1.1.5 Jeux aquatiques

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Face à moi, dans la salle commune, Maeve tire un dossier de son sac. Mes notes de cours. Elle me les tend sans un mot. Maeve se retourne et part sans ouvrir la bouche. Machinalement, je feuillette mes notes. Elle a corrigé l'incantation que j'avais mal notée en cours de métamorphose. Une feuille ou plutôt une copie de livre est jointe. Ce n'est pas en anglais, mais en français.

Pourquoi donc m'a-t-elle copié une page de livre de magie en français ? Je tente de déchiffrer. Mon œil est attiré vers une formule.

- Aqua Sequi.

Je ne parle pas Français. J'essaye tout de même de saisir quelques mots ressemblants. Je comprends que la page en question traite de l'explication de la formule, mais rien de plus. Les autres vont se coucher un à un.

Seul dans la salle commune, je m'exerce avec la formule et le dessin du mouvement de baguette. De toute façon, je n'arrive pas à dormir. Je suis trop énervé. Travailler une nouvelle formule me détendra un peu. Je suis dans un coin de la salle commune, près du feu. J'arrive à faire sortir l'eau du verre, mais elle retombe aussitôt. Inlassablement, je reproduis les gestes, soulevant de plus en plus le liquide sans jamais parvenir à le faire quitter son écrin de cristal.

Deux heures plus tard, j'en suis toujours au même point et la fatigue me fait cligner des yeux. J'abandonne et me lève pour aller dormir. Je suis bien plus calme et espère que le sommeil viendra vite. Demain, j'ai prévu d'aller faire du sport avec mes potes Horace et Jamie. Si je veux les battre, je dois être reposé. Je m'apprête à vider le verre dans mon gosier avant de monter dans le dortoir.

Dans une dernière tentative, je murmure la formule. Le liquide sort du verre et me suit. Fier de mon exploit, je trottine dans la salle et la bulle me pourchasse à quelques centimètres, sans jamais me mouiller. Elle répond enfin, je cours presque dans la salle, esquivant les meubles en gardant ma baguette tendue pour maintenir le fluide dans les airs.

Soudain, l'eau se multiplie et se met à dessiner des formes. Un serpent, puis une couronne se succèdent pour laisser la place à un smiley qui tire la langue. Perplexe, j'essaye de comprendre les raisons de ce changement pour savoir les reproduire. Je suis sûr que je n'ai pas fait cela consciemment. J'entends quelqu'un qui rit, cherche des yeux l'importun qui se moque de moi.

- Lumos.

J'éclaire la pièce. Maeve est assise dans un coin et porte encore son uniforme Serpentard. C'est elle qui joue avec l'eau, me faisant croire à un pouvoir que je n'ai pas. Ma colère revient aussitôt. Elle me joue un mauvais tour et je n'ai pas l'intention de me laisser faire. Maeve va entendre ses quatre vérités, peu importe si je finis arrosé.

- Tu veux me tremper pour m'humilier comme les filles de dernières années ? Lui lançais-je d'un ton enragé.

- Non, je veux t'apprendre une nouvelle formule pour devenir plus puissant. Tu tiens mal ta baguette. Le mouvement de poignet doit être plus souple, plus fluide. C'est de l'eau que tu diriges, un fluide. Regarde, je te montre.

Elle parle doucement. Je la vois bouger sa baguette avec lenteur, comme si elle caressait l'air. L'eau suit le mouvement. C'est un ballet léger et doux, comme une vague qui vient et repart. Une danse du poignet, souple et sereine. Je me place à côté de Maeve et j'imite son balancement de poignet. Durant de longues minutes, nous bougeons comme deux automates synchronisés. La chorégraphie ressemble à celle de ces gens qui pratique le Taï Chi en version lente ou à un peintre qui ne veut pas laisser de traces de pinceaux.

L'eau se divise en deux. Chaque moitié se place devant l'un de nous. En me calant sur Maeve, je parviens enfin à diriger ma moitié. Cette fois, c'est bien moi qui contrôle le liquide en suspension dans les airs. Je souris, à la fois fier et fasciné par ce que je suis en train d'accomplir. J'ai l'impression de remplir un tableau. Maeve stoppe sa bulle et me laisse m'entraîner seul en me regardant sans aucune animosité.

- Si tu veux lui faire prendre des formes ou se diriger vers quelqu'un, tu dois l'imaginer dans ta tête. Il faut que tu visualiser la scène mentalement. Ferme les yeux et concentre-toi. Rouvre-les quand tu as ton image bien ancrée et essaye.

Elle me montre des formes simples. Une sphère d'eau, ronde comme un ballon s'agite devant mes yeux. Ensuite, le ballon s'écrase et forme un disque quasiment plat. Il regonfle pour prendre l'ovale parfait d'un ballon de rugby. Je suis hyper concentré et je parviens à reproduire les formes une par une, après avoir compris la transformation que le liquide opère sur la moitié de verre d'eau de Maeve.

Elle me fait voir des formes plus complexes et allonge le ballon de rugby pour qu'il devienne un serpent long et tortillant. J'ai besoin de m'y reprendre plusieurs fois, toutefois, je parviens à imiter mon petit canard. C'est d'ailleurs la seconde forme complexe que cette chipie fait apparaître, un canard qui caquète. Ma colère est totalement dissipée. Je ne pense qu'à apprendre ce nouveau sort si complexe. Je sens bien un peu de fatigue à force de me concentrer, je l'ignore, trop heureux de ce cours si particulier.

Je tente de créer de nouvelles formes. Un bel oiseau avec d'immenses ailes vole à travers la salle commune. Pour l'instant, je n'arrive pas à multiplier l'eau et quand je manque de matière pour une de mes créations, Maeve s'occupe d'ouvrir le robinet. Je m'amuse comme un gamin. Un avion décolle de ma main pour rejoindre l'oiseau, puis un dragon et ils effectuent des figures de voltiges sous mes yeux ébahis. Je n'en reviens pas de ce que je parviens à réaliser.

Je me concentre davantage et visualise la construction d'un château, brique par brique. En miniature, avec le filet d'eau continu en provenance de Maeve, j'assemble mon bâtiment, rajoutant de plus en plus de détails et le faisant grossir pour occuper quasiment toute la pièce.

Nous sommes au milieu de la cour d'un mini Poudlard. Je respire calmement et des hiboux de la taille d'un petit-pois s'envolent du nichoir. Le spectacle est magnifique. Je sens que c'est moi et uniquement moi qui contrôle la masse aquatique.

Maeve regarde, cependant, elle n'intervient pas. Elle reste silencieuse et pensive devant ma joie. Je me demande ce qui lui traverse l'esprit en ce moment. Je repense à notre grosse dispute de la semaine dernière. Quelqu'un savait t'il où elle était ? Quelqu'un s'en est t'il préoccupé ? Je me sens mal à cette idée, coupable de ne pas m'être renseigné. Une heure ou deux de disparition, ce n'est rien, mais une semaine, c'est beaucoup.

À force de me perdre dans mes pensées moi aussi, j'en perds le contrôle de mon eau et rattrape de justesse le liquide qui était en train de s'effondrer, avant qu'il ne trempe les fauteuils ou n'éteigne le brûlant foyer qui réchauffe les dortoirs des Serpentards. Nos amis seraient furieux s'ils se réveillaient transis de froid et le préfet chercherait le coupable pour une punition exemplaire.

Quelques créatures aquatiques se montrent aux fenêtres, elles tentent de voir à l'intérieur en utilisant la lumière du feu. Les vitres sont troubles et ne laissent passer que la lumière dans ce sens. C'est le préfet qui nous l'a expliqué le premier jour. Nous pouvons voir le fond du lac, eux ne peuvent pas nous voir.

Je me questionne. Les créatures sentent d'elle la présence d'eau en forte quantité ? J'en doute. Elles semblent nombreuses toutefois. Bien plus nombreuses que les autres nuits où je reste dans la salle, en proie à une insomnie. Je devine leurs formes derrière les vitres troubles.

Soudain, l'eau de Maeve prend la forme de son visage et la taille de son corps. Elle a créé un double d'elle-même liquide qui me tire la langue. Sa création explose et je suis trempé. Le temps que je me remette de la surprise, Maeve a disparu. Je prends l'escalier des filles, furieux de nouveau. Tant pis si le préfet râle, les garçons n'étant pas censés aller dans le dortoir des filles la nuit, je veux lui renvoyer l'eau au visage. Je trouve sa chambre, c'est la même que celle de Sarah.

Les filles dorment sauf Maeve qui est assise sur son lit et sourit. Elle a une boule d'eau dans la main. Je vois les gouttelettes s'échapper de mes vêtements et venir grossir sa boule. Je suis séché en quelques secondes, il n'y a que ma coiffure et mon amour-propre qui ont souffert de l'agression.

Maeve remet l'eau dans le verre à côté d'elle. Elle se lève en silence et passe à côté de moi, me frôlant pour me bousculer et me faire sortir. Elle regagne la salle commune. Maeve se place devant la cheminée.

- Ça fonctionne pour tous les fluides. Eau, huile, air, feu.

Maeve fait danser les flammes et reproduit les mêmes formes que tout à l'heure avec l'eau. Elle étouffe le feu puis le ravive. Elle se tourne vers moi et je sens mon cœur battre plus fort. Ma tête vacille. Mes mains deviennent blanches. Tout redevient normal en quelques secondes. Je regarde Maeve qui n'a pas bougé et qui m'observe d'un air curieux.

- Tous les fluides se maîtrisent avec cette formule, y compris le sang. Tu te rappelles la première fois où on s'est vu ? Je vous ai dit que j'avais la magie qui déconnait parfois. La semaine dernière, elle a buggé grave. Je perds le contrôle quand je m'énerve. Je suis dangereuse quand je me mets en colère. Tu as le don de me mettre en colère et de me faire perdre mon calme. Je m'excuse de t'avoir projeté contre un mur. Je ne voulais pas te faire du mal. Tu es l'un des rares élèves qui me parle ici et me traite comme une égale. Comment fait tu pour maîtriser ta magie quand tu t'énerves ? Je.. N'y arrives pas. J'ai peur de faire du mal à quelqu'un un jour.

- Je n'en sais rien. Je n'y ai pas vraiment réfléchi avant. Ma baguette. C'est celle de mon arrière-grand-père Drago. Quand je la touche, je repense à lui. Ça m'évite de faire des conneries, je crois. Je pense à lui et à ma famille, à ce qu'ils penseraient de moi. Je songe aux répercussions que mon acte aurait pour eux, la honte que je leur ferais ressentir.

- La famille... Alors c'est ça le secret. Je comprends mieux pour quoi j'ai autant de mal.

- Tu sais, si un jour, tu as besoin de te confier sur ta famille et ses horreurs, je serais là, comme ce dimanche où tu m'as écouté si sagement. Je te promets de ne pas te juger. Quand je t'entends parler parfois, avec ta voix prétentieuse et ton vocabulaire précieux, je me dis que tu dois venir d'une famille moldue noble, une famille bourrée de principes comme la mienne.

- C'est cela le problème, Oliver. Je n'ai pas de famille. Aucun parent à qui faire honneur. Je suis orpheline. Je n'ai que mon petit chat, murmure Maeve en agitant sa peluche.

Je tends la main vers sa joue pour essuyer la larme qui vient d'apparaître. Maeve me sourit puis s'en va. Je ne la suis pas. Je suis troublé de cette discussion. Elle s'est confiée à moi. Ses pouvoirs sont bien plus puissants que je ne le pensais. Ils sont effrayants. Je saisis mieux pourquoi elle est mal à l'aise en permanence. Même ici, ses pouvoirs font peur. La dernière personne qui avait de telles forces à onze ans, c'était Voldemort.

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