Ich bin eine Kartoffel

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Depuis deux jours, mes poumons sont en feu. J’ai fumé un paquet de cigarettes l’autre soir après le départ de Fred. J’étais énervée. Il dit qu’il est mon ami mais il ment. Tout le monde ment.

C. ment.

Je mens.

La petite boulangère aussi.

Pour me nettoyer, je suis allée courir ce matin le long du fleuve jusqu’au pont Albert 1er noyé de soleil, puis j’ai retraversé le Boulevard Frère Orban, passé rue Paradis, celle des Vingt-deux. Malgré les terrasses toujours fermées, la ville était noire de monde. Les beaux jours sont arrivés au grand galop et ça tombe bien parce que la chaudière est en panne. Pendant mes foulées, je pensais « J’ai besoin d’argent », je pensais aux gamines qui ne paient pas pour vivre dans un igloo. Elles sont rentrées hier soir, comme prévu, ramenées de la gare des Guillemins à la maison par Antoine-le-petit-prince-en veste-moutarde. Elles m’ont tout raconté : l’auberge, les cours, les visites d’entreprises, m’ont aussi appris à dire « je suis une pomme de terre » en allemand. Comme à leur habitude, elles ont parlé en même temps, m’ont taquinée pour les larmes d’émotion que je retenais, m’ont aussi serrée bien fort dans leurs bras. Je suis si heureuse qu’elles soient revenues !

Jamais si je pouvais, je ne les laisserais partir. Il faut que ça cesse, tous ces gens qui s’en vont, qui promettent de revenir mais qu’on ne revoit jamais. C’est pour ça que je n’ai pas laissé mes petits garçons s’en aller. Je savais qu’on me mentait et qu’ils ne reviendraient pas alors je les ai gardés auprès de moi.

Je voudrais, oui je voudrais tellement que la vie dure mille ans avec eux à mes côtés.

Je cours.

Je cours pour allonger le temps.

Pour qu’il n’emporte rien.

Et qu’il retienne son souffle.

Que notre vie à trois soit une fête.

Je cours avec un grand sourire dans le cœur pour me donner de l’élan. Je pense, j’espère, je rêve que notre vie va durer mille ans. Mes baskets tapent le bitume, je traverse au feu après la rue Paradis que j’ai reprise dans l’autre sens, grimpe sur la passerelle en bois, allonge mes pas dans la montée. Malgré la nicotine, je suis satisfaite de ma cadence. Et là je m’arrête. À gauche, une péniche qui glisse vers les Pays-Bas, à droite le pont de Fragnée et ses anges dorés. Devant moi, tout en bas de la passerelle, là où elle rejoint l’étang du parc de la Boverie, je reconnais C. habillée avec mon manteau beige et mon bonnet noir et tenant au bout de chaque bras un de mes petits. Je crie « Coletteeeeeeeeee », reprends mon élan mais il y a trop de monde. Je cherche, tourne, cherche. Ils ne sont plus là. J’ai dû me tromper.

Une bourrasque agite la passerelle. Je me dis que c’est le Temps qui vient de souffler un grand coup et je repars sur mes pas.

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