Béatrice n'aurait jamais dû aller à Paris :D.

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Béatrice était arrivée à Paris le matin « d’un jour » par covoiturage. Le conducteur qui l’avait transportée dans son véhicule avec trois autres personnes s’était servi étrangement d’une boussole au lieu d’un GPS ; son aspect grisonnant, voire très grisonnant, avait dû rater un chapitre de l’invention du XXe siècle. Les cartes et les boussoles, disons-le en toute franchise, sont faites pour la navigation, mais aussi pour aller d’un point à un autre en exploitant le goudron.

Béatrice se baladait dans la capitale, un rêve de toujours depuis sa majorité. Aujourd’hui, à la retraite, cette idée se réalisait. Bien que venant du sud de la France, qui côtoie inlassablement la Méditerranée avec son sable gris-noir et fin, ici, à Paname, elle n’avait guère besoin d’étancher sa soif à l’aide d’une gourde, il suffisait de s’asseoir à une terrasse et le gosier était désaltéré.

Notre sexagénaire emboîta le pas aux Parigots qui s’engouffraient d’une allure pressée et les traits du visage inquiets dans le métropolitain. Ces mines parisiennes qui semblaient porter toutes les misères et tous les virus du monde ne l’enchantèrent pas des masses. Elle eut la désagréable impression qu’elle allait attraper la maladie de l’être normal, celui qui se comporte comme un pigeon en attendant la manne, non divine, mais humaine.

En haut, quand elle leva les yeux au ciel, embouteillé de nuages, cela lui faisait plus penser à une couverture grise, ou une cloche géante au verre fumé sans voir le soleil, qu’à un tas de cotons blancs. Béatrice eut une pensée un peu loufoque : « C’est-y pas Dieu possible, je suis arrivée à « Grisaville ! ». Pour quelqu’un qui vivait trois cent vingt jours (par an) sous une lumière parfaite, Béatrice avait mis du temps à regarder la voûte céleste, un peu comme ces Parisiens ; mais peut-on les blâmer, quand ils sont privés de voir le firmament à cause des tours et leur empressement ?

Le jour déclinait, et notre fraîche retraitée se dépêcha de trouver un hôtel pour y passer la nuit, avant de se rendre au Champ de Mars et visiter madame Eiffel(le) ; après tout, c’était sa première idée en débarquant dans ce monde où la tempête intellectuelle et la tempête gilet jaune sévissaient, pour l’un sur les plateaux TV et pour l’autre dans la rue. Ce qui fut certain, l’autorité représentative, pour l’autre, n'a pas servi à ceux-ci de thé et encore moins de petits sablés.

Parvenue au terme de son séjour, le lendemain de la veille, après avoir visité un Paris sur lequel Béatrice n’aurait pas parié pour son accueil, elle se fit violence pour le transport et pensa retourner dans son chez-soi par avion, qu’elle avait toujours détesté à cause de l’immédiateté, mais l'urgence du « vite retrouver sa paisible existence » s’imposa.

Un terrible crash empêcha Béatrice de rejoindre son domicile, ainsi que les passagers du Boeing 737.

La morale de cette histoire réside dans : l’herbe n’est pas plus verte ailleurs.

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