Chapitre 21 (EN COURS)

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Layla

J'incorpore une pincée de sel dans mes blancs d'œufs. C'est le dernier jour de stage des étudiants en deuxième année aujourd'hui et la tradition veut que nous organisions un petit pot de départ avec des gâteaux faits maison. Certains peuvent y voir un signe de soumission. Personnellement, j'y vois un geste de gratitude profond. Afin de remercier l'équipe de nous avoir accueillis dans son service, ainsi que pour la qualité de l'enseignement qu'elle nous a délivré.

Honnêtement, je suis la première à vouloir en témoigner. Lier la théorie à la pratique m'a non seulement permis de consolider mes connaissances, mais aussi de découvrir la relation incroyable qui lie un médecin à son patient. Je me souviens encore de chacun de leurs visages, de chacune de leurs mimiques et de ces habitudes qui les caractérisaient tant. Entre ce boulanger qui serrait toujours son bonnet entre ses mains, un cadeau de sa sœur décédée. Ou encore cette mamie retraitée qui appliquait sa crème à la lavande avec minutie et n'arrêtait jamais de se plaindre – à raison –, du goût infect de la soupe aux légumes qu'on lui servait.

Mais même si ces expériences resteront gravées, je crois que ce qui m'a le plus marquée, ce sont leurs sourires à chaque fois que je prenais le temps de discuter. Un simple échange de mots, de banalités pour moi. Un réconfort immense pour eux. Alors je l'ai réalisée. L'ampleur du bien que ma simple présence à leurs côtés pouvait procurer. Et je peux maintenant affirmer que je ne me suis pas trompée en la choisissant. Cette vocation de devenir médecin.

J'ajoute le mascarpone à mes blancs montés en neige à la perfection. Je ne suis pas la meilleure pâtissière du monde, mais s'il y a bien un dessert que je ne rate jamais, c'est le tiramisu. Pas la recette classique, cependant. Je sais que les puristes vont grincer des dents, mais j'aime le revisiter à ma façon. Fraises avec pistaches, caramel beurre salé et vanille, toutes les saveurs y passent avec moi. Parfois, j'ose même le matcha.

Je découpe soigneusement une mangue sur ma planche en bois. Un choix qui peut paraître anodin, mais qui en réalité ne l'est pas. Si je l'ai choisi, c'est parce qu'il s'agit de son fruit préféré.

J'avais déjà remarqué qu'il appréciait son odeur, notamment parce que son musc semblait toujours en contenir. Je me souviens alors lui avoir fait la réflexion une fois, durant un de nos éternels débats. Il m'avait dit que selon lui, la mangue était un de ces fruits nobles qu'il fallait apprécier seul et que sa saveur se retrouvait gâchée en dessert. Déterminée à lui prouver le contraire – parce que contredire Chahine fait partie de mes hobbies préférés –, je lui avais alors promis qu'un jour, je lui ferais goûter ma recette. Ce à quoi il avait évidemment rétorqué qu'il s'en passerait volontiers, car il ne souhaitait pas finir intoxiqué.

Un sourire nostalgique se dessine au coin de mes lèvres en repensant à ce moment. Je n'ai eu aucune nouvelle de lui, depuis l'incident. Après sa crise d'angoisse, il a subitement cessé de venir à l'université ainsi qu'en stage. Il a simplement posé un arrêt maladie sans spécifier une quelconque date de retour, alors que Dieu sait que même une pneumonie ne l'empêcherait pas de rater une occasion d'apprendre habituellement. J'ai essayé de le contacter par texto, mais il n'a pas répondu à mon message. Je crois même qu'il ne l'a pas lu car il n'y avait qu'une seule coche à côté, comme s'il était resté en envoyé sans jamais passer en reçu.

Face à mon inquiétude grandissante, j'ai tenté d'en savoir un peu plus auprès de Jasmine. Mais elle s'est avérée aussi perdue que moi. Elle m'a demandé si quelque chose s'était passé, si un événement aurait pu déclencher une telle réaction chez lui. Pour être franche, j'ai longuement hésité quant à ma réponse. Devais-je lui dire la vérité ? Chahine m'en voudrait probablement. Devais-je préserver son intimité ? Je deviendrais alors complice de sa potentielle mise en danger.

Finalement, après mûre réflexion, j'ai décidé de garder le secret. La relation entre Chahine et moi étant déjà suffisamment compliquée en ce moment, je n'ai pas voulu prendre le risque de l'envenimer. Est-ce que je vais finir par le regretter ?

Je secoue la tête pour me recentrer. Je monte les différentes couches du gâteau une à une, alternant entre la crème, les biscuits secs et les morceaux de mangue pour chacun des étages, avant de laisser reposer la préparation au frais. Maintenant, je n'ai plus qu'à espérer obtenir le résultat escompté. Tout en priant intérieurement pour qu'il soit présent à notre pot pour le déguster.

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