Chapitre 10 : La salle de Divination
Une longue journée de cours s’achevait pour Alestra, qui descendait les marches du cinquième étage en silence. Seule, elle se promenait avec tranquillité, son esprit s’évaporant à mesure que son regard se perdait dans le minutieux décor qu’offrait l’école de magie. Elle était fascinée par les détails, et de toute façon, la voilà qui disposait de tout son temps en ce début de soirée.
Elle déambula dans le corridor du quatrième étage, lui-même vide, lorsqu’elle s’arrêta devant la seule porte laissée entrouverte. Celle de la salle de Divination. A l’intérieur, le silence semblait régner en maître, et rien ne paraissait troubler la paix des lieux.
La jeune fille était curieuse. La Divination était une matière dont elle ignorait tout. Et puis, étais-ce normal que la porte n’ai pas été close, si personne ne se trouvait à l’intérieur? Jetant un regard par dessus son épaule, la blonde rassembla son courage, rajustant d’un mouvement vif les livres qu’elle maintenait sous son bras, avant de pousser de quelques doigts intrusifs la porte afin de pouvoir s’avancer dans la pièce.
La Serpentard découvrit alors un espace circulaire, plongé dans la demi-pénombre grâce à d'épais rideaux brodés qui tombaient en cascade sur le parquet, qui ressemblait à une sorte de vieux grenier aménagé en un lugubre salon de thé à l’ancienne, où se trouvait une vingtaine de petites tables rondes, entourées de fauteuils.
Sur les quelques commodes, des objets tous plus mystérieux les uns que les autres et sur la droite, un bureau en bois sombre verni, trônait avec majesté.
Alestra se figea, son corps se paralysant immédiatement. Légèrement en appui contre son bureau, dos à la porte, la redoutée professeure de divination, Lucie Black, était présente. Cependant, celle-ci était totalement immobile et ne semblait nullement avoir remarqué l'entrée de la téméraire première année.
Alors qu'elle s’enfonçait un peu plus dans la salle, la Serpentard heurta par mégarde une table avec de son maladroit pied droit, faisant alors tomber sur le vieux parquet une boule de cristal qui heurta le sol dans un bruit terrible de fracas, réveillant la pièce.
Lucie Black pourtant ne réagit pas.
Mais pour la Lyre, ce n’était plus qu’une question de seconde avant de se faire renvoyer à la porte. Elle s’abaissa, afin de ramasser l’objet qui avait fuit son piédestal, déclarant d’une voix sincère et polie :
- Je suis désolée...
Mais lorsque la courageuse main de l’étudiante rentra en contact avec la pierre froide, son corps fut prit d’un violent spasme avant de s’effondrer à son tour avec violence sur les planches de bois, étendue tel un cadavre, un voile recouvrant ses yeux bleus lavandes.
Tout était sombre.
L’enfant se retrouva dans un endroit qu'elle mit du temps à reconnaitre. Manifestement, après quelques coups d’oeil précis aux alentours, elle constata qu’elle était encore à Poudlard, mais dans le couloir du deuxième étage. Néanmoins, celui-ci paraissait...différent.
Dans l'air, une brume verte remplissait l’atmosphère d'une ambiance inquiétante. Presque morbide.
- Professeur Black ? S’enquit l’élève timidement.
Faisant un pas, pour tourner sur elle-même, la Serpentard remarqua tout à coup que le sol était recouvert de plusieurs centimètre d'une eau sombre, ses pieds noyés dans le liquide.
Dans un réflexe de précaution, sentant son rythme cardiaque s’accélérer, elle déposa sa main sur sa baguette, rangée dans sa robe de sorcière.
Autour d’elle, la brume commença alors à s’épaissir, une noirceur profonde venant l’encercler de plus en plus à mesure que les secondes s’écoulait.
La Lyre avait peur, désormais et d’une main brave, elle haussa sa baguette, ordonnant un Lumos à cette dernière, qui éclaira faiblement les lieux, trop faiblement pour contrer l’obscurité qui s’amassait dangereusement autour d’elle.
Pourtant, la blonde ne se démonta pas. Elle inspira, et malgré l’effroi qui lui prenait le ventre, elle parcouru le couloir plongé dans un silence mortuaire, perturbé par le clapotis régulier de ses pas.
C’est à cet instant, qu’un cri de terreur strident, résonna au lointain.
Le sang de la première année se glaça, et une fois de plus, brusquement cette fois, l’obscurité vint de nouveau encercler l’enfant, ne lui donnant pas la chance de ce débattre, l’assaillant de toute part...Avant de l’extirper de la vision.
Un sursaut bouscula le corps juvénile d’Alestra, qui reprit violemment conscience dans un puissant cri de terreur. Sa tête lui faisait atrocement mal, et c’est avec stupeur qu’elle se découvrit au sol, sous l’ombre imposante de Lucie Black, penchée au dessus d’elle, ses deux yeux émeraudes perçants braqués sur son visage pâle de frayeur.
L’enseignante la dévisagea en silence un instant, avant de l’attraper par le bras, afin de relever la curieuse apeurée.
- Levez-vous, jeune fille, ordonna t-elle.
La concernée, déboussolée, mit quelques temps avant de se remettre sur pied, balbutiant quelques excuses probablement incompréhensibles et répétitives, jusque’à ce que la femme aux cheveux noirs la força à s’asseoir sur l’une des chaises, face à son bureau, impassible.
Puis, Alestra la vit se poster de l’autre côté du meuble raffiné, s’y installant à son tour, sa mine sévère fixant les traits tirés de l’enfant.
- Dites moi exactement ce que vous avez vu.
Tout était flou pour la Serpentard. Les images revenaient par bribes à mesure que le temps passait. Pourtant, tout semblait si réel mais si rêvé à la fois. Elle inspira longuement, essayant de conter avec clarté cet étrange moment qu’elle avait perçu, il y avait quelques minutes à peine.
Et tandis qu’elle décrivait cette vision étrange et effrayante, la Lyre sentait sur elle la pression du regard vert de la professeure, qui ne se priva pas de garder quelque secondes du silence à la fin du récit de l’élève.
- Retenez bien cette première leçon Mademoiselle Lyre, déclara t-elle finalement, son ton de voix froid et grave résonnant dans la salle telle une sentence irrévocable. Cela ne veut rien dire. Ce que vous avez vu est un possible, l'une des innombrables routes que les destins tissent devant nos pas.
L’enseignante marqua un court temps d’arrêt, comme envahie d’une pensée soudaine, avant d’ajouter :
- Vous feriez bien de ne pas chercher à en apprendre plus pour le moment. Mademoiselle Lyre, le don de vision n'est pas à prendre à la légère, surtout à un âge aussi jeune que le votre.
La concernée sentit sa mâchoire s’ouvrir légèrement aux mots de la femme assise face à elle. Un don ? En divination ? Elle ? Mais comment cela était possible ? Elle ne connaissait personne qui pratiquait cet art mystérieux, et ne savait même tout simplement pas en quoi consistait la Divination tout court. Il y avait probablement une...non, elle ne savait pas...Elle n’avait jamais...En définitive, cela lui faisait presque peur.
- Professeure...Je ne pense pas que je sois si...Enfin...Je ne suis pas sure d’être une sorcière assez...
Et tandis qu’elle balbutiait ses mots, l’élève constata un minuscule mouvement de lèvres de la part de l’enseignante, comme l'esquisse d'un sourire, entre la moquerie et la compassion.
- Il n'est plus question d'être ou ne pas être sûre jeune fille, répondit Lucie Black avec calme. N'oubliez pas de respirer et dites moi que vous m'avez comprise.
La blonde obtempéra, prenant une profonde inspiration, rétorquant en débloquant tout l’air qu’elle avait accumulé :
- Oui, madame. Je vous ai comprise.
La réponse sembla satisfaire l’enseignante.
- Parfait. Si vous avez des questions, posez-les. Si vous avez des réponses, vous pouvez partir. Soyez prudente jeune fille, je vais garder un oeil sur vous. Repassez me voir lorsque vous en aurez besoin, ou seulement en troisième année si vous avez de la chance.
Délicatement, Alestra se hissa sur ses pieds, quittant sa chaise afin de rejoindre la sortie, tandis que les prunelles sévères et verdoyantes de la divinatrice la poursuivait avec intérêt, jusqu’à ce qu’elle ne s’évanouisse complètement du décor.
La silhouette maigre de l’enfant traversa à l’inverse le couloir par lequel elle était arrivée. Il faisait nuit désormais, et pour une fois, le ciel écossais était dégagé, dévoilant ses plus belles étoiles, qu’elle discernait à demi, au loin derrière les grandes fenêtres. Le coeur de la jeune fille était bouleversé. Toute son âme juvénile avait été retournée. Et ce fut lorsqu’elle regarda la voie lactée à travers les vitres parfaitement propres et immaculés qu’elle sentit l’émotion la traverser.
Dans un mouvement d’épuisement, la Lyre s’agrippa au mur, ses doigts s’enfonçant dans les imperfections causées par les multiples pierres empilées depuis des centaines d’années. Sa tête lui tournait. Elle semblait avoir encore besoin de temps pour assimiler ce qu’elle avait vécu.
Faible, elle se laissa glisser au sol, s’asseyant, incapable de se tenir sur ses jambes plus longtemps. Dans un geste leste, elle ramena ses dernières contre le reste de son corps, les entourant de ses bras, cachant son visage dans le creux de ses genoux, comme si cela aurait eu le pouvoir de la rendre parfaitement invisible aux yeux du monde.
Le noir dans lequel elle s’était plongée, le noir de ses pupilles fermées...Ces obscurités la rassurait.
Petit à petit, tandis que ses muscles tantôt raides, tantôt mous se reprenaient, Alestra sentit l’émotion la traverser. Une émotion contre laquelle elle ne pouvait lutter.
Les minutes s’écoulaient. Les soubresauts se firent de plus en plus fort. Les sanglots refoulés de la jeune fille s’évanouissaient dans l’air. La réverbération de ses pleurs résonnaient comme une complainte malheureuse dans le corridor à l’abandon.
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