Le chat d’Élaine tomba malade. Il se réfugia alors sur son lit. Il allait suffisamment mal pour qu’Élaine ne se réjouisse même pas du prétexte que cela lui donnait pour ne pas aller dormir chez Xavier, Yvan et Zacharie. L’animal, en effet, souffrait du cœur et des poumons et ses chances de survie étaient sérieusement compromises. Son état exigeait une attention sans partage. Sa respiration sifflante, ayant fait suite à un étouffement soudain, était le signe d’un œdème, et celui-ci ne pouvait se résorber qu’en perdant l’eau dont il était empli. C’est ainsi que la vétérinaire lui avait prescrit des diurétiques puissants et que le pauvre chat déshydraté buvait autant d’eau que possible.

 Élaine, avec l’aide de sa mère, avait donc étalé une alaise entre l’animal et sa propre couverture, afin d’éviter de probables avaries. Car le chat semblait trop faible et fatigué pour bouger. Dès qu’elle rentrait à la maison, Élaine s’installait près de lui, ouvrait un livre, caressait doucement son poil rendu rêche par la maladie, et lui lisait de la poésie. Le félin se remit à ronronner aux rythmes de Baudelaire et de William Blake.

 Le moment où il se leva fut une surprise et Élaine en resta interdite. Après s’être étiré, l’animal amaigri sauta péniblement à terre. Il ne chercha pas sa gamelle, qu’il ignorait avec hauteur dès qu’Élaine et sa famille la lui présentaient. À la stupéfaction de la jeune fille, il se dirigea vers sa litière, mise exceptionnellement dans la chambre d’Élaine au cas où, y entra et y fit demi-tour pour mieux s’installer. Dans le petit rectangle de l’entrée, la tête du chat apparut et regarda sa maîtresse d’un air de reproche. Élaine détourna les yeux. Elle entendit, étouffé dans l’atmosphère étroite et privée de la boîte, le léger chuintement d’un long filet d’urine. Puis il cessa, l’animal sortit et fit un effort surhumain pour remonter d’un bond sur le lit, sur lequel il s’étendit à nouveau.

 Pas une goutte ne maculait ni ne macula jamais l’alaise installée à cet effet.