Un beau matin, dans la boîte-aux-lettres familiale, Xavier trouva une enveloppe à son nom. Il reconnut immédiatement l’écriture d’Élaine, ce qui l’intrigua. Il laissa sur la table du salon les autres courriers, factures et publicités en vrac, et slaloma entre les plus gros tas de déjections pour s’asseoir sur le canapé. Une fois installé, il décacheta l’enveloppe et en sortit un petit billet. Une ride de désarroi se creusa sur son front.

« Je t’ai écrit une lettre d’explications. Mais elle était protubérante, partait dans tous les sens et n’en finissait pas. Alors je t’ai écrit une histoire. Mais quand je l’ai relue j’ai eu peur qu’elle soit si incisive qu’à te la faire lire tu en sois mortellement blessé. Alors je préfère ne rien dire de plus. »

 Xavier était désemparé. Il ne comprenait pas.

• Qu’est-ce qui se passe ? s’enquit Yvan en voyant la mine soudain décomposée de son frère.

 Mutique, Xavier tendit la lettre à Yvan, qui la lut sans faire de commentaire et la passa à Zacharie, qui venait de se soulager.

• Elle te quitte, c’est ça ?

 Xavier acquiesça, médusé. Un lourd silence s’abattit dans la pièce. Avec un geste absurde d’incompréhension et un trémolo de révolte dans la voix, Xavier finit par s’exclamer : « Mais pourquoi ?! » Ses yeux lui piquèrent comme jamais, ses lèvres se mirent à frémir, et il espéra que ses frères ne voient pas ses yeux rouges de peur qu’ils s’en moquent.

• Oh, te pose pas trop de questions, conclut Zacharie avec une désinvolture rassurante. C’est qu’une petite merdeuse qui pète plus haut que son cul, voilà tout.

 Puis il chiffonna sauvagement le morceau de papier, le jeta dans la corbeille située à l’autre bout de la pièce, se congratula de son panier digne d’un athlète et donna une tape virile et énergique sur l’épaule de Xavier.

• Viens faire une partie de pouilleux avec nous, ajouta Yvan. Ça te changera les idées.

 Après une vague indécision, Xavier accepta. Il prit alors place à la table du salon et, après s’être séché les yeux et mouché, commença à battre les cartes.