Séraphine

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La salle était plongée dans la pénombre, les volets lourds, fermés. Cette fois, elle n’était plus la petite Séraphine, l’orpheline que le mage allait recevoir dans sa bibliothèque… Séraphine regarda la silhouette osseuse d’Alzemond, enveloppée dans son manteau pourpre. Il avait changé.

Ils avaient changé tous les deux. Ils étaient ennemis.

- Tu as outrepassé ton pouvoir ! tonna-t-il le dos tourné.

Il parlait en regardant le mur en pierre grise derrière, comme si c’était lui qu’il apostrophait.

- Tu as changé le cours du monde ! Tu te rends compte ce que ça signifie ? reprit-il.

Il s’était finalement tourné vers elle, avec son ton le plus doctoral. Mais elle n’était pas naïve : il avait fait l’impensable, et pas pour préserver le cours du temps. Séraphine essaya de retrouver le regard de l’enfant qu’il avait été. Ce regard était maintenant éteint. Elle détourna le visage.

- Tous ces morts… murmura-t-elle.

- Tout le monde meurt ! éclata le mage.

- Pas par notre main, répondit Séraphine en le regardant.

La rage montait dans son regard. Ils étaient là en ennemis, possédés par la rage.

- J’ai dû envoyer des chasseurs pour réparer tes dégâts, le temps n’est pas un jouet !

Il la sermonnait comme quand elle était enfant. Elle n’était plus une fillette maintenant.

- Avec quel droit décidons-nous qui doit mourir ? Avec quel droit jugeons-nous de quel est le bon cours du temps ?

Ils étaient arrivés à ça. Le monde était arrivé à cette déchirure.

- Tu ne comprends pas encore, répondit le mage en se tournant de nouveau vers le mur derrière, tu ne sais pas encore à quel point tu seras bannie du temps des mortels… à quel point tu seras une étrangère à tout le monde.

Séraphine regarda son dos vieilli dans son manteau de pourpre.

Si, elle le savait déjà.


Qui était responsable de cette folie ? Le mage en envoyant ses mercenaires brûler le village de D’Arboras et tuer toute âme vive ? Faisant ainsi ce quel les anciens attendaient pour réveiller leur pouvoir ?

Ou Séraphine, qui avait défait les meurtres, le feu, les pillages pour qu’ils se lèvent d’un pouvoir nouveau dans ce temps inespéré qui leur était offert ?

Le temps n’arrêtait pas de convulser entre les meurtres d’Alzemond et les retours de Séraphine, mais qui des deux avait finalement gagné cette guerre ?

Aucun, me diriez-vous… Vous, qui n’auriez jamais dû être, dites : « aucun » …

Et vous vous trompez.


Éveline se retourna sur un côté. Cette fois elle ne pouvait pas dormir, elle avait eu un rêve éveillé. Dehors, un rossignol remplissait la nuit de chants.

Elle était la cible. Depuis tant de temps chasseurs et voleurs s’affrontaient en jouant la vie de ce qu’ils appelaient des simples traces… Mais là, les chasseurs l’avaient prise pour cible. Elle était une voleuse de temps.

Elle allait les affronter. Elle allait lever son pouvoir comme un bouclier et allait les affronter.

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