Mon amour au café du port
À sec sur un noir îlet,
Je scrute mon horizontal à son zénith.
Hisser la grand’ voile,
Je ne peux plus.
Bourlinguer de port en port,
Je ne veux plus.
Finies les rhum-bordées.
Accoster à son quai,
M’ancrer à sa crique
Sont mes dernières escales
De ce voyage au long court.
Il s’est amarré à ma bite,
Je l’ai harponné de mon bout-dehors.
Rien ne doit troubler ma vision
De l’indomptable mer de son être.
Il étarque mon cœur.
Je navigue entre jusant et déferlement.
Je chaloupe. Je rame. Je gîte.
Il chavire. Il vogue. Il tangue.
Le flux et le reflux du roulis
De ses hanches me font monter
Une marée d’amour et de détresse.
Les ondes de son corps
Font de moi un plongeur.
Son désir est ma figure de proue.
Son coquillage est mon trésor.
Ses mains comme deux astéries
Sont grandes ouvertes sur le jukebox.
La vague de ses cheveux
Coulent et mouillent son dos.
Deux perles noires sont
Cachées sous ses paupières.
Ses flots ne sont jamais étals.
Je veux être le trois-mâts qui l’aidera
À traverser son océan hostile.
Nageur infatigable,
Je coule vers lui et son île oubliée
Où des naufragés laissent
D’amers espoirs salés.
Appareillons pour le large, encore,
Qu’il m’emporte loin
De tous ces rivages inhospitaliers.
Je veux m’engloutir dans sa sombreur
Le sauver de sa violence.
Je dois suivre sa houle
Traverser les mers,
Dériver toujours en et sur lui,
Submerger son incommensurable vide.
De son corps exultant
Des débordements de son plaisir,
De mes mots d’amour
De mille nautique en mille nautique
Murmurés à son cœur meurtri,
De son chant de sirène
Que je bois à chacune de ses extases,
Je comblerai l’abîme
De sa désespérance où il se noie.
Je me ferais cryptozoologue pour abattre
La gorgone qui le ronge.
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