Apprendre à se connaître
Et après... après... C'est là que la véritable aventure a commencé. Je me suis retrouvé avec un animal à peu de choses près complètement sauvage, mâle dominant, sans aucune sociabilisation ni avec les autres humains, ni avec les autres chiens. Je n'avais jamais eu à m'occuper d'un chien...
Enfin... Je veux dire, à part être le gosse qui joue à Musclor sur le dos du chien de la famille en faisant semblant de brandir une épée, tout en criant: "Par le pouvoir du crâne ancestral!", jamais je n'avais eu à gérer un chien.
Donc j'ai fait ce qui me semblait le plus normal: je me suis informé. J'ai posé des questions à tous les gens qui en avaient déjà eu, à des professionnels, j'ai lu, écumé internet, regardé des reportages. Je ne voulais pas faire de conneries. C'est bien de connaître quelques bases communes à tous les canidés, leur comportement, comment ils sont avec leurs congénères, leur rapport avec la bouffe, etc...
J'ai très vite compris qu'en fait, tout cela ne servait à pas grand chose, que la réalité se passe rarement comme dans les bouquins, et que l'observation, la déduction, le feeling et l'adaptation à chaque situation jouaient une part beaucoup plus importante. Que naturellement, en observant, j'arrivais très bien à cerner le pourquoi du comment dans pratiquement toutes les situations, et que mes ressentis et mes interprétations étaient finalement très justes. Certains chiens parfois ont le regard fuyant, on ne sait pas s'ils vont vous sauter dessus au prochain mouvement. Cabot, lui, nous regardait dans les yeux. À aucun moment, il ne ferait une vacherie, ou alors une vacherie assumée, franche.
Le truc avec Cabot, c'est que je ne me suis jamais considéré comme son maître. Il fallait que je sois le "chef", ça, je l'avais bien compris si je ne voulais pas me faire dépasser, mais je ne voulais pas le "dresser". Je voulais être son pote, sa meute, son compagnon de route. Je ne voulais pas d'un chien qui obéit par peur de se faire gronder. Je voulais qu'il écoute ce que je lui dit parce qu'il avait envie de le faire. Si on devait passer les douze prochaines années ensemble, il fallait qu'on soit comme cul et chemise, inséparables et surtout indéfectibles l'un envers l'autre. Du coup, j'ai toujours respecté ses humeurs et je lui ai toujours laissé une grande liberté, sûrement plus que ce que préconisent les manuels.
Parfois, on a pas envie d'être emmerdé, ben eux c'est pareil. Parfois, on a envie de jouer, parfois pas, ben eux c'est pareil. Et c'est comme ça qu'on a commencé à construire notre confiance et notre respect mutuel. Même si c'était déjà déjà établi à notre premier contact, je me suis fait un devoir de lui montrer tous les jours que ce lien ne faiblirait pas (et lui a fait pareil jusqu'au bout).
Voilà comment je me suis retrouvé dans la peau du petit prince qui tente d'apprivoiser le renard. Sauf que là, c'était un loup.
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