Chapitre 2 - Patrick (I)
La neige avait laissée place à la pluie.
Une pluie fine, légère, qui formait sur Moscou un voile gris. A cette altitude, celle de la Major, ce bâtiment, en forme de rectangle s'étalant le long de la Moskova, on distinguait le mythique Kremlin. Légendaire… Nov n'avait en elle qu’admiration et grandeur envers l’Histoire de ce qu'elle considérait comme son pays. D'ailleurs, la capitale du monde. De l'avant dernière étage du bâtiment imposant de la Major, Nov tirait sur sa cigarette. Son regard de perdait en une tempête de pensées et de souvenirs, tantôt au gré de la pluie recouvrant le centre du monde, tantôt à celui du léger crépitement de sa cigarette qu'elle consumait de seconde en seconde.
Le Kremlin…
Il avait été le QG des armées durant la Grande guerre, une décennie auparavant. Le dernier Tsar, un ancien colonel des armées et à la fois ancien ingénieur robotique, avait décidé d'y installer ses plus grandes forces. Combattre ce que l’Homme à créer à son image n'est pas chose aisée. Une phrase qu'il répéta jusqu'à sa mort. Celle-ci marqua à jamais les esprits. Si fille fut tué alors qu'il était membre de l’Union. Tuée par la machine la plus intelligente que l’Homme eut jamais créé…
Humae…
Nov se souvint alors l’assaut sur les rives de la Moskova. Des milliers de perte.
Pas de notre côté.
Personne ne comprit réellement l'impact du conflit à cette époque. Pas encore. Cela ne dura pas longtemps. Une année à exécuter. La Grande guerre n'en n'était pas réellement une. L’Histoire voudrait en parler comme d'une guerre contre les machines. Mais le fait en était que La place Rouge n'avait jamais aussi bien portée son nom.
...Machina.
Un génocide. Nov le savait. C'était comme si elle avait toujours su qu'il s'agissait effectivement d'un massacre de masse. L’Homme avait passé des décennies à traiter la robotique en un produit consommable, assimilable, une partie intégrante de la vie humaine qu'il avait fallu à tous de tuer une partie de moi pour pouvoir assimiler le massacre.
Un massacre nécessaire.
Nov n'en doutait pas. Jamais. Ces idées dangereuses de remise en cause de l'ordre mondial s’évaporait une fois la cigarette terminée. Elle en jeta le mégot par dessus le cour balcon et jeta un dernier coup d'oeil sur la vue imprenable. Au loin, le fameux Mur, qui séparait l'humanité de ceux qui avait refuser d'en faire partie, aussi pâle et imposant qu'un géant de marbre...un paysage plein de mémoire. C'est ainsi que Nov avait foi en sa nation. Les os et là chair gagneront toujours face à l'acier et le fer.
- T'as fini de glander ?
- La ferme.
Don. Le coéquipier. L'un des rares que Nov supportait. Il s'agissait d'un surveillant. Un gardien. Un maton. Don Malkovich. Un type plutôt sensé en ce qui concernait le boulot, contrairement à la majorité des autres. Malkovich, avachi dans son fauteuil, la cigarette au bec, à l'intérieur du bureau d'un autre collègue. Celui-ci, nettement moins supportable.
- S'il-vous-plaît, je...j-je vous p-prie de b-b-bien v-v-v...
Nov se trouva vite impressionnée de ne pas voir Malkovich éclater d'un rire gras. Elle imaginait déjà son ventre d'obèse alcoolique vibrer sur la chaise à moitié plié sous son poids. Mais Don ne ria pas. Comme si le bégaiement de l'autre spécialiste n'avait jamais été l'objet de blagues de sa part.
-...bien v-vouloir f-f-fumer à l'ext...l'extérieur !
- C'est ce qu'elle vient de faire il me semble bien.
Malkovich faisait l'insolent. Une trentaine d'année mais, dans son esprit, dix.
- Je...j-j-j...
- Ca va, vas pas te faire mal va.
Le joueur éteignit sa cigarette en la jetant vers le balcon. Au sol, la pluie vint l'éteindre définitivement.
- M-Merci.
- Bon, on se tire ?
- Non, le Major a ordonné de rester à ses côtés pour les résultats.
- Je saisis même pas le sens de toute cette merde. Y a eu un incident, en effet, c'est quoi, une punition de se pointer ici et écouter monsieur je-sais-tout déblatérer sur des choses que lui seul peut comprendre ? Je suis là pour les surveiler pas pour les étudier.
- Tu as saisi Don. On est là car s'il peut essayer de comprendre ce qui est arrivé, ça peut nous être utile aussi.
- Bordel...
Un soupire soutenant son désintérêt pour la chose vint confirmer une chose : Don n'était pas fait pour étudier. Nov non plus àvrai dire. Si le Major lui avait laissé le choix, elle ne serait jamais venue.
...comprendre ce qui a mené à cette mascarade est capital si l'on veut saisir la marche à suivre...
Nov se rapprocha de l'écran de l'Opérateur (le spécialiste en robotique) en blouse grise. L'écran diffusait ce qu'il voyait de l'intérieur de la partie la plus inquiétante de l'androïde...
...si on ne prend même pas la peine de les observer alors qu'ils sont sous notre nez...
Cette partie du monstre avait le pouvoir d'inquiéter les quelques milliards de survivants à la grande crise robotique - le Bug - qui sévissait chez les Humae Machina depuis 2091. Aucune information ne filtrait évidemment. Le ministère intérieure de la robotique avait retourné le cas dans tout les sens et n'avait toujours pas réussi à mettre le doigts sur le problème. Personne n'expliquait ce fameux bug. Celui qui fit commettre l'acte le plus ignoble et macabre du premier Humae Machina : le meurtre de la petite Zvetlana...
...comment serons-nous donc capable d'éradiquer cette race de fer et de métal ?
Le Major avait parlé - hurlé - en ces termes quelques heures auparavant dans son propre bureau, devant tout les chefs d'équipes ayant subi la catastrophe du matin. Ses paroles résonnaient encore dans le crâne endoloris de Nov, s'évaporant lentement au gré des images étranges qu'elle percevait depuis l'écran projetant l'intérieur de la partie la plus angoissante et imprévisible de l'androïde : le Cube. De plus, celui de l'androïde qui avait défier une loi fondamentale de la robotique quelques heures auparavant.
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