En avant

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Sous le soleil de la fin de l'hiver, l'air commençait à se réchauffer. Le ciel, parfaitement dégagé, offrait à qui levait les yeux le superbe spectacle du ballet des oiseaux célébrant le retour du printemps. Leurs chants clairs résonnaient dans les cœurs comme le craquement du bois flambant dans la cheminée les nuits glaciales. Les jours avaient enfin perdu leur grise et triste ambiance et le monde prenait des couleurs. Sur les arbres poussaient de jolies feuilles, l'herbe verte et neuve apparaissait ça et là, et quelques fleurs timides mais aux teintes joyeuses parvenaient à se frayer un chemin au travers des derniers tapis de neige. La nature s'éveillait après une longue, et presque interminable, hibernation.

Le long du ruisseau, qui avait enfin et soudain pu se libérer de son épaisse couche de glace quelques jours auparavant, galopaient un cheval et son cavalier, d'une allure tranquille, sans précipitation. Emmitouflé dans une grande cape qui se posait sur la croupe du cheval et qui remontait au-delà de son propre nez, le cavalier ne dévoilait que ses yeux et le bas d'une plaie fraîchement cicatrisée qui traversait l'un de ses sourcils. La capuche lui retombant sur le front, quant à elle, dissimulait ses cheveux et le reste de la cicatrice. Personne, pas même lui-même, n'aurait pu le reconnaître.

Les épaules du cavalier, crispé et qui se forçait à ne plus regarder en arrière, se détendaient en suivant le mouvement calme et régulier des foulées de l'animal pendant que son regard, d'abord strictement droit, commençait à s'autoriser quelques écarts. L'individu leva les yeux et admira durant une poignée de secondes le spectacle qui se jouait au-dessus de leurs têtes. Dans les fines rides qui se dessinèrent aux coins de ses yeux on eut pu deviner un sourire. Il invita sa monture à ralentir d'un mot doux et la laissa marcher encore quelques instants avant de lui demander de s'arrêter. Alors il passa une jambe par-dessus l'encolure du cheval, sur laquelle de nombreux poils manquaient et commençaient tout juste à repousser, et se laissa glisser doucement jusqu'au sol. Ses bottes de cuir claquèrent sur la terre encore dure et il grimaça en plissant les paupières : la chevauchée durait depuis trop longtemps, ses jambes n'avaient plus l'habitude de supporter son propre poids. Il défit le cheval de son filet afin de lui permettre de se reposer, et l'animal le regarda dans les yeux un long moment avant de le pousser tendrement du bout de son nez. Le cavalier posa alors son front contre son chanfrein et lui caressa l'encolure, jusqu'à ce que le cheval se détache de leur étreinte. Puis, pendant que celui-ci plongeait le museau dans le ruisseau pour s'abreuver, le cavalier dénoua la cordelette qui fermait sa cape au niveau du col et révéla, contre sa poitrine, dans un petit sac en bandoulière, un jeune chat qui se mit à agiter les oreilles et les narines, le cou tiré vers l'extérieur, pour capter les sons et les odeurs de ce lieu qu'il ne connaissait pas encore. Le cavalier tira d'une des sacoches accrochée à la selle du cheval des morceaux de viande séchée qu'il proposa au petit félin, lequel les renifla à peine une seconde et les engloutit aussitôt. Alors qu'il se léchait les babines, l'individu le sortit du sac et le déposa sur le sol, pour qu'il puisse se dégourdir les pattes et boire lui aussi. Le chat, qui n'avait jamais vu un si vaste espace, se sentit intimidé et resta d'abord caché sous la cape de l'humain qu'il connaissait bien. Puis il se sentit plus téméraire et fit quelques pas clopinants jusqu'à la rivière. Pendant ce temps, le cavalier remplit sa gourde d'eau et s'appliqua à trouver autour d'eux une petite branche fine, ou simplement un bâton long qu'il agita ensuite devant le chat. Le félin, alors formidablement intéressé, se mit à bondir et virevolter tant bien que mal dans tous les sens à la fois, pour attraper ce simulacre de proie, ce qui amusait l'humain.

Lorsque le chat eut assez joué et se mit à boiter plus nettement, et que le cheval sembla suffisamment reposé, le cavalier remit le filet à sa monture, fit rentrer le chat dans son sac, et renoua sa cape autour de son cou. Il remit ensuite le pied à l'étrier, se hissa sur la selle et lança le cheval au pas, au trot, puis de nouveau au galop. Le cavalier laissa un soupir, certainement de soulagement, lui échapper. Ils étaient ensemble, et leur départ avait sonné la fin de la souffrance. Tous trois reprenaient alors leur chemin vers une vie qu'ils voulaient plus libre, paisible et ensoleillée, bien déterminés à ne plus jamais vivre aucun hiver.

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