Ça y est: une nouvelle semaine commence. J'aime ça, les débuts. Le jour vient de se lever et un rayon de soleil hivernal fait danser la poussière de la pièce. Il faudrait que je nettoie la maison de fond en comble. C’est une idée comme une autre : me donner corps et âme aux tâches ménagères. Ne plus vivre que pour cette lutte incessante contre la saleté.

     Frotter.

     Astiquer.

     Récurer.

     Dégraisser.

     Aspirer.

     Purifier.

     Lustrer.

     Me sentir sale et couverte de sueur d’avoir tant briqué.

     Avoir une occupation.

     Un but. Toujours le même. Tenir propre ce minuscule morceau d’univers qui m’appartient.

     Mon domaine. Mon royaume. Mon Humanité à moi.

     J’ai froid. Je bois par petites gorgées du café brûlant. Je ferme les yeux. Me sens reine. Reine de trois étages qui risquent de s’écrouler bientôt si je ne trouve pas quelques dizaines de milliers d’euros pour lancer les travaux de rénovation.

     Pour me sortir de mes pensées, C. – qui a toujours une question d’intérêt général à poser à huit heures du matin et dans l’urgence - me demande mon avis sur les boîtes de nuit. Elle dit « Tu te souviens ? Quand on était jeunes ? Ce qu'on a pu s'amuser! » Le téléphone sonne dans le hall d’entrée. Je me lève pour aller répondre en lui rappelant qu’une vingtaine d’années nous séparent et que donc non, je ne me souviens pas l'avoir croisée dans une boîte de nuit, ce qui manifestement la contrarie. Elle hausse les épaules, sirote sa bière.

     Je dis "Allô, allô?"
Au bout de la ligne, personne.

     Je raccroche et sursaute quand la sonnette retentit. J'ouvre la porte. Une petite femme sans âge me dit "Bonjour, je viens pour l'annonce". Je dis "Quelle annonce?" et C. éclate de rire. J'ai beau avoir vingt ans de moins qu'elle, je n'ai vraiment aucune cervelle!
Elle a sans doute raison. Où sont mes petits?