Microtuto pour améliorer son écriture
INTRO
Comment améliorer sa qualité d'écriture ? Y a-t-il des techniques et astuces identifiables pour y parvenir ? La réponse est oui, sans l'ombre d'un doute. Il suffit de comparer plusieurs textes pour faire l'expérience de la maladresse, de la pauvreté et de la loudeur d'un côté ; de la fluidité, de la beauté et de la richesse de l'autre. Je ne vous parlerai pas de l'élaboration d'un scénario, de la construction de personnages ni des dialogues. Juste des phrases et de la formulation avec exemples concrets à l'appui. Voici donc listé ci-dessous tout ce qui m'apparaît comme des axes d'améliorations de son écriture.
1 ) Eviter les répétitions
Texte V1 :
« Charles pénétra à l'intérieur de la première pièce du château qui était vide. Que des murs et des sols dénudés et de la réverbération. Sac à dos posé au sol, il s'agenouilla et chercha son carnet qui se trouvait forcément au fond, comme d'habitude, enseveli sous tout un tas d'objets divers et variés qu'il n'avait jamais pris le temps d'évacuer et de trier. Agacé, il le retourna et le vida sur le sol de pierre. Une fois vidé, il trouva enfin ses notes, qu'il emportait systématiquement à chaque séance d'urbex, histoire de ne rien oublier de ses explorations. Chercheur de trésor ou utopiste ? En son for intérieur, Charles ne se posait jamais la question contrairement à sa famille et à ses amis qui craignaient qu'il ne finisse au fond d'un ravin ou qu'il se prenne une pierre sur la tête, après près de cinq ans d'explorations solitaires. »
Texte inventé pour l'occasion. Pas de fautes d'orthographe, de grammaire, ou de conjugaison. L'ambiance, le personnage, le décor et même un début d'histoire sont posés. L'écriture pourrait même paraître tout à fait acceptable pour certains (c'est ce que je constate dans certains commentaires faisant l'éloge de textes totalement à revoir). Or, cet extrait est lui aussi à retravailler en profondeur. Les répétitions prennent donc plusieurs formes :
a ) Les mots / termes : intérieur - vide - et - sols - au fond - qui - pierre - explorations
* Les répétitions de "et" + "qui" sont les plus courantes. Je les constate dans de très nombreux textes.
b ) Les structures de phrases : segment au subjonctif - Intro avec adjectif
« Agacé, il fait ci. Blasé, il ajoute ça. Posant son sac, il range le tout. »
Variez donc les structures de phrases !
En erreur courante, je remarque l'abus du gérondif et du participe présent, notamment dans les incises :
— Rachel, arrête ça tout de suite ! dit sa mère, (en) la menaçant du doigt.
— Ok, ok, j'arrête ! abdiqua-t-il en reposant le marteau.
c ) Les sonorités : après près de 5 ans (n'est-ce pas très laid ?)
d ) Les idées / concepts : comme d'habitude / forcément - Complètement vides / murs et sols dénudés
À force de pratique, vous ne procèderez plus par étape, tout vous sautera aux yeux, à tel point que vous vous corrigerez davantage pendant l'écriture. Ici, abordons le chantier en allant. Phase 1 : supprimer les répétitions. C'est d'ailleurs l'occasion d'enrichir le texte avec d'autres tournures / mots. Parfois, il ne faut pas remplacer, mais tout simplement supprimer un surplus inutile. Attention à ne pas créer de nouvelles répétitions.
Texte V1 :
« Charles pénétra à l'intérieur de la première pièce du château qui était vide. Que des murs et des sols dénudés et de la réverbération. Sac à dos posé au sol, il s'agenouilla et chercha son carnet qui se trouvait forcément au fond, comme d'habitude, enseveli sous tout un tas d'objets divers et variés qu'il n'avait jamais pris le temps d'évacuer et de trier. Agacé, il le retourna et le vida sur le sol de pierre. Une fois vidé, il trouva enfin ses notes, qu'il emportait systématiquement à chaque séance d'urbex, histoire de ne rien oublier de ses explorations. Chercheur de trésor ou utopiste ? En son for intérieur, Charles ne se posait jamais la question contrairement à sa famille et à ses amis qui craignaient qu'il ne finisse au fond d'un ravin ou qu'il se prenne une pierre sur la tête, après près de cinq ans d'explorations solitaires. »
Texte V2 : (/) = suppression + élagage + reformulation
« Charles pénétra à l'intérieur de la première pièce du château, (complètement) vide, (/) royaume de la réverbération. Sac à dos posé au sol, il s'agenouilla (en vue de) chercher son carnet (/) enseveli, comme d'habitude, sous tout un tas d'objets divers et variés qu'il n'avait jamais pris le temps d'évacuer (/). Agacé, il le retourna (pour) le vider sur le (grés). (Ses notes réapparurent enfin, notes) qu'il emportait systématiquement à chaque séance d'urbex, histoire de ne rien oublier de ses (escapades). Chercheur de trésor ou utopiste ? (/) Charles ne se posait jamais la question, contrairement à sa famille et à ses amis, (craignant) qu'il ne finisse au fond d'un ravin ou qu'il se prenne une pierre sur la tête, après (plus) de cinq ans d'explorations solitaires. »
La différence est nette, non ?
2 ) Enrichir
Sauf s'il s'agit de la narration d'un enfant ou d'un crétin patenté, enrichissez votre texte ! La pauvreté est souvent associée aux répétitions. Annihilez tous ces mots et formulations discount que n'importe quel écrivain du dimanche peut étaler à perte de vue. Être, avoir, faire... et j'en passe. Colorez vos phrases d'adjectifs délicieux, de formulations poignantes. Usez et abusez des locutions. Ajoutez même ce délicat arôme des siècles précédents. Autrement dit , passez d'une boîte de raviolis à des lasagnes faites maison, dignes d'un restaurant étoilé. Mais prenez garde ! Le trop est l'ennemi du bien. Il ne s'agit pas de noyer le lecteur dans un tsunami de mots rares pour se faire mousser le haricot et/ou inadaptés chronologiquement. Lire un texte avec un dictionnaire à l'appui, aucun intérêt. Il ne faut pas non plus se priver de quelques mots littéraires / soutenus, donnant du relief et de l'éclat à votre texte. C'est d'ailleurs ce qui permet d'enrichir notre plume et notre culture, au passage. Tout est affaire de dosage.
Texte V1 :
« L'hiver était glacial. Nous étions tous dans la maison, sans électricité, sans chauffage, ni eau chaude. Mon père faisait tout pour nous donner de la chaleur, cherchant des couvertures, des plaids, des draps, des manteaux, à chaque étage. Ma mère, elle, avait les bras grands ouverts sur nous, comme une poule l'aurait fait avec ses poussins. Mes deux frères et moi-même avions presque trop chauds. Mais nous étions bien contre elle... Après douze heures, la lumière revint enfin. Mais il faisait nuit et nous n'avions pas sommeil, car nous nous avions dormi sur maman. Par contre, nous avions vraiment très faim. »
Texte V2 :
« L'hiver était (particulièrement) glacial. Nous nous (trouvions) tous dans la maison, sans électricité, sans (eau chaude, ni chauffage). Mon père (se démenait pour nous offrir de la chaleur), cherchant des couvertures, des plaids, des draps, des manteaux, à chaque étage. Ma mère, elle, nous (enveloppait de ses bras), comme une poule (/) avec ses poussins. Mes deux frères et moi-même avions presque trop chauds. Nous nous (sentions pourtant) si bien (dans son giron)... Douze heures (plus tard), la lumière (réapparut) enfin. (Hélas), (la nuit était tombée). (Parce que nous avions trop dormi au cours de la journée, il nous fut alors impossible de trouver le sommeil. (En revanche, nous mourrions de faim). »
Analyse :
L'hiver était (particulièrement) glacial => le fait d'ajouter cet adverbe embellit et renforce le verbe être ici, je trouve.
Nous nous (trouvions) tous dans la maison, sans électricité, sans (eau chaude, ni chauffage). = > le fait d'inverser eau chaude / chauffage permet d'éviter le hiatus "ni eau". Réflexe de poète, mais même dans la prose, j'évite les hiatus, trop disgracieux.
Je n'ai pas forcément supprimé tous les verbes faibles car ils collent avec certaines tournures. Et à petite dose, ils ne sont pas gênants, fondus dans la richesse du reste du texte.
Parce que nous avions trop dormi au cours de la journée, il nous fut alors impossible de trouver le sommeil. => voyez comme cette nouvelle structure de phrase casse l'effet "listing" et enrichit le texte, bien que plus longue que l'initiale.
Concernant l'effet listing, voici quelques phrases supplémentaires. Ici, aucun problème de vocabulaire, de fautes. Juste la répétition dune structure simpliste de phrase type "sujet / verbe / complément".
V1 :
« Il monta dans sa voiture. Il remarqua une jeune fille ravissante passer devant son capot. Elle s'apprêtait à traverser au beau milieu de la circulation. Il ne put se retenir de klaxonner pour l'en dissuader, réflexe autoritaire d'ancien gendarme. »
V2 :
« (De retour) dans sa voiture, il remarqua une jeune fille ravissante passer devant son capot. Elle s'apprêtait à traverser au beau milieu de la circulation, (aussi ne put-il) s'empêcher de klaxonner pour l'en dissuader, réflexe autoritaire d'ancien gendarme. »
Parfois, il faut fusionner des phrases courtes pour enrichir plutôt que de les privilégier. Encore une fois, tout est une question de dosage, et de respect du rythme.
3 ) Traquer les indésirables
Monter en haut, descendre en bas, une vieille personne âgée... Plutôt flagrants comme pléonasmes. Mais d'autres sont assez subtils pour passer à travers les mailles du filet... ou pas. Collectés au cours de mes lectures :
- Prendre des somnifères pour le sommeil
- Une tache sur le sein gauche, au niveau du thorax.
- Un grand homme de 2 mètres de haut
Ensuite, les barbarismes, non-sens et autres mauvais emplois (qu'on entend presque tous les jours) :
- Compréhensif à la place de compréhensible
- Infractus du microcarde au lieu d'infarctus du myocarde
- Pancréatite du foie
- Réouvrir au lieu de rouvrir
- Astérix pour d'astérisque
- Hynoptiser pour hypnotiser
- Omnibuler pour obnubiler
- Empruntes digitales
- Egocentricité pour égocentrisme
... La liste est loooooongue.
Egalement, les incohérences :
- Parler d'un chauffeur de bus français qui porte un pacemaker... => impossible, non compatible
- Parler de mousquets en France au XIVème siècle => anachronisme
- Faire parler un enfant de trois ans comme s'il en avait 25
Pour finir, sans être exhaustif, exterminer les coquilles qui montrent que vous n'avez pas assez, voire pas du tout, relu votre texte. Ou alors votre connaissance de la langue française est trop insuffisante pour que les coquilles vous apparaissent. Une phrase d'introduction prise au hasard sur Scribay :
« Andréa Botticelli est un homme mystérieux mais suivit de près par la presse poeple. ̇»
Andrea : pas d'accent car nom italien.
Suivit : pas de "t".
Poeple : faute de frappe.
Une phrase, trois coquilles. Clairement, à moins d'aimer les textes bourrés de fautes et de devoir s'arrêter toutes les 3 secondes pour annoter des aberrations, mieux vaut passer son chemin d'emblée.
Enfin, gare aux erreurs de concordance des temps. Généralement (sauf exception, donc), on allie les temps ainsi :
- Présent + Passé composé + futur + subjonctif présent
- Passé simple + Imparfait + conditionnel + subjonctif imparfait (ou présent, admis mais incorrect pour les puristes)
« Jérémy passe son temps à dormir. Il n'a pas pourtant pas fait grand-chose de sa semaine et en fera sûrement autant la semaine suivante en bon fainéant qui se respecte »
« Jérémy passait son temps à dormir. Il n'avait pas pourtant pas fait grand-chose de sa semaine et en ferait sûrement autant la semaine suivante en bon fainéant qui se respectait. »
La première phrase serait au passé simple s'il s'agissait d'un épisode isolé. L'imparfait ici montre que c'est chronique. D'où l'intérêt de bien choisir le temps. Troisième version avec problème de concordance :
« Jérémy passe son temps à dormir. Il n'avait pas pourtant pas fait grand-chose de sa semaine et en fera sûrement autant la semaine suivante en bon fainéant qui se respectera. »
Dernier conseil, au passage, fractionnez vos textes. Même s'il va lire exactement la même quantité de SEC (signes et espaces comprises), le cerveau semble apprécier davantage de lire 5 chapitres de 4 minutes plutôt qu'un seul de 20... Et justifiez votre texte, c'est beaucoup plus agréable à lire, visuellement parlant.
Voilà, j'espère que cela vous sera utile.
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