Séraphine
Ces nuages étaient déjà passés par ici. Et le soleil avait pareillement doré leurs bords. La même journée douce, les mêmes nuages gris obscurcissant le ciel. Mais le cours du temps venait d’être changé.
Séraphine enroula le bout de ruban autour de son doigt en regardant la vallée derrière les murs d’enceinte. Le temps était emmêlé.
Elle revit pour un instant le visage tordu de haine du mage. Elle revit la pièce haute, étroite entre les étagères qui découpaient de petites allées dans l’obscurité. Le mage avait demandé quelque chose en retour. Quelque chose qu’elle n’était pas prête à lui donner. Elle avait accepté.
Avec quel droit s’était-elle mise à tordre le temps pour manquer à sa promesse ?
Le ciel dehors restait indécis entre orage et soleil. Rien ne serait plus jamais pareil.
- Alzemond ferait n’importe quoi pour me retirer ce pouvoir, murmurait-elle.
- Madame ? fit sa jeune assistante en s’approchant en un tintement de clochettes.
Séraphine la regarda surprise. Elle était encore là, vivante. Leur visite à Alzemond ne s’était pas encore produite. Pourtant le vieux mage lui avait déjà donné ce pouvoir.
Elle était retournée bien avant. Le temps était emmêlé.
- Berthe, dit-elle avec un sourire diaphane, à peine esquissé.
La fille la regarda surprise.
- Pas de clochette aujourd’hui. Je vais sortir seule.
- Comme vous voulez, Madame, dit la fille en retenant son étonnement.
Elle passa la main sur la surface rugueuse de la pierre. Rien ne serait plus pareil. Il était temps d'accomplir ce qu'elle était venue faire.
Au début, il y avait un cliquetis d’argent qui rythmait son passage. Malgré les convulsions du monde, on gardait toujours le regard vers le haut pour sentir ce grand fleuve placide au-dessus de nos têtes. Et s’il ne coulait pas tout à fait droit ? Si le grand fleuve du temps était lui aussi pris de convulsions ? Si on se mettait à zigzaguer à sa surface ?
De nouveau un rêve. La tristesse elle aussi était de nouveau là. Eveline se tourna sur un côté, vers la petite fenêtre de sa chambre. Elle devait absolument contrôler ces sauts. Et il y avait une seule personne qui aurait pu l’aider.
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