Chapitre 20 (EN COURS)

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Layla

J'arpente les couloirs de l'hôpital en fredonnant. Pour la première fois depuis des jours, je me sens bien. Fini le poids de la fièvre, les courbatures qui me clouaient au lit et les médicaments au goût amer. J'ai gagné ma bataille contre le virus et je suis de retour, en bien meilleure forme.

Je ressers les doigts autour de la bandoulière de ma besace et accélère le pas. Pour être honnête, ma récente rémission n'est pas la seule raison pour laquelle je suis revigorée. Après ma conversation avec ma mère, j'ai réfléchi longuement avant de prendre une décision.

Je vais parler à Chahine.

Aujourd'hui. Sans aucune fuite, sans once d'hésitation.

J'ai préparé mon discours avec soin, mémorisant chaque mot, le répétant dans ma tête encore et encore, jusqu'à l'ancrer définitivement dans mon esprit. Peu importe s'il me repousse de premier abord, je ne reculerai pas. Parce que je préfère vivre avec la douleur d'avoir été rejetée, plutôt que celle de n'avoir rien fait pour essayer de nous sauver.

La porte du bureau des internes se dessine enfin devant moi. Je ralentis légèrement pour reprendre mon souffle. J'ai fait exprès d'arriver un peu plus tôt ce matin, afin d'avoir le temps de déposer mon arrêt maladie au secrétariat avant que tout le monde n'arrive. Je m'imagine alors déjà profiter du calme du bureau, tout en capturant ce moment de tranquilité avec un petit selfie.

Je pousse la porte et un sourire malicieux apparaît sur mes lèvres en constatant que la salle est effectivement déserte. Je dépose rapidement mes affaires dans le placard vide et enfile ma blouse, avant de m'installer sur un des sièges à disposition. Je me place alors près du bureau et commence à me prendre en photo.

D'abord un léger sourire. Puis une pose un peu plus théâtrale. Je me dis que ça manque d'action, alors je tente un autre angle, inclinant la tête d'une manière un peu trop dramatique. Je continue durant plusieurs secondes, avant de vouloir essayer autre chose.

Je pose alors mon téléphone à quelques centimètres de moi et active le retardateur, puis je me mets à sautiller. J'accompagne bientôt mes galipettes de grimaces toutes plus loufoques les unes que les autres, comme si après avoir été inactivé, mon corps ressentait subitement le besoin irrépressible de bouger, un trop-plein d'énergie à déployer. Sauf que j'ai à peine le temps de retomber sur le sol que j'entends le bruit de la porte s'ouvrir, révélant la pire personne que je pouvais croiser à ce moment.

Chahine entre dans la pièce, une main fourrée dans la poche de son jean, une autre occupée à déloger les écouteurs nichés dans ses oreilles. Il me regarde de ses yeux ronds, tombant directement sur moi en pleine position de Star Platinum.

Mon visage s'enflamme instantanément et je m'empresse de baisser les bras. Le brun ne détourne pas ses prunelles des miennes, scrutant la moindre de mes parcelles, mais il ne prononce pas un mot non plus. Le malaise installé entre nous est palpable, la pression particulièrement lourde dans l'air. J'aimerais pouvoir alléger l'atmosphère, mais je suis trop embarrassée pour effectuer le moindre mouvement.

La honte.

Je finis néanmoins par prendre sur moi pour récupérer mon téléphone. Lorsque je relève la tête, je remarque qu'il n'a pas bougé d'un cil. Mon cœur bat la chamade, chaque seconde supplémentaire ne faisant qu'aggraver mon agitation.

Déterminée à sortir de ce pétrin, je me pince alors la lèvre inférieure et puise dans mes dernières ressources pour réussir à articuler timidement :

  • Tu... tu vas continuer de me dévisager encore longtemps ?

Il arque un sourcil, visiblement surpris par ma question.

Puis il lève le menton et me répond de sa voix rauque :

  • Tu bloques mon passage.
  • Quoi ?

Je dévie mon regard et constate que je suis effectivement en travers du chemin.

  • Ah, euh... pardon... murmuré-je.

Je recule pour le laisser passer, et comme si ma première humiliation n'était pas déjà suffisante, je manque de trébucher deux fois avant de me stabiliser à l'aide d'une étagère.

Mon Dieu.

J'aimerais pouvoir disparaître six pieds sous terre.

La voie étant libre, Chahine finit par se déplacer, passant lentement à côté de moi. Il se contente d'avancer en silence, sans dire un mot, et je mentirais si j'affirmais ne pas me sentir piquée à l'idée d'être aussi frontalement ignorée. Pour être tout à fait franche, je crois que j'aurais même préféré qu'il se moque ouvertement de moi. Mais je ne peux pas le lui reprocher. Après tout, je suis celle l'ayant blessé en premier.

Cependant, juste au moment où je désespère d'attirer son attention, je la vois. L'esquisse de son sourire mutin. Elle est si fine, si imperceptible, que j’en viens même à me demander si je ne l’ai pas imaginée. Il lutte alors de toutes ses forces pour réprimer ses émotions, regagnant instinctivement son masque de glace, mais c'est trop tard. Chahine a flanché et cet instant de vulnérabilité suffit à m'apaiser. Si on m'avait dit un jour que j'allais espérer ses railleries, je ne l'aurais jamais cru.

Alors qu'il se tourne vers le placard, se saisissant de ses affaires, je réalise qu'il s'agit du meilleur moment pour crever l'abcès. Je prends une profonde inspiration et sans réfléchir davantage, j'ouvre la bouche, prête à rompre ce silence qui dure depuis bien trop longtemps.

  • Chahine, je...

Mais avant que je ne puisse poursuivre, un brouhaha s'élève derrière moi. Les autres membres de l'équipe débarquent tous ensemble, faisant instantanément éclater la bulle fragile qui nous entourait, ainsi que mon espoir de réussir à me rattraper.

* * *

  • Alors, qui veut présenter aujourd'hui ?

Appuyée contre un pillier,

Monsieur Boukhobza nous jette un regard furtif.

Ambre lève spontanément la main, visiblement motivée.

  • Quel patient ?
  • Monsieur Sylla.

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