Inaya recula d’un pas vif.

« Oh mon dieu, est-ce qu’il a tout entendu ? » pensa-t-elle.

Aaron ne rétorqua rien. Il se contenta de fixer la jeune étudiante déconcertée par la situation.

« Purée, pourquoi il parle pas ? Attendez, me dîtes pas qu’il compte régler ça au corps à corps ? »

Inquiète, Inaya se mit à adopter une position de défense, comme prête à recevoir des coups.

« Ok… Je sais que c’est pas cool ce que j’ai dit, alors tu peux y aller. Je sais me battre !

-Inaya qu’est-ce que tu fais ? s’exclama Arya, désespérée.

-Reste en dehors de ça Arya, c’est ma responsabilité ! »

Le garçon déposa alors son sac au sol et s’avança près de son interlocutrice.

« Il va vraiment oser se battre avec une frêle fille comme moi ? pensa Inaya. Décidément, les hommes sont tous les mêmes… »

Il s’approcha davantage, sans rien dire, ce qui rendit l’atmosphère encore plus inquiétante. Inaya, bien qu’apeurée, ne détournait pas son regard. Elle tenait à l’affronter fièrement jusqu’au bout.

Alors qu’il se tenait à seulement quelques centimètres d'elle, Aaron s’abaissa soudainement pour lui murmurer à l’oreille.

« Qu’est-ce que tu fais ?! demanda-t-elle, surprise.

-Me traiter de stalker alors que tu connais mon prénom et que tu parles de moi à tes copines, c’est un peu ironique tu trouves pas ? »

Le rouge monta aux joues d’Inaya.

« Que… qu’est-ce que tu racontes ?! Tu te fais des idées ! » bégaya-t-elle.

Elle tenta de se justifier, en vain. Aaron ignora royalement ses explications et reprit son sac, avant de tourner les talons.

Inaya, quant à elle, venait de perdre toute sa crédibilité en seulement quelques secondes.

« Bon sang, je le déteste ! cria-t-elle.

-Faut avouer que t’as pas été tendre avec lui… répondit Arya.

-Je sais… »

Les deux amies discutèrent rapidement de ce qu’il venait de se passer.

« Je le connais pas, reprit Arya, mais j’ai pas l’impression que ce soit quelqu’un de méchant.

-Quoi ?! Comment tu peux dire ça ?!

-Y a qu’à regarder sa réaction…

-Qu’est-ce que tu veux dire ?

-T’as littéralement cassé du sucre dans son dos sans mâcher tes mots devant lui, et pourtant il s’est même pas emporté… Crois-moi, ça aurait été Zayn par exemple, ça se serait pas passé comme ça !

-Tu m’étonnes. »

Néanmoins, la remarque d’Arya ne laissa pas Inaya indifférente.

« Au fond, elle a pas tort, pensa-t-elle. J’avoue que même moi, je m’attendais à ce qu’il me traite de tous les noms comme n’importe quel garçon l’aurait fait… Est-ce que je suis allée trop loin ? »

La discussion close, les deux amies se dirigèrent vers leur bâtiment afin d’assister aux travaux dirigés du jour. Au programme, de l’éthique et de la psychologie.

« Oh, j'ai la flemme… se plaignit Arya. »

Une fois les étudiants installés dans l’amphithéâtre, le cours débuta. La professeure, plutôt jeune, était une psychologue spécialisée dans les relations humaines et leur développement.

« Aujourd’hui, on va parler de la dépendance affective !

-Lourd ! s’exclamèrent des élèves.

-Concrètement, on peut reconnaître la dépendance affective à partir de symptômes. De la jalousie excessive, un manque d’estime de soi, une autonomie inhibée…

-Faut vraiment avoir un souci pour dépendre sentimentalement d’un gars… chuchota Inaya.

-Oh Inaya arrête ! répondit son amie. T’as jamais été amoureuse, tu sais pas à quel point ça peut être douloureux pour certaines personnes.

-D’accord, d’accord… de toute façon ça me concerne pas vu que ça risque pas de m’arriver. »

Alors que le cours filait, la jeune fille désintéressée s’abandonna à ses pensées.

« N’empêche cet Aaron, j’avoue qu’il m’a surprise. J’ai été insupportable avec lui sans raison, et il a même pas tenté de me menacer avec la scène de l’arrêt de bus… »

Sans s’en rendre compte, elle se mit à ressentir une pointe de culpabilité.

« Sérieux, est-ce que je devrais aller m’excuser ? » se questionna-t-elle intérieurement.

Elle secoua vivement sa tête pour reprendre ses esprits :

« Non Inaya, tu joues à quoi ? S’il a pas pété un câble, c’est qu’il en avait rien à cirer, donc aller s’excuser servirait à rien de toute façon !

-Inaya tu vas bien ? demanda Arya, la tirant de ses rêvasseries.

-Ah, oui désolée… J’étais en train de cogiter…

-Cogiter ? Hm, ça te ressemble pas pourtant…

-Laisse tomber, c’est pas important ! »

Les heures de l’après-midi se déroulèrent sans encombre.

« Les cours sont enfin finis ! s’écria Arya, heureuse.

-Ouais, c’est passé plutôt vite je trouve.

-Normal, t’as rien suivi !

-Quoi ? C’est pas vrai ! »

Les deux filles se dirigèrent vers la sortie du campus.

« Tu veux aller au café ? demanda Arya.

-Je peux pas, hier j’ai vraiment rien foutu, faut que je rattrape quelques trucs !

-D’accord, comme tu veux ! On se voit demain alors !

-Bisous ! »

Inaya se retrouva alors seule.

Alors qu’elle tenta de rentrer chez elle, elle ne put s’empêcher de repenser à ce qui s’était passé au restaurant japonais.

« Non vraiment, je veux pas qu’il croie que je suis sa groupie. Et si je passais par l’arrêt de bus de l’étang pour rentrer ? Ça me ferait juste un petit détour… »

Elle n’eut même pas le temps de prendre sa décision que ses pieds la dirigèrent vers ce chemin.

« Si j’le croise, tant mieux je clarifierai la situation… Sinon tant pis ! »

Au fur et à mesure qu’elle avançait, elle devenait inconsciemment anxieuse.

« Euh, si je le croise vraiment, je sais même pas comment je vais me justifier… Attends Inaya, au pire ça fait quoi ? Pourquoi est-ce que je me prends autant la tête ? Ça me ressemble pas ! »

Après quelques minutes, elle finit par arriver au dit endroit. Le ciel était dégagé, laissant entrevoir la route merveilleusement illuminée face à l’étang aux nénuphars.

Elle s’avança avec appréhension vers l’arrêt de bus, vide.

« En même temps, je m’attendais à quoi ? » pensa-t-elle.

Elle éprouvait une cascade de sentiments qu’elle n’avait jusque-là jamais ressentis : une pointe de soulagement, entremêlée d’une légère déception et de curiosité.

« Bon, plus qu’à rentrer. »

Alors qu’elle était sur le point de faire demi-tour, elle bouscula un garçon.

« Oh, pardon ! s’exclama-t-elle.

-Encore toi ! rétorqua son interlocuteur, en gloussant. »

Sa voix lui était familière. Elle leva la tête, les yeux écarquillés :

« Aaron ?! (Elle se tut.) Euh je veux dire, l’inconnu de l’arrêt de bus ! »

Il se mit à pouffer de rire face au comportement de son interlocutrice.

« C’est bon, j’ai compris que tu me suivais !

-Pardon ?! C’est un quiproquo, un QUI-PRO-QUO ! J’suis d’ailleurs venu ici pour clarifier ça !

-Ah ouais, donc t’as fait tout ce chemin uniquement dans l’espoir de me recroiser ? »

Inaya se tut, comprenant la gaffe qu’elle venait encore de commettre.

« Oh mon dieu, je te déteste ! s’exclama-t-elle, le rouge aux joues. Cet aprem j’ai repensé à notre conversation et je me suis dit que j’avais peut-être été trop méchante…

-Tu crois ?

-Je me suis dit qu’il fallait peut-être que je m’excuse parce que j’avais dépassé les bornes… Mais en fait non ! Tu mérites clairement pas mes excuses ! »

Il ricana à nouveau.

« Et en plus t’oses te moquer de moi ?!

-Pas du tout ! rétorqua-t-il d’un clin d’œil ironique.

-Bref, sache que je suis pas une stalkeuse ! On s’est beaucoup croisé récemment, c’est vrai que ça peut porter à confusion, mais c’était uniquement des coïncidences ok ?!

-J’en doute pas !

-Mets-toi bien ça dans le crâne la prochaine fois qu’on se verra !

-Trop mignonne, t’espères déjà qu’on se recroise bientôt ! »

Inaya râla en se tapotant le cuir chevelu :

« C’est bon j’en ai ma claque ! Je m’en vais ! »

Elle s’enfuit en courant, très embarrassée.

« Je le déteste ! Lui ou tous les hommes, je les hais vraiment ! »

De son côté, Aaron ne put s’empêcher de scruter son interlocutrice fuyante. Il esquissa son sourire habituel, avant de rajouter :

« Elle est vraiment étrange… »