Tom manqua de s’égarer dans le regard incendiaire de la blonde qui le fixait depuis quelques instants déjà. Il n’y avait qu’une bombe pour faire autant d’étincelles avec ses yeux, songea-t-il. Se souvenant du livre à page unique entre ses mains, il se prit alors à se demander si l’histoire perdue de son tome trois était de type « romantique » ; auquel cas, il fallait à tout prix qu’il ramenât ce personnage avec lui.

 Mais la demoiselle ne semblait pas faite pour ce genre d’intrigues :

— Tu n’es pas d’ici, remarqua-t-elle, perspicace.

— Non, répliqua Tom.

 Il fut aussitôt émerveillé par ce premier mot qui sortait de sa bouche. Sans même s’en rendre compte, il venait de donner naissance à du vocabulaire ; il avait transcendé son point de départ et généré une parole par le pouvoir de sa force créatrice… En avait-il le droit ? Une angoisse suivit son allégresse passagère :

« Non ».

 Voilà à quoi il avait gâché son don du verbe. Parmi tous les mots existants, il avait fallu qu’il choisisse celui-là. Quelle déception, quelle ignominie !

 Il était un échec.

— C’est l’aigrefin qui t’envoie ? reprit la jeune femme en plissant le bleu turquoise de ses iris.

 Tom tenait une nouvelle chance de donner de la réplique. Cette fois, il ne fallait pas qu’il la rate ; il devait trouver des mots capables de l’élever, d’inspirer le monde autour de lui… C’était une pression immense qui reposait sur ses épaules inconséquentes !

— Callipyge, toussa-t-il, à court d’idées.

 Face à l'immensité du vocabulaire offert à son nouveau don, comment choisir un terme plutôt qu'un autre ? La jeune femme n’eut pas l’occasion de réagir au fiasco de cet aléa verbal : un ouragan se déchaîna soudain sur l’horizon, plus trouble que le manteau des pires pluies du déluge.

— Une tempête de poussière, murmura-t-elle.

 En d’autres termes, il s’agissait de l’élément déclencheur et déchaîné qui pointait le bout de son museau.