6.
Awilé était à bout de souffle mais continua néanmoins sa course folle, en espérant échapper à ses poursuivants. Elle tenta désespérément de prévenir sa tante à l'aide de son pouvoir télépathique, mais n'y parvint pas car elle était incapable de se concentrer dans une telle situation.
Elle arriva sur le bord du fleuve, qui était le principal point d'eau du village et des environs, et elle le longea prudemment, tout en se risquant à jeter un œil derrière elle.
Personne.
La jeune femme s'arrêta de courir et se retourna, la respiration haletante. Où étaient passés les trois hommes ? Ce qui était sûr et certain, c'était qu'ils étaient encore dans les parages car elle ressentait encore leur présence.
Awilé alla s'adosser contre le fromager, l'un des plus grands arbres du village, avant de fermer les yeux pour tenter d'établir une connexion mentale avec sa tante Ilda.
Tante Ilda, c'est moi Awilé ! Si tu m'entends, je t'en prie, quitte immédiatement la concession ! Mon pouvoir s'est manifesté au...
Une flèche en argent siffla avant de se planter dans le fromager, à un millimètre de son oreille gauche.
Awilé ne demanda pas son reste et reprit aussitôt sa course, mais un des Akatys se posta sur son chemin non loin devant elle, une épée à la main. Elle fit demi-tour et un deuxième guerrier surgit devant elle à une certaine distance, avant d'être rejoint par le troisième. Elle se retrouva pratiquement encerclée par ses attaquants.
Celui qui semblait être le chef de groupe fit un mouvement semi-circulaire avec son épée, d'où sortit une poussière blanche étincelante. Awilé fut projetée de plein fouet sur le sable à demi-assommée, comme frappée par un vent violent.
- Ainsi, tu ne risques pas de nous hypnotiser avec tes pouvoirs, awoularé.
- Je m'appelle Awilé, murmura-t-elle avec difficulté en tentant de reprendre ses esprits.
- Tu es une awoularé ! Nous avons ordre de t'emmener au palais ! Vous autres, capturez-la. Argesso nous rejoindra plus tard avec sa tante.
L'idée qu'on puisse faire du mal à sa tante donna à Awilé l'énergie nécessaire pour se ressaisir. À travers ses yeux mi-clos, elle aperçut le plus jeune des trois hommes s'approcher d'elle et put ainsi le prendre par surprise.
Elle le prit soudainement par l'épaule et utilisa l'un de ses pouvoirs empathiques pour la première fois.
Elle aspira la force, la détermination et le courage du guerrier en face d'elle pour se les approprier. L'Akatys sembla tout à coup totalement apathique, avant de sombrer dans l'inconscience et tomber lourdement sur le sol.
L'archer du groupe décocha trois flèches en direction de la jeune femme. Elle sentit immédiatement le danger et instinctivement, arrêta d'un signe de main le mouvement des flèches en plein vol avant de les lui retourner d'un revers de main. L'Akatys retomba mort, criblé de flèches.
- Oh non ! s'écria-t-elle, horrifiée.
Awilé n'avait jamais espéré tuer quelqu'un dans sa vie, même si ce qu'elle venait de faire la surprenait elle-même.
- Tu vas mourir ! hurla le chef du groupe qui avança vers elle, avec son épée.
Cette fois-ci, Awilé put esquiver le coup à temps, en se jetant sur le côté. La bourrasque dévastatrice qui sortit de l'épée fendit un arbre situé en deux un arbre, situé non loin. Elle en profita pour ramasser l'épée du guerrier évanoui et la tint courageusement avec ses deux mains, sans savoir précisément comment la manier. Le guerrier ricana avant d'arborer un air sarcastique et moqueur :
- Tu es plus téméraire que nous ne l'avions pensé. Mais après tout, on peut s'amuser un peu avant que je ne te règle ton compte.
Awilé tenta de faire le même geste que le chef de groupe afin de le déstabiliser, mais rien ne se passa. Son adversaire s'en rendit compte et avec un sourire mauvais, lui déclara :
- Tu peux essayer tant que tu peux, tu perds ton temps ! Seuls notre chef des armées et les lieutenants Akatys ont le privilège de posséder les épées enchantées.
Il lui envoya aussitôt une autre bourrasque au visage et elle tomba une nouvelle fois. Awilé se dit que sa dernière heure était arrivée, lorsqu'elle vit le guerrier se pencher sur elle, son épée à la main.
Soudain, un rugissement se fit entendre et le chef du groupe eut à peine le temps de se retourner qu'une masse lui tomba dessus de plein fouet. Awilé reconnut le lion qui avait semé la terreur au marché Mawolo.
Furieux, le fauve plaqua sa proie sur le sol avant de lui donner un coup de patte sur le bras. Le chef Akatys hurla de douleur, tout en cherchant avec sa main encore valide son épée, qu'il avait perdu dans sa chute.
Awilé, encore sonnée par la rapidité avec laquelle les évènements s'enchaînaient, ne savait plus exactement où elle en était.
Elle vit le guerrier dont elle avait aspiré les émotions quelques instants plus tôt se réveiller et regarder autour de lui, l'air surpris par la scène de désolation qui s'y déroulait. Il se remit aussitôt sur pied, tout en cherchant l'épée qu'Awilé venait de lui dérober.
Le chef Akatys semblait très mal en point. Awilé eut curieusement le coeur lourd et fut submergée par une grande tristesse.
Elle constata que le lion ne bougeait plus, certainement terrassé par les flèches en argent que le guerrier encore valide venait de lui décocher d'un même coup à la tête. L'animal sauvage qu'elle avait su apprivoiser temporairement était mort afin qu'elle eût la vie sauve.
Elle aperçut de loin le dernier Akatys lever son arc dans sa direction, l'air féroce et déterminé. Au même instant, elle vit luire quelque chose à un pas d'elle sur le sol sablonneux.
L'épée enchantée du chef Akatys.
Comme si le temps s'était ralenti, elle s'élança pour s'en emparer tandis que les flèches mortelles que venaient de décocher le guerrier fusaient vers elle.
L'adrénaline la poussa à utiliser ses dernières ressources mentales et, l'épée en main, Awilé sentit soudainement son corps tourbillonner sur lui-même.
Puis ce fut le trou noir.
Annotations