Des jeunes
Brian : C’est la hess. Me réveille dans un couloir sombre, seul. Bouche pâteuse et collante, un vieux goût d’alcool dans la gorge, une migraine insupportable dans le crâne. Du sang a séché sur mon front et forme des croûtes dans mes cheveux. Ai une bosse, un truc énorme. Suis recouvert de pièces de un, deux et cinq centimes (pourquoi ?). Sur ma tête, quelqu’un a posé une vieille couverture qui pue le fromage et je m’empresse de l’envoyer bouler loin de moi. Pris d’une frayeur subite, je fouille les poches de mon pantalon et constate que tous mes comprimés d’ecstasy ont disparu. Je cherche dans ma chemise, dans mes poches arrières, même dans mon caleçon, au cas-où. Nada.
Je me rappelle alors de la fille que je voulais sauter hier, j’ai oublié son nom mais je sais qu’elle avait de bons petits seins et un cul potable. Je parie que c’est cette salope qui m’a chipé mes comprimés. Je me lève et c’est comme si toute la maison vacillait autour de moi. Désorienté, je m’appuie contre le mur et, une fois calmé, je vais dans la chambre. Personne. Dans la salle de bain, le sol est couvert de sang et d’un autre truc qui colle, peut-être de l’alcool. Une bouteille de Get vide est posée sur le lit. La fille n’est pas là.
Mes seuls souvenirs sont : la fille complètement shootée qui jouit sous moi et soudain, une grande ombre qui se dresse et après, le noir. Quelqu’un a dû me frapper par derrière. En tout cas, la fille a disparu. Je décide de ne pas rester plus longtemps ici et déguerpis avant l’arrivée des flics.
Erika : Hier soir, je voulais juste un comprimé, même un demi, histoire de me mettre bien. Je savais que les gens autour de moi en possédaient, mais aucun ne voulait me dépanner. J’ai parlé avec un grand brun bien sculpté et sa copine, un peu bof en comparaison, et il m’a redirigé vers deux autres jeunes, qui ont refusé de me dépanner. Je me suis dit tant pis, après tout ce n’est pas comme si j’étais accro et j’ai continué la soirée.
Plus tard, peut-être vers une ou deux heures du matin (il me semble que c’était après le pétage de plomb de la copine du brun), j’erre dans un couloir, crevée et en manque, quand je trébuche sur un corps mis en travers du couloir. Je reconnais le type qui m’avait refusé les cachets alors je me penche vers lui et tend l’oreille : il dort, recouvert de sang. Soulagée, je lui emprunte quelques comprimés (une dizaine grand maximum) mais là, il commence à se réveiller, et il me regarde. Je ne sais pas s’il me voit mais ça me stresse alors je file dans la chambre, trouve un objet quelconque (une tirelire cochon) et revenue vers le type, je l’assomme avec. Malheureusement, la tirelire se brise et les pièces se répandent sur lui. Je chipe un billet de vingt et file dans un coin pour avaler deux comprimés. Après…
Arthur : Je ne sais pas trop mais je dirais que ce Christian me fout les jetons. Déjà quand il m’avait gueulé dessus à cause du petit accident en chimie (je crois que j’avais sali son pantalon), je m’étais senti terriblement mal et honteux. Les semaines suivantes, il me fusillait du regard à chaque fois qu’on se croisait et je me ratatinais. Ses yeux ont un côté animal que je n’aime pas trop.
J’ai appris qu’il sortait avec une fille, Murphy Muller elle s’appelle. Une partie de moi aimerait la prévenir que son mec est peut-être un peu déséquilibré mais finalement je ne dis rien. Les filles n’aiment pas les garçons gentils qui se mêlent de ce qui ne les regardent pas. Je pense qu’elle va bientôt avoir des problèmes.
Maddy : Il y avait un gars et une fille. Christian et Murphy. Enfermés dans un placard, vraisemblablement pour niquer. Sauf que la fille a pris peur et elle a commencé à hurler si fort qu’elle a réveillé tout le monde, même Jo. Ça lui a pas plu, à Jo, alors il a ouvert la porte et il a réglé son compte à Christian (qui savait se battre, le bougre a cassé le nez de Jo). Murphy a mis du temps à réagir, mais elle a déclaré que Christian n’était pas coupable et que tout était de sa faute. Avec les autres filles, on a d’abord pensé qu’il allait la violer mais comme on était fatiguées et défoncées, on a pas voulu prévenir les flics.
Murphy est sortie dehors, après un rapide coup d’œil à Christian (il gisait par terre, groggy) et je l’ai suivie. Il devait être deux heures, quelque chose comme ça et ça caillait à mort. Murphy a contourné la salle des fêtes et elle a réussi à franchir une barrière et agripper les barreaux de l’échelle qui mène au toit. Je l’ai appelée une ou deux fois, je lui ai dit quelque chose comme « Reviens, la vie est cool » mais j’ai rapidement abandonné, à cause du froid ou simplement par flemme. Qu’elle saute, qu’elle se foute en l’air, ça me fait rien. De toute façon, j’ai le vertige.
Rutger : D’une certaine manière, Christian a grandi dans mon ombre. Papa me préférait, ce qui était parfaitement compréhensible étant donné mais capacités physiques et intellectuelles, mon ambition et mon habileté à me faire aimer des gens. Christian n’a jamais supporté ma supériorité naturelle. Moi, je lui disais juste qu’il était mon frère, et que par conséquent, tout irait bien, que je veillerai sur lui malgré son animosité à mon égard. Je ne suis pas rancunier.
Notre enfance, marquée par cette fausse-rivalité, a connu quelques moments de complicité. Je me souviens de cette fois où, pour m’impressionner, il a assommé un des chatons qui traînait autour de chez nous (immondes créatures que les chats, qui déposent leur pestilence partout sur leur passage) avec une pierre plate, jusqu’à que son crâne soit réduit en bouillie. Une autre fois, quand nous dînions en famille au Pierre et Jean, nous nous sommes introduits dans les cuisines et nous avons uriné dans la soupe que les serveurs devaient apporter à Tatie Anke (Tatie Anke a déclaré que la soupe était dé-li-cieuse). Hélas, Christian a toujours semblé poser des limites à nos gamineries, il n’osait jamais relever les défis les plus fous que je lui proposais. Je le traitais de lâche, de faible, mais il s’en fichait, il ne cédait pas. À ses douze ans, il a commencé à m’ignorer (à faire semblant, il était évidemment toujours jaloux) et ça a été la fin des défis. Mais entre temps… je sais ce qu’il a fait, je sais de quoi il est capable. Monsieur s’enferme derrière un masque de cynisme et d’indifférence, mais je suis son frère, je sais ce qui se cache sous sa coquille. Un petit serpent qui pourrait retourner le monde.
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