Chapitre 35: la fureur de madame Murakami

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Kaname déposa Laurys devant chez elle. Elle se doutait que sa mère, Ayumi et ses sœurs avaient entendu la moto et l’observaient derrière les rideaux. La pluie ne se calmait toujours pas mais cela n’avait pas l’air de les déranger. Laurys se sentait toujours étrange, comme si son cœur était devenu vide. Non. Tout son être. Néanmoins, elle fit l’effort de regarder le jeune homme dans les yeux et lui rendit son casque.

— Merci Kaname. D’être à mes côtés et de supporter mes états d’âme.

— Sors avec moi.

— Qu…quoi ? Hoqueta Laurys, totalement surprise par sa demande.

— Je ne te demande pas de répondre maintenant. Prends ton temps. Mais sache que je prendrai soin de toi. Je te le ferai oublier. Par contre, j’ai besoin de connaître la vérité sur vous deux. Depuis mon accident, je vois des choses que je ne peux expliquer et je sais que vous êtes différents de moi, de nous… Les humains. Enfin je crois. Je suis perdu.

Laurys essaya de réfléchir mais son esprit flottait dans une chape de brouillard difficile à dissiper. Pourtant il avait raison. Elle devait tout lui avouer. Parce que c’était un allié et qu’elle avait confiance en lui.

— Lundi, retrouve-moi sur le toit du lycée, à midi. Je te dirai tout.

Laurys se détourna pour rentrer chez elle. Elle sentit Kaname lui agripper le bras, la forçant à se retourner, et lui vola un baiser. Un chaste et court baiser. Les yeux écarquillés sous l'effet de surprise, elle eut un léger mouvement de recul et dévisagea le garçon sans dire un mot, sa main posée sur ses lèvres, avant de se précipiter à l’intérieur.

Elle referma la porte et s’adossa contre elle, la tête vers le plafond. Elle sentait encore la pression des lèvres du lycéen. Ses lèvres qui avaient embrassé Razül venaient d’être marquées par un autre. Elle soupira. Madame Murakami apparut dans le hall avec une expression qui oscillait entre inquiétude et colère.

— Quand tu seras sèche, retrouve-moi dans le salon, j’ai à te parler, jeune fille.

Laurys soupira à nouveau. Elle se dépêcha d’enlever ses habits trempés et monta à l’étage en sous-vêtements. Elle attrapa une serviette dans la salle de bain qu’elle enroula autour de ses cheveux puis essuya son corps avec une autre serviette. Elle retourna dans sa chambre et enfila son pyjama. Elle s’inspecta dans le miroir de son armoire. Son reflet semblait impassible mais si elle approchait son visage de la glace, elle pouvait déceler un regard d’une tristesse intense. Elle ferma les yeux. Deux baisers de garçons différents dans la même soirée. Sa vie devenait déjà assez compliquée comme ça sans avoir à ajouter des histoires de cœur. Razül, son gardien… Et il ne serait jamais rien d’autre que son gardien, elle l’avait compris. Kaname, son allié… Le contact de sa peau ne la faisait pas souffrir, il était avenant, joli garçon et il l’aimait. Mais surtout, il saurait la vérité.

— Laurys! Descend immédiatement !

L’heure des comptes avait sonné. Que pourrait-elle bien lui inventer ? Elle avait laissé Ayumi en plan. Tiens d’ailleurs, où était-elle ? Elle ne l’avait pas croisé en rentrant.

Elle retrouva sa mère dans le salon, assise sur un fauteuil, face au canapé. Un de ses jambes tressautait de façon ininterrompue, signe de forte nervosité chez elle. Elle prit place sur le sofa.

— Ayumi est partie ?

— Je l’ai ramenée en effet. Ce n’est pas du tout poli de ta part de délaisser ainsi ton amie pour…batifoler !

— Je ne batifolais pas ! S’offusqua Laurys.

— Ah non ? J’ai vu ce jeune homme t’embrasser, Laurys !

Elle se mit à rougir. Que pouvait-elle bien rétorquer à sa mère ?

— Euh techniquement, il m’a prise totalement au dépourvu. Nous sommes de bons amis. C’est un gentil garçon.

— Naoki aussi était un gentil garçon.

Ce nom raviva des souvenirs douloureux à Laurys. Elle n’avait aucune envie de parler de ça maintenant. Elle se sentait lasse.

— Ça n’a rien à voir. Écoute, je… je ne sais pas quoi te dire. Il avait juste besoin d’aide et…

— Tu sors sous la pluie dans la nuit avec un garçon sur une moto en laissant ta copine en plan et sans rien me dire ! Tu as presque failli te faire enlever, tu as déjà oublié ? Sans parler de ton uniforme troué de part en part, veste et chemise comprise.

Laurys sursauta face au ton employé par sa mère. Elle ne l’avait jamais entendu crier sur elle ainsi.

— Arrête de me mentir Laurys ! Tu crois vraiment que j’ai gobé ton mensonge ? Des mites ! Non mais tu me prends pour une idiote ? J’ai vu le sang, tu n’as pas réussi à tout retirer.

Laurys s’affaissa dans le canapé, ses larmes remirent à couler.

— Laurys, si tu as des ennuis on les affrontera mais dis-moi ce qu’il se passe, implora sa mère.

— Pardon, maman. Je… je ne peux pas t’expliquer. C’est vrai, il m’arrive des trucs de dingue mais je ne veux pas vous impliquer.

— Je ne comprends rien à ton charabia. Je suis ta mère. Je t’ai élevée et tu peux tout me dire. Je ne te jugerai pas, je ne te rejetterai pas non plus.

Elle se leva de son fauteuil et s’assit prés de sa fille, qui pleurait de plus belle. Elle l’enlaça tendrement, comme lorsqu’elle était petite. Laurys se laissa allée dans ses bras, l’amour maternel était un de ces amours purs qui gonflait le cœur d’espoir. Même si elle n’était que sa mère adoptive, cette femme l’avait élevée comme sa propre fille. Elle ne souhaitait pas lui apporter des ennuis. Elle l’aimait. Laurys la regarda tendrement dans les yeux, ses larmes s’étaient à présent taries. Elle sentit une force émaner d’elle.

— Maman, sourit-elle en la fixant, arrête de t’inquiéter ainsi pour moi. Je vais bien. Fais-moi confiance. Va te reposer maman et, tu sais, Kaname est un garçon très bien. Ce n’est pas… lui.

Elle n’arrivait pas à prononcer son nom. Naoki… Et Razül resterait son secret. Le visage de sa mère s’apaisa instantanément.

— Un garçon bien. Ne pas m’inquiéter, répéta-t-elle en murmurant. D’accord, Laurys. Bonne nuit ma chérie.

Sa mère sortit du salon laissant Laurys, stupéfaite, sur le canapé. Elle n’avait pas imaginé que cela se passerait si facilement. Sa fureur était retombée d’un seul coup. Elle plissa les yeux, sa réaction était-elle normale ? Affaiblie d’un seul coup, Laurys monta se coucher à son tour. Dans son lit, elle fixait le plafond. Pourquoi ressentait-elle un tel vide dans son cœur ? Hier encore, quand elle pensait à Razül, la vie pulsait en elle mais ce soir, du vide, rien que du vide. Son amour avait disparu, dissimulé derrière un épais rideau de brumes.

— Laurys… chuchota une voix fluette derrière la porte.

— Pas maintenant, Heidi. J’ai besoin d’être seule.

— Je comprends. À demain.

Laurys s’endormit quelques minutes plus tard, en se promettant de s’excuser auprès d’Ayumi dès son réveil.

Dans la pénombre de la porte entrouverte, une ombre se découpa. Andy regardait Laurys dormir avec un air de dégoût sur le visage. Un de ses yeux tremblait dans un tic nerveux.

— Je savais que tu étais un monstre, murmura-t-elle avant d’aller se coucher à son tour.

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