La fin des haricots
Postée à ma fenêtre, je regarde les gros flocons s’écraser et disparaître sur le bitume en pensant à tout ce que j’ai à faire ce dimanche et à tout ce que j’aimerais faire vraiment.
Tomber en amour, ça me plairait bien.
Sur sa chaise, C. se plaint de son chauffage tombé en panne, me remercie de l’accepter dans « ma bulle », dit que c’est la fin des haricots si elle doit changer sa chaudière, puis marmonne que plus personne à part les deux gamines d’en haut ne dit « la fin des haricots » de nos jours, puis demande mon autorisation pour allumer une cigarette. Je dis non mais elle l’allume quand même en s’excusant mais bon voilà, elle essaye de s’y remettre pour soutenir très prochainement un ami qui envisage d’arrêter… Il en parle beaucoup en ce moment… donc si je suis capable de comprendre que son geste est purement altruiste…
Je pense qu’elle est folle et que j’aime les fous.
Des notes de piano échappées de la radio se soulèvent pour la faire taire. Elle dit « Oh ! tu te souviens de cette chanson ? Je me suis mariée deux fois par amour pour cette chanson… »
Elle dit ça et puis c’est le silence.
Le silence et la musique.
Et le froid par la fenêtre ouverte.
J’ai besoin d’air.
J’ai chaud. J’ai froid. Ça pue. J’étouffe. M’assieds sur le marchepied devant le radiateur.
Et me dis que moi, je ne me suis jamais mariée et que c’est étrange, oui, vraiment très étrange, car je passe ma vie à tomber amoureuse de tout et de n’importe quoi. Là, c’est cet air froid qui s’enroule autour de mes bras découverts qui me rend heureuse.
Amoureuse.
À quand ça remonte la dernière fois où j’ai été amoureuse ?
Amoureuse d’un fou, j’aimerais bien…
C. écrase sa cigarette et dit « C’est quand même dégueulasse ! »
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