Alkiley décida finalement de rejoindre le groupe qui pourchassait Ama de l'autre côté de la plaine. L'ancien chef des armées les avait distancés de quelques mètres, mais Alkiley sentait au fond de lui que, cette fois, leur cible n'avait aucune chance de leur échapper.

Ama, par chance, avait su apprivoiser assez rapidement le cheval qu'il avait subtilisé peu de temps auparavant. Malgré le sol rocailleux, sa monture savait éviter les obstacles qui se trouvaient en travers de leur chemin, tout en restant vive comme l'éclair. Il jeta un œil derrière lui et constata que ses poursuivants se rapprochaient dangereusement. Il ressentit soudainement une très grande chaleur au niveau de son abdomen. Il s'agissait du signal qui lui indiquait que ses pouvoirs s'étaient rechargés à leur maximum.

Alkiley leva son épée enchantée, dans le but de déstabiliser Ama en le prenant par surprise. Sauf que ce dernier semblait s'être évaporé, ainsi que son cheval.

Perplexe, Alkiley arrêta sa course, suivi de près par les éléments de son groupe.

• On dirait qu'il s'est téléporté, dit rageusement l'un d'eux, tout en tentant de maintenir son cheval en place.
• Je le sens tout près, affirma Alkiley en regardant tout autour de lui.
• Tu n'as pas perdu ton flair, à ce que je vois.

Les Akatys se tournèrent d'un même élan en direction d'Ama, qui se trouvait à quelques mètres en face d'eux. Alkiley ne put s'empêcher de jubiler.

• Tiens donc, qui voilà ? ironisa-t-il en fixant Ama. Notre ancien chef des armées ! Qui a fui comme un lâche il y a des années !

Ama accusa le coup, mais garda un visage impassible.

• Tu étais déjà une mauvaise graine à l'époque, Alkiley, lui rétorqua-t-il. Je vois que tu es actuellement dans ton élément. Mais cela ne durera pas.
• Nous verrons bien, dit Alkiley sur le même ton amusé. Nous sommes trois et en pleine forme alors que tu es seul et épuisé. Tu devrais nous demander grâce dès à présent, ainsi que Meylani. Cela va nous éviter de vous tuer à petit feu. Si ce n'est pas déjà le cas en ce qui le concerne au moment où nous parlons, vu qu'il ne sait pas se battre.

Les autres guerriers se mirent à ricaner en se regardant. Ama descendit brusquement de son cheval, tout en retirant sa nouvelle épée de son fourreau.

Il déclama, tout en tenant son arme droit devant lui :

• Moi, Ama le Stratège, fils d'Abesso le Grand et chef des armées de Dachekassi, jamais je ne me rendrai aux oppresseurs !

Il saisit puis tint dans son autre main un bouclier faisant partie de l'équipement qu'il avait subtilisé un peu plus tôt, avant de se mettre en position de combat. Alkiley était intérieurement impressionné que son ancien supérieur ait gardé aussi longtemps son âme de combattant.

• Très bien, lui dit-il avec un air suffisant. Tu vas regretter de porter les armes et la tenue de tous les Akatys qui sont tombés sous ta main ! Et nous saurons les venger !

Ama fit tournoyer son épée et les deux guerriers qui entouraient Alkiley descendirent de leurs montures respectives.

L'un d'eux s'élança vers lui avec un cri de rage, son épée en main. Malheureusement pour lui, l'ancien chef des armées sut parer le coup et lui asséna un coup de taille au mollet, ce qui le fit s'affaisser. Il lui infligea ensuite une autre blessure avec le tranchant de la lame, au niveau de l'abdomen. Son adversaire s'effondra aussitôt.

Le deuxième assaillant était équipé de deux dagues longues et effilées, ce qui le rendait d'autant plus dangereux. Il les fit tournoyer dans ses mains et tenta d'en lancer une en direction de son adversaire qui, d'un coup d'épée, l'envoya au loin. L'Akatys s'élança et lui fit une estafilade sur son bras droit, avant de lui assener un coup de jambe en traître au niveau du ventre. Ama perdit l'équilibre et tomba, le dos contre le sol.

Son opposant l'y maintint et allait porter le coup de grâce en lui plantant sa dague dans la gorge, lorsqu'Ama lui saisit brusquement le poignet. Il parvint à le lui plier jusqu'à ce qu'un bruit sec, caractéristique de celui d'un os brisé, se fit entendre. Il s'empara aussitôt de la dague de l'Akatys et la lui planta en plein cœur. Ce dernier, l'air surpris, roula sur le côté, avant de rendre l'âme.

Ama ramassa son épée et se releva lentement, les yeux rivés sur Alkiley qui avait suivi les hostilités à distance. Le visage de celui-ci reflétait une certaine haine, mais également une certaine peur.

• Tu n'as pas perdu ton esprit combatif, c'est une bonne chose! Mais tu vas mourir et par ma main! s'écria-t-il, avant de descendre de son cheval.

Alkiley tendit brusquement son épée droit devant lui, d'où sortirent les fameuses ondes de choc, sous la forme d'un tourbillon de poussière blanche étincelante.

Ama, surpris par la force de l'impact, lâcha son bouclier et son épée. ll se débattit pour rester debout, mais n'entendait plus rien et tout semblait se brouiller autour de lui. Il tenta de tourner la tête sur le côté, afin de pouvoir se libérer de l'emprise des ondes de choc de cette arme particulière. Il en avait déjà entendu parler par le passé, mais n'en avait jamais encore subi les effets dévastateurs.

Alkiley continuait à tendre l'épée devant lui tout en se rapprochant progressivement de son adversaire, avec le risque de le rendre dément ou même de le tuer. Ce dernier finit par mettre un genou à terre puis mit ses mains devant lui, et sentit que ses forces s'amenuisaient au fur et à mesure.

Il eut soudain une idée.

Ama se tourna lentement mais difficilement à nouveau en direction d'Alkiley, dont la main et le bras tremblaient à force de tenir aussi longtemps l'épée enchantée. Il ferma les yeux un instant et lorsqu'il les rouvrit, ses yeux s'illuminèrent d'un éclat mordoré et il utilisa son pouvoir pyrotechnique pour la première fois à très grande ampleur.

De ses mains sortirent des étincelles, puis des flammes magiques qui s'amplifièrent et qui suivirent instantanément le mouvement des ondes de choc. Ama parvint à se relever, puis repoussa les ondes désormais enflammées vers Alkiley, qui vit trop tard celles-ci retourner vers sa direction. L'épée enchantée se brisa en plusieurs morceaux et le jeune lieutenant Akatys fut brusquement propulsé en arrière. Il retomba non loin de là et abruptement sur le sol dur et aride.

Les mains toujours crépitantes, Ama surplomba Alkiley de sa grande taille. Celui-ci, mal en point, était allongé sur le dos et le regardait avec son œil encore ouvert. Une partie de son corps ainsi que ses mains étaient carbonisées.

• Comme à ton habitude, tu as choisi la facilité, contrairement à tes hommes qui ont eu le courage de se battre loyalement, finit par lui dire Ama, les sourcils froncés. Tu as encore perdu une bonne partie de ta propre estime. Et tu ne mérites pas d'être un guerrier awalassien.

Un bruit de galop se fit entendre et Ama vit Meylani arriver à cheval. Celui-ci descendit de sa monture avant de le rejoindre.

• Tu as pu t'en sortir à ce que je vois, lui dit Ama avec une satisfaction non déguisée.
• J'avoue que ce n'était pas évident, mais j'ai su effectivement me tirer de ce mauvais pas, déclara Meylani, exténué. J'ai dû employer mes pouvoirs d'hypnose et de persuasion mentale. Au moment où je te parle, les trois Akatys sont toujours en train de se battre entre eux sur la colline, persuadés qu'ils sont en train de me combattre, sans pour autant savoir qu'ils sont en train de s'entretuer. C'est Alkiley ? demanda-t-il à Ama, en désignant de la tête l'infortuné chef de groupe.
• Oui.

Meylani fixa Alkiley puis Ama, en se demandant sûrement ce qui s'était passé.

• Tu peux lire dans mon esprit si tu souhaites savoir comment se sont passées nos retrouvailles, lui proposa Ama sur un ton tranquille.

Meylani esquissa un sourire.

• Je pense que ce n'est pas nécessaire.

Ama, sans préambule, leva son épée vers Alkiley.

• Il est temps d'en finir !
• Attends, lui dit Meylani en suspendant son geste. Attends.
• Meylani, nous ne pouvons pas nous permettre d'être pacifistes. Akissambo a certainement envoyé une bonne partie de son armée pour nous appréhender, morts ou vifs. Et tu sais aussi bien que moi que la première option, à savoir nous tuer, est celle qui peut leur sembler la meilleure. Je ne vois donc pas pourquoi nous devrions les épargner.
• Je comprends parfaitement ce que tu veux dire. Mais ce n'est pas la solution, insista Meylani. Nous sommes des awoularés, Ama. Nous sommes censés faire le bien et nous ne devons pas nous abaisser à commettre les mêmes erreurs et les mêmes actes ignobles que ces hommes.

Ama soupira sombrement mais dût admettre que l'homme à ses côtés ressemblait en tous points à son père. Dachekassi aurait certainement eu le même discours dans une situation similaire. Raison pour laquelle le respect qu'Ama avait pour Meylani s'accrût davantage.

• Qu'est-ce que tu suggères dans ce cas ? Que devons-nous faire de lui ? lui demanda Ama, tout en désignant Alkiley de la tête.

L'intéressé, qui avait également la mâchoire brisée, les écoutait sans mot dire.

Meylani aperçut les débris de l'épée enchantée d'Alkiley. Il en ramassa un morceau puis l'observa attentivement. Il semblait se concentrer sur le débris un court instant avant de reporter son regard sur l'Akatys. Ce dernier frissonna en voyant Meylani se pencher sur lui pour poser ses mains sur ses tempes.

• Que fais-tu ? Tu lis dans ses pensées ? l'interrogea Ama.
• J'analyse son esprit et ses souvenirs, répondit Meylani, dont le visage reflétait une concentration extrême, tandis qu'Alkiley semblait en transe, le regard vide. Cela peut nous aider à comprendre un certain nombre de choses et en savoir davantage sur ce que mon frère ambitionne de faire. Comme tu le sais, nous ne sommes pas encore sortis d’affaire et d'après ce que je suis en train de voir dans son esprit, nous sommes loin d'être les seuls.