Chapitre 10
Je me réveillai le lendemain matin après une bonne nuit de sommeil. Je défis rapidement mon campement, pris mon petit déjeuner, et commençai une deuxième journée de marche.
Le parcours de cette deuxième journée était plus plongé dans le désert, avec des dunes gigantesques et la chaleur du midi. Je devais impérativement trouver un refuge à l’ombre pour me reposer et attendre qu’il fasse moins chaud.
Je me mis donc en route sans plus attendre, et je laissai mes pensées vagabonder, puisque je ne devais pas suivre de parcours précis. Je me récapitulai les deux jours précédents :
- Tout d’abord, le premier jour. Mes grands-parents sont morts, leurs chiens aussi. Ma mère est vivante, et c’est tout ce qui compte. J’ai utilisé pour la première fois une carte pour me défendre contre un homme. J’ai utilisé un revolver pour blesser un malade mental.
J’interrompis un instant le cours de mes pensées pour gravir une dune particulièrement haute et pentue, puis passai à la journée d’hier :
- Je suis entré dans une ville pour voler des affaires et de la nourriture. J’ai utilisé deux autres cartes. Et j’ai sans doute tué deux hommes avec. J’ai été poursuivi par toute une ville en colère. Je me suis caché dans une voiture. J’ai encore tué deux hommes avec un revolver. Ça fait beaucoup en deux jours. Mais bon, c’est l’apocalypse. On doit survivre avec ce que l’on peut. J’espère que Maman et Élise vont bien. J’espère aussi que je n’arriverai pas trop tard pour que l’on soit tous ensemble. D’ailleurs, ai-je bien fait d’aller les voir ? Ils vont avoir besoin de plus de nourriture. Mais oui, j’ai le droit ! Puisque ma mère m’a envoyé un message pour me dire que je devais les rejoindre.
Au fil des minutes, je compris que deux personnes distinctes s’étaient créés dans mon esprit, comme deux personnalités : la partie plutôt optimiste, qui croyait que tout irait bien et que tout finirait bien.
Et la partie pessimiste, qui disait qu’aller là-bas en plein désert, seul, à 15 ans, pour rejoindre un lieu peut-être mort, était trop dangereux et que je devais plutôt m’arrêter à la prochaine ville pour y habiter.
Soudain, je m’aperçus que le soleil commençait à être haut dans le ciel. Il fallait que je trouve rapidement un refuge. Au loin, on pouvait apercevoir le toit d’une maison, ou d’une cabane. J’aurai le temps d’y être.
Une demi-heure plus tard, j’y étais effectivement. La maison était en pierre, un peu détruite, mais elle procurait assez d’ombre pour pouvoir s’y abriter. Par mesure de sécurité, je frappai à la porte en disant :
- Excusez-moi ?
Un grognement répondit et un homme ouvrit :
- T’as de la nourriture ? demanda-t-il immédiatement.
Trop surpris, je répondis mécaniquement :
- Oui mais...
- Parfait ! grogna l’homme, un mince sourire étirant son visage couvert de sueur.
Il m’attrapa d’une main et me projeta contre le mur opposé. Je sentis plusieurs de mes os craquer, mais j’espérai que ce ne serait pas trop grave. A l’intérieur de la maison, l’homme et une femme me regardaient avec des yeux affamés.
Je me redressai, une main en défensive, l’autre se glissant dans ma sacoche. L’homme s’approcha de moi, ses yeux regardant bout après bout les parties de mon corps, comme s’il ne voulait pas la nourriture mais mon corps.
J’eus soudain peur : Est-ce que les deux personnes qui se tenaient devant moi étaient des cannibales ?
- Donne-nous tout ce que tu as, et on te laissera peut-être partir, dit l’homme.
- Peut-être, ce qui signifie que vous n’allez pas me laisser partir, répliquai-je. Arrêtez de me fixer, ça me rend malade.
- Allons, mon chéri, dit la femme. Qu’est-ce que l’on peut faire de toi si tu n’as plus de nourriture ?
- C’est bien ce qui m’inquiète, dis-je. Soit vous allez le tuer, soit vous allez me manger.
- Te manger ! s’esclaffa l’homme. Nous ne sommes pas des cannibales !
Le ton de sa voix me déplut fortement et me donna l’impression inverse. La femme reprit :
- Trèves de bavardages. Laisse-nous ton sac, et pars.
- Hors de question ! refusai-je.
- Allons, tu ne vois pas que nous mourrons de faim ? Donne-nous un peu de nourriture, et on te laisse partir.
- Je ne vous fais pas confiance, dis-je. Si vous m’aviez demandé gentiment sans me jeter à l’intérieur de cette maison, j’aurais peut-être accepté.
- Tant pis pour toi ! gronda l’homme.
Il se jeta sur moi, et je l’évitai d’un bond. Je sortis le dix de Trèfle et empoisonnai l’homme. Celui-ci tomba par terre et vomit un mélange de bile et d’eau. La femme cria et se jeta sur moi à son tour.
Je l’empoisonnai à son tour avant qu’elle ne m’atteigne. Puis, une fois le couple mal en point, je les assommai et les enfermai dans la salle de bain. J’espérai que le pouvoir des Trèfles agirait suffisamment longtemps.
Je dus attendre pendant trois heures pour que le soleil commence à descendre dans le ciel. Je me protégeai bien avec une casquette et partis de la cabane. A ce moment, j’entendis un craquement et un cri rauque.
Je me retournai et vis que l’homme était sorti de la cabane et courais vers moi. Je sortis mon revolver et lui tirai dessus. L’homme s’arrêta en pleine course et tomba face contre terre. J’entendis à cri aigu et relevai la tête.
La femme me regardait d’un air effrayé. Je pointai le revolver vers elle, près à tirer, mais m’abstiens.
- Quel monstre suis-je devenu pour tirer sans la moindre hésitation ? pensai-je.
Je me retournai et poursuivis ma marche à travers le désert. Sans le laisser paraître, j’étais fortement ébranlé à l’intérieur de moi-même. Mes mains tremblaient lorsque je rangeai le revolver.
L’expression de la femme ne cessait de revenir dans ma tête. Son air effrayé devant mon revolver.
- C’était pour me défendre ! me justifiai-je inconsciemment. Il n’aurait pas hésité à me tuer, lui ! Je devais tirer en premier.
Mais je me souvenais de chaque visage, de chaque personne que j’avais tué. Ils revenaient sans cesse dans ma tête. Ils y étaient encore le soir lorsque je me couchai sur le sable encore chaud des rayons du soleil.
J’eus le sentiment qu’ils ne me quitteraient plus jamais.
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