Chapitre 16

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Les vacances approchaient. Mais avant, il fallait réviser pour les partiels qui avaient lieux le 15 du mois de Décembre. Nous étions le 10, et je n’avais même pas commencé. J’avais la tête complètement ailleurs. Alors Margot me proposa une séance intensive de révisions avec Marco et Adrian à la bibliothèque universitaire. Ce que j’accepta immédiatement. Cela ne pouvait pas me faire de mal. Je prenais l’avion dans 10 jours pour voir ma famille. J’avais tellement hâte que j’avais prévu de remplir ma valise de souvenirs du marché de Noël qui se tenait sur la grande place de Strasbourg. Mais je n’avais prévu d’y aller que le 19. Et le 19 au soir, Adrian organisait une petite soirée à sa coloc pour fêter la fin des partiels.

Concernant les partiels, je me retrouva donc à la bibliothèque, en train de réviser à fond sur les fiches de révisions que Margot avait faites. Les matières étaient tellement diverses que j’avais du mal à me concentrer, encore plus avec les deux guignols qui se fichaient parfaitement des partiels et qui s’amusaient à s’envoyer des boulettes en papier.

Lors du jour des premiers partiels, je stressais. À fond. Je devais réussir pour montrer à mes parents qu’ils n’avaient pas investi tout cet argent pour me voir échouer. Ils faisaient tellement pour moi, ils me suivaient toujours dans tous mes plans, aussi foireux soient-ils. Alors, quand je leur avait fait part de mon envie d’aller étudier en France, ils n’avaient pas pu refuser.

Les partiels s’enchainaient. Pendant trois jours, c’était non-stop. Le 18, à 17h quand je sortis de mon dernier partiel de biologie cellulaire je ressentis un poids s’enlever de mes épaules. J’avais donné mon maximum pour ne pas passer au rattrapages. J’attendais Margot, assise sur un banc, mes béquilles toujours à la main, pour pouvoir aller faire un tour au marché de Noël acheter mes cadeaux. Elle partait demain matin pour Paris. Alors nous avions convenu d’un dernier rendez-vous pour fêter le début des vacances de Noël. Nous avons acheté des pains d’épices. Et comme de vraies touristes, nous avons visité les différents stands. J’ai observé avec attention chacun d’entre eux. Et les sculptures en bois lumineuses m’avaient tout de suite plues. Pour ma mère je savais déjà que j’allais lui ramener des santons pour sa crèche de Noël. Elle en avait une incroyable collection. En rentrant ce soir-là, j’étais contente. J’avais mes cadeaux pour tout le monde.

Le lendemain, j’appela Kay pendant que je me préparais pour aller à la soirée d’Adrian. Je lui raconta comment s’étaient passés mes partiels, et elle les siens. Dans l’ensemble cela s’était bien passé pour nous deux. J’en étais encore plus contente. J’avais déjà mon cadeau pour elle et je le ferais expédier chez elle pour qu’il arrive le jour de Noël. J’avais vraiment hâte qu’elle l’ouvre et qu’elle m’appelle.

À 18h, je raccrocha avec Kay, qui me fit promettre de ne pas boire de trop, et essaya de sortir de chez moi, mais une échelle était posée devant ma porte, m’empêchant de sortir. Je dû donc attendre 30 minutes que les ouvriers partent pour sortir de chez moi. J’arriva sur la grande place principale où se trouvait le grand sapin illuminé. Et bifurqua dans la rue principale où se trouvaient tous les stands du marché de Noël. Ce fut à ce moment précis que j’entendis un premier coup de feu. Puis un deuxième. Mais à cet instant, mon instinct ne me dis pas d’aller me cacher, il me dit d’aller voir ce qu’il se passait. Un peu plus loin, à peine 100 mètres, un homme avec une arme faisait feu au milieu des passants. Mon téléphone vibra et mes écouteurs annoncèrent un message d’Adrian me disant de ne pas sortir de chez moi ou d’y rentrer immédiatement car des coups de feu avaient été annoncés dans le centre ville aux informations. Mais je continuais d’avancer. Un geste suicidaire me direz vous. Cependant je ne voulais pas fuir. Surtout pas alors que des gens se faisaient tuer. Je devais essayer de les aider.

La peur. Mon corps tout entier tremblait alors que j’étais face à ce tueur. Il me regardait droit dans les yeux, son arme pointée sur moi, et à ce moment-là, je ne redoutais pas la mort. Je redoutais de ne pas avoir eu l’occasion de dire au revoir à Kay et à ma famille correctement. Les corps jonchaient le sol, et je pouvais voir le sang couler, jusqu’à mes pieds. La peur. Non, je ne devais pas montrer ma peur, j’étais forte. Je devais aller jusqu’à la soirée d’Adrian. Et faire comme si de rien n’était. Pourtant, mon téléphone qui ne faisait que de vibrer me disait le contraire. J’entendais un coup de feu. Je ferma les yeux. C’était la fin. Pourtant, ce fut un homme, la trentaine d’année, qui s’écroula à côté de moi, une balle dans l’abdomen. Il se vidait de son sang. Je m’agenouillais à côté de lui et tenta de faire pression sur la blessure. Mais il y avait bien trop de sang. Mais que faisaient les secours? Les secondes paraissaient être des heures. Et personne ne venait nous sauver.

Un mouvement de foule m’emmena jusqu’à un magasin, j’essayais de trainer le corps de l’homme avec moi, mais les gens m’entraînaient vers l’intérieur d’un commerce, où nous essayâmes de nous mettre à l’abris, déplaçant les tables et les chaises vers les entrées. Pour l’empêcher d’entrer. Un autre coup de feu. Quelqu’un venait sûrement de perdre la vie. Encore. C’était trop. Je sentais la crise d’angoisse monter, mais je la refoulais. Ce n’était pas le moment. Ni l’endroit.

Enfin, après ce qui me sembla des heures, j’entendis des alarmes de police et d’ambulances. Ça y est, c’était fini. Enfin du moins c’est ce que je pensais.

En sortant de ce commerce, du sang plein les mains, la première chose que j’aperçu fut le corps de l’homme que j’avais tenté de sauver. Une bâche blanche le recouvrait. Mais je savais que c’était lui. Une dizaine d’autres bâches jonchaient la rue principale. Et je ne savais pas s’il y en avait à d’autres endroits.

La police vint nous interroger, un par un, pour avoir une description du tireur. Ne l’avaient-ils pas appréhendé? Apparemment non. Il courrait toujours dans les rues de Strasbourg. À l’heure qu’il était, il pouvait être n’importe où, même à proximité de chez toi. Quand une policière me guida vers une tente où les témoins pouvaient être pris en charge, je pris la fuite. Je n’avais pas envie d’en parler. Je n’étais pas faible. Et je rentra chez moi. Tant pis pour la soirée d’Adrian. Une fois arrivée chez moi, je vis des dizaines d’appels en absence de mes parents, de Kay et d’Adrian. Ainsi que des messages de connaissances qui savaient que j’étais à Strasbourg. Je rappela mes parents en premier pour le dire que tout allait bien. Que j’étais confinée chez moi et que je n’avais rien vu. Je ne voulais pas les inquiéter pour rien. J’envoya un long message à Kay, lui expliquant la même chose, et répondis à Adrian en lui disant que finalement j’étais rentrée chez moi, que je n’avais pas la tête à faire la fête. Je partais demain pour Dallas. En m’enfermant dans la salle de bain pour prendre ma douche, c’est là que la réalité me rattrapa. Et la crise d’angoisse commença. Incontrôlable cette fois-ci. Je n’arrivais plus à sortir de la douche, l’impression que l’individu était entré chez moi pendant que j’étais enfermée dans la salle de bain. Il t’attend sûrement bien sagement pour te tuer. La voix dans ma tête refusait de se taire. Je me griffais les jambes, le plus fort que je le pouvais, faisant couler le sang, pour essayer de revenir à la réalité. Pourquoi de toutes les maisons de Strasbourg aurait-il choisi la tienne pour se réfugier?

Je rassembla tout le courage qui me restait pour sortir de cette salle de bain. Personne dans mon petit studio. Mais le volet claquant contre la fenêtre me fit sursauter. Il n’y avait personne. J’entrepris de faire ma valise. Partir d’ici quelques temps me ferait le plus grand bien. Et j’avais hâte d’offrir mes cadeaux. Noël était une période très importante pour moi. J’aimais me retrouver avec ma famille autour d’un bon repas de ma mère pendant que nous nous échangions nos cadeaux. Évidemment, je ne ferma pas l’oeil de la nuit. Trop absorbée par les journaux d’informations qui parlaient de l’attentat. Un attentat. Je n’avais pas réussi à mettre le mot dessus avant cet instant.

Mettant cette information de côté dans mon cerveau, je me préparais pour rentrer chez moi. Il était déjà 6h du matin. Mon avion décollait à 9h, je devais me dépêcher. J’appela un Uber, et eu beaucoup de mal à en trouver un, suite aux événements de la veille, personne n’était en état de travailler. Après 30 minutes, je finis par en trouver un.

Il essaya de me parler des attentats, mais je ne répondis pas. Je n’avais pas envie d’en parler, je voulais juste oublier.

Une fois dans l’avion, je m’autorisai à fermer les yeux. Mais au bout de quelques instants, des images apparaissaient devant mes yeux, me faisant sursauter et m’attirant les regards foudroyants de ma voisine. Alors je me suis contentée de regarder par le hublot tout le temps du trajet.

Ces 18 heures de vol furent un enfer. Mais j’avais tellement hâte d’arriver. Je n’avais pas pris mes béquilles pour montrer à mon père que je faisais des efforts. J’étais prête pour Noël! Même si le premier loin de Kay depuis un certain temps allait me faire tout drôle.

Une fois arrivée à l’aéroport, je récupéra ma valise qui pesait au moins dix tonnes, et me dirigea vers la sortie. Que c’était bon d’être de retour à la maison! Entendre parler anglais m’avait manqué. Une fois devant la sortie, je regarda autour de moi ce paysage si familier. Mais ne vit ma mère nul part aux alentours. Elle devait pourtant venir me chercher et elle était plutôt du genre à être en avance qu’en retard. J’alluma mon téléphone et chercha son numéro quand je reçu un message.

“Regarde à gauche.”

Tournant ma tête lentement vers la gauche, je vis Kay. Tout se passa comme dans les films, au ralenti. Je lâcha ma valise, et couru la prendre dans mes bras. Je la serra si fort que j’eu la sensation de la sentir disparaitre dans mon étreinte.

“Tu es bien là.” Chuchotai-je. Ce n’est pas un rêve.

Elle rit. Son rire est vraiment la plus belle chose de cette terre. Je me mis à rire avec elle avant de la regarder intensément. De ses yeux à sa bouche, mes yeux faisaient un yoyo, jusqu’à ce que je décide de prendre les choses en mains cette fois-ci, et de poser mes lèvres sur les siennes. Ce baiser était aussi magique que celui de mon départ. Je la regardai et l’embrassai encore et encore. Je ne pouvais plus me passer de cette sensation. Je la voulais toute entière.

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