1.2.2 L'amoureux des mots
Pffff! On doit poireauter le temps que les années supérieures soient installées. Heureusement, Louise Nott discute avec moi pour me faire patienter. Elle me raconte ses vacances. Je ne l'écoute pas vraiment, mais ça me fournit une contenance, le temps de me calmer. Mon amie a visité la Grèce et elle me détaille chacune de ses journées. Je lui souris, elle m'a déjà tout écrit via de nombreuses lettres hebdomadaires de dix pages de long. Louise est une pipelette et son babillage incessant me distrait au plus haut point. J'adore cette fille, c'est une perle. Mais qu'est ce qu'elle parle!
J'observe en cachette ce drôle d'énergumène qu'est la fille du train. Elle baille et s'ennuie. Les fantômes ne lui font pas peur. Elle écoute distraitement le professeur qui explique la cérémonie du choixpeau. Son attitude est vraiment des plus bizarres. Elle est plutôt mignonne pour une sang-de-bourbe. Louise, me voyant détourner le regard d'elle, n'hésite pas à m'attraper la mâchoire et me gronde gentiment.
-Oh, tu m'écoutes Benoît ? Dis-le-moi si je t'ennuie, j'irais discuter avec mon autre meilleur ami.
- Mais non ma petite chérie. Je suis juste un peu fatigué et tu m'as déjà dit tant de choses dans tes merveilleuses lettres.
- Moque-toi de moi. Tu reluques la nouvelle plutôt. Bon, je te pardonne. Elle est charmante. Je peux te comprendre. Si tu veux, j'irai lui parler pour t'obtenir des informations.
- Ne t'occupe pas d'elle, petite fouine. Elle s'est pris le bec avec Oliver tout à l'heure. C'est pour ça qu'elle m'intrigue. En plus, c'est une sang-de-Bourbe, tu vas te salir. Elle va sûrement finir chez les Gryffondors, dis-je avec mépris.
Nous pouvons enfin entrer dans la grande salle. Sans surprise, mon cousin, Louise et moi devenons des Serpentards. Normal, on est les meilleurs. Cette cérémonie traîne en longueur. L'impertinente est bonne dernière. Il faudra qu'elle s'habitue. C'est la place des sangs-de-bourbe, à la traîne. Le choixpeau met des plombes à se décider. Il y a un souci. Je tourne la tête pour comprendre le problème. Le choixpeau est en train de se disputer avec la fille. Put.... Naise. Les yeux de la gamine sont trop flippants. Quatre couleurs. Œil gauche Violet en haut, rouge en bas, Œil droit vert en haut, noisette en bas. C'est dérangeant. Je me sens mal à l'aise. Un truc cloche. J'ai bizarrement le cœur qui s'affole, comme devant un danger.
- Tu a vu ? Ses yeux, ils sont effrayants, me chuchote Louise en me prenant le bras.
Notre directeur de maison, le professeur Bordial fait en sorte qu'elle vienne à Serpentard. Quelle honte. Une sang-de-bourbe. C'est indigne de notre maison, elle va la salir. Je ne comprends pas ce qui a pris au professeur d'accepter une telle ignominie. Il est pourtant un des meilleurs directeurs de Serpentard depuis des années, certains le comparant même pour son talent en potions à Severus Rogue en plus mignon. Je fais savoir à tous ceux qui m'entourent le statut de la donzelle.
Lorsqu'elle s'approche, j'ai réussi à ce qu'une grande partie des élèves la déteste déjà. Je continue de distiller mon venin durant le repas. Plusieurs Serpentards lui lancent des piques. Elle s'en fout royalement. Je dois au moins lui reconnaître ça. Elle est sûre d'elle et fière. Sur ce point, elle respecte Serpentard, même Louise remarque l'assurance de la nouvelle. La péronnelle se comporte avec dédain et suffisance, inébranlable aux critiques. Louise ricane et me murmure que la jeune fille agit avec prestance et allure, comme une sang pure de bonne éducation.
La nouvelle mange avec délicatesse, pour un peu, je croirais qu'elle va se mettre à lever le petit doigt en l'air pour boire son verre. Je la vois observer les tenues des filles de la salle et modifier légèrement ses vêtements. Au moins, elle maîtrise le sort de modification d'habits et sa tenue ne nous fera pas honte. C'est étonnant d'ailleurs qu'elle le connaisse alors qu'elle n'a eu personne pour lui apprendre.
J'écoute attentivement ses réponses aux rares questions qu'on lui pose. Elle ne se cache pas d'être née moldue, mais ne parle pas de ses parents. D'une voix neutre, elle annonce être orpheline. Elle répond poliment aux questions respectueuses sans montrer le moindre signe d'émotion. Avec classe, ce qui m'énerve encore plus.
Le préfet nous fait visiter l'école et les principaux bâtiments. Je suis impressionné par l'architecture des lieux. La bibliothèque remporte tous mes suffrages. Je n'ai jamais vu autant de livres. Je jubile comme un gamin dans un parc d'attraction. Je dois reconnaître que Louise est pour beaucoup dans ma bonne humeur. Cette fille a le don de me redonner le sourire. Elle se fiche d'ailleurs de moi et de mon côté rat de bibliothèque.
Les livres ont été très longtemps ma seule compagnie dans mon manoir lugubre peuplé d'adultes. Je m'évadais de ma prison avec les mots que je parcourais des yeux. Bien sûr, Bellatrix avait rempli notre bibliothèque de livres un brin ennuyeux soi-disant éducatif.
L'Histoire de la Magie qu'elle me revisita à sa façon pour glorifier Voldemort, des livres de potions d'une complexité rare, des recueils de sorts de magie noire, l'Histoire des Mages noirs et leurs exploits, roman secret connu uniquement des mangemorts, Bellatrix avait constitué la bibliothèque parfaite pour devenir un mage noir des plus savants. Elle avait amassé de nombreux ouvrages durant toutes ses années.
Ce qu'elle ignorait, c'est que j'avais trouvé une cachette, un double fond ou plutôt une pièce secrète que Bellatrix ne connaissait pas. La pièce avait été créée par un très lointain ancêtre et n'était accessible qu'aux porteurs de la chevalière Lestrange. Ce bijou se transmettait de Père en fils depuis des générations, bien avant le temps de la folle. Il était aussi ancien que le manoir, et Rodolphus n'en avait jamais parlé à Bellatrix ou à d'autres personnes et la consigne de garder cela secret a été respectée. Père aurait dû me transmettre le secret en même temps que la chevalière, toutefois, sa mort précoce l'en empêcha et le secret faillit se perdre.
Fort heureusement pour moi, nous avions notre fantôme familial, Sir Phillipe, qui me révéla la cachette merveilleuse. Bien que génétiquement les Lestrange sont tous morts avec Rastaban et Rodolphus, Sir Phillipe considère que nous portons le nom et que notre soif d'apprendre mérite récompense. Il a donc permis à mon grand père puis à Père et enfin à moi d'accéder à cette cachette.
Je découvris dans cette pièce des contes pour enfants, des romans d'aventures, des ouvrages moldus d'auteurs célèbres tels William Shakespeare ou Charles Dickens. Grâce à eux, mon esprit s'évada. Je frissonnai avec les Agatha Christie, je rêvais avec Lewis Caroll et j'appris la logique avec Arthur Conan Doyle.
Je découvris que certains ouvrages étaient dédicacés par leurs auteurs. Ils étaient si anciens. D'un temps où la haine des moldus n'avait pas encore dévoré ma famille. Les descendants du créateur de cette bibliothèque ont enrichi peu à peu ce lieu, mélangeant œuvres du monde magique et du monde moldu. Seul le talent en écriture importait. La soif d'apprendre et de s'enrichir intellectuellement était le seul moteur. Peu importe l'auteur tant qu'il est talentueux.
Et pour cela, il faut reconnaître que les moldus ont de très bons auteurs. Aucun Lestrange n'a été pris de la folie de détruire les ouvrages des non- mages, trop heureux de ce lieu privilégié, où fuir la pression familiale et se forger une opinion propre et non dictée par un endoctrinement familial. La diversité des ouvrages, la foule de livres sur un même thème permet de trouver une source d'informations et d'évasions incroyables.
La pièce était richement fournie d'ouvrages très variés. À chaque âge, je trouvais des romans qui me convenaient, des bandes dessinées et des contes de fées pour enfant, les livres que je choisissais devenait de plus en plus sombres et complexes au fur et à mesure que je grandissais. Enfermé seul dans ce manoir et livré à moi-même durant de longues heures, j'ai fini par lire chacun des livres et avant d'entrer à Poudlard, je commençais la relecture de certains.
Cette nouvelle source d'informations devant moi me rend si heureux. Je ne pense pas arriver à tout lire durant mes sept années d'études. Il existe peut-être un sort de lecture accélérée, il faudra que je me renseigne. Pendant que le préfet déballe son discours ennuyeux, je caresse du bout des doigts un ouvrage ancien en souriant. Je le saisis dans mes mains et touche délicatement les pages en respirant l'odeur de vieux papiers qui m'est si chère. Mon geste est surpris par la bibliothécaire, il me suffit d'un sourire ravageur pour la mettre dans ma poche.
On peut enfin aller dormir. Nous sommes réveillés le lendemain matin à l'aube par un cri de colère. Nous descendons tous dans la salle commune. Louise est là, à moitié endormie. Elle et Sarah, nous racontent que les dernières années filles ont voulu bizuter les premières années filles. En voulant jeter de l'eau froide sur les plus jeunes, elles se sont fait attaquer par l'eau de leur seau qui est devenue folle. C'est un chambardement. Les dernières années commencent à paniquer.
Je vois la sale sang-de-bourbe apparaître derrière un fauteuil. Un pyjama long en polaire, une mocheté blanche avec des licornes multicolore, la donzelle as une peluche de petit chat dans les bras. Quelle horreur. J'entends mon cousin se moquer, malheureusement, elle se fiche encore de lui avec brio. J'enrage, mais je dois reconnaître qu'elle semble avoir un cerveau et une langue bien faite.
Le professeur Bordial débarque et engueule l'affreuse licorne. Je ne retiens qu'une chose de leur échange. Une formule que je ne connais pas et que la moldue semble maîtriser « Aqua Sequi ». Le professeur sort des chambrées en colère. Nous observons tous la créature qui a commis ce méfait. Malgré les menaces de toutes les filles de dernières années, la licorne maléfique n'a guère peur. Elle les regarde avec amusement, voir un brin de mépris sans répondre. Je n'ai jamais entendu parler du sort qu'elle a utilisé. Il est puissant, hors de portée d'une première année, sang-de-bourbe de surcroit. J'enrage de ne pas le connaître. J'ai l'impression que cette fille cache des choses. Tiens, Maléfique, ça lui irait bien comme surnom.
Nous remontons nous habiller pour le petit-déjeuner. J'entends mon cousin pester. Maléfique se serait encore moqué de lui et il fulmine. J'avoue que ça m'amuse. Lorsque je redescends pour me rendre dans la grande salle, je croise la donzelle qui semble perdue.
- Alors Maléfique ? On cherche quelqu'un à tourmenter ?
- Bonjour, Votre Altesse brune. Non, je me suis juste perdue dans ce dédale d'escaliers et de couloir.
Je lui fais un grand sourire. Elle reconnaît mon sang supérieur. C'est une preuve d'intelligence. J'ai envie de jouer un peu. Alors je lui propose mon bras afin de la conduire à la grande salle. Elle accepte poliment et reste méfiante. J'essaye de la faire parler en jouant le joli cœur. Je me sais attirant. Apparemment pas à son goût, je fais les frais d'un recadrage poli, mais ferme.
Je suis stupéfait par son sens de la répartie et son aplomb. C'est bien la première fois que quelqu'un de mon âge me tient tête aussi fermement, à part peut-être mon cousin et Louise, les autres s'écrasent. Cette fille m'intrigue et m'inquiète en même temps. Le contact de sa main sur mon bras m'a donné un frisson. Son sourire parfaitement appliqué sur son visage durant notre discussion, me rappelle les femmes de haut rang, sauf qu'elles ont appris à se taire. Je suis déstabilisé. Je conduis néanmoins la jeune fille auprès de la bande à mon cousin.
Premier cours. Défenses contre les forces du mal avec les Gryffondors. Maléfique discute avec Alice Potter et Rodrigue Weasley. C'est la place d'une sang-de-bourbe, parmi les nazes de Gryffondors. Je me concentre sur ce cours. Il est important. Louise essaye bien de me parler, mais je l'envoie promener. Je ne supporte pas qu'on me dérange quand j'étudie. En milieu de cours, nous entendons un grand clac. Rodrigue vient de recevoir une baffe magistrale.
- Vous êtes aussi cons que les Serpentards.
Maléfique est furax. Elle s'éloigne des deux abrutis et va s'asseoir près d'Oliver pour la fin du cours. J'ignore ce qu'ils se racontent, mais en tout cas, elle sort toujours de mauvais poil de la salle de cours. Je décide d'aller chercher la bagarre avec elle.
- Alors Maléfique.... Comme ça, les Serpentards sont cons ? Tu as conscience que tu en fais partie ?
- Je n'ai jamais dit que je suis intelligente même si c'est le cas. Sur ce coup-là, les Gryffondors sont aussi idiots que les Serpentards. Il faut croire que je suis l'exception qui confirme la règle.
- Tu penses être mieux que nous ?
- Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Vous vous comportez tous comme de parfaits andouilles. Si j'en crois mon livre de l'Histoire de Poudlard, vous faites tous honte à vos maisons. C'est dommage.
- Et en quoi je fais honte à ma maison ? Parce que je te traite de sang-de-bourbe? Je ne fais que dire la vérité.
- Serpentard est synonyme de grandeur, de noblesse et de réflexion. La grandeur et la noblesse, ce n'est pas veiller sur les autres ? La réflexion, ce n'est pas se demander pourquoi une sang-de-bourbe a été choisie pour intégrer votre maison? Non décidément, Votre Altesse brune, vous me faites davantage penser au stupide Gargamel plutôt qu'à un sorcier respectable. Par contre, bon choix de surnom. Maléfique, elle a quand même jeté un sort méga puissant, juste parce qu'on lui a manqué de respect en ne l'invitant pas. Réfléchissez-y.
La chipie me tire la langue et part en courant. Elle vient de me clouer le bec avec panache. J'adore et j'enrage.
La chipie me tire la langue et part en courant. Elle vient de me clouer le bec avec panache. J'adore et j'enrage.
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