laurent acquiesça, ça paraissait logique, sa mère lui avait raconté qu’elle n’était pas de sang royal. Elle avait rencontré le prince Edward, son père, un jour alors que ce dernier était en déplacement, probablement à Erabitsa. Ils sont tombés amoureux l’un de l’autre et quand Edward fut sacré roi d’Abésia, il l’épousa faisant ainsi d’elle la reine du royaume. Mais il restait pourtant une question, pourquoi Lord Phorus avait-il déclarer la grande tragédie taboue puisque personne ne s’en souvenait ?
Le prince était toujours plongé dans ses réflexions quand la voix de Marie se fit de nouveau entendre :
— En tout cas, moi je comprends mieux pourquoi Lord Phorus envoie son armée à la recherche de toutes personnes ayant des cheveux roux. Si la légende dit vrai, il y a peut-être un ou une héritière quelque part et il veut s’approprier son pouvoir.
Laurent était trop abasourdi pour dire quoi que se soit. Tout s’éclairait dans sa tête, Puisqu’Abésia était le symbole suprême de l’autorité entre tous les pays, en s’emparant du trône, il était libre de mener sa traque dans tous les autres royaumes sans s’inquiéter de représailles. Il se rendit alors compte qu’il avait commis une grave erreur. En venant à Gitral il avait certes trouvé ce qu’il cherchait mais il avait également permis à Lord Phorus de mener son plan à bien, la présence des soldats d’Abésia en témoignait.
— Il faut retourner à Abésia le plus vite possible, dit-il en se dirigeant vers la sortie.
Il était sorti de la bibliothèque tellement vite qu’il n’avait même pas fait attention si les autres l’avait suivi. Il courait dans les rues sans prêter attention au passant qu’y s’y trouvait, il en bouscula d’ailleurs plusieurs.
— Laurent, attend ! retentit une voix derrière lui
Le prince se retourna, c’était sa sœur qui lui courrait après. Il ralentit à peine le pas pour la laisser le rattraper. Quand elle fut à sa hauteur, elle lui attrapa le bras et l’obligea à s’arrêter.
— Réfléchis avant de foncer tête baissée, lui dit-elle alors.
— J’aurai tout le temps de réfléchir à un plan durant le trajet jusqu’Abésia, répondit Laurent en se dégageant et en repartant de plus belle. Il faut arrêter Lord Phorus !
— Et comment comptes-tu traverser le désert sans préparation ? lui cria-t-elle, je te rappelle que la première fois, sans l’aide de Tessa et des Trikaya, nous y serions restés.
Le prince s’arrêta net, piqué au vif. Sa sœur avait raison, s’il se lançait, sans préparation, dans un tel voyage, il mourrait à coup sûr.
— Si on allait demander à Tessa, je suis sûr qu’elle nous aidera à nous préparer convenablement.
— Je viens avec vous !
Marie venait de les rejoindre, accompagnée de Sarah et Emilie.
— Nous aussi ! ajouta Emilie
— Non ! refusa Laurent, je ne peux pas vous demander ça.
— Oh mais tu ne nous demandes rien, insista Marie, on vient un point c’est tout.
— C’est trop dangereux. Et puis, c’est mon royaume
Iris lui donna un coup de coude dans les côtes
— Je voulais dire, notre royaume à tous les deux, corrigea-t-il.
— Tu fais erreur, intervint Sarah, c’est notre royaume à nous aussi.
Emilie la regarda dubitative. Sarah s’explique :
— Je n’y suis peut-être pas née mais j’y ai grandi. Je m’y sens beaucoup plus chez moi qu’ici au royaume d’Allad.
— Elle a raison, acquiesça Emilie, c’est chez nous, nous ne pouvons pas laisser Lord Phorus prendre le pouvoir.
Elle se tourna ensuite vers Sarah et lui dit :
— Je suis désolée, je me suis comportée comme une gamine. En vérité j’ai eu peur que tu décide de rester ici et que tu m’abandonne.
— Jamais je ne t’abandonnerais, lui répondit son amie en souriant.
Emilie la prit dans ses bras. Sarah lui rendit son étreinte. Quand elle se furent enfin lâchée, Le prince regarda tour à tour les trois jeunes filles, son regard s’arrêta dans celui de Marie. Il y lu une détermination à toute épreuve. Quoi qu’il dise, elle ne changerait pas d’avis. Après un duel de regard interminable, il capitula enfin.
— Très bien ! Je vois que votre décision est prise.
Il poussa un léger soupir d’exaspération et se remit en route, cette fois d’un pas plus lent pour que tout le monde puisse le suivre. En marchant, il se rappela soudain de la présence d’une partie de l’armée royale d’Abésia. Depuis le temps, il ne devait plus être au château, ils devaient s’être dispersé dans la ville. Il regarda autour de lui mais ne vit aucun soldat. Mais où étaient-ils ?
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