Chapitre 10
Inaya observait son interlocuteur avec insistance, attendant patiemment une réponse de sa part.
« Du coup ?
-Euh, comment dire… » bafoua-t-il.
Le brun tenta de se justifier piètrement, s’enfonçant davantage dans son mensonge, ce qui agaça Inaya.
« Laisse tomber, tu sais pas mentir, reprit-elle.
-Je sais, soupira-t-il. Mais t’es pas très forte pour ça non plus !
-Je sais ! » gloussa-t-elle.
Les deux étudiants décidèrent alors de se rasseoir près du mur pour s’expliquer.
« Et si tu me racontais tout maintenant ? demanda la jeune fille, intriguée.
-Si on veut être cohérent chronologiquement, c’est toi qui devrais commencer…
-Bon d’accord, si tu veux ! »
Inaya, euphorique au premier abord, se souvint de tout le cheminement qui l’avait poussée à commettre un tel acte. Le rouge lui monta alors aux joues.
« Euh, à la base je me sentais redevable envers toi… dit-elle en croisant ses bras timidement.
-Redevable ? Par rapport à quoi ? répliqua Aaron en arquant un sourcil.
-Tu sais, quand tu m’as aidée avec les folles de la BU là…
-Ah ça… C’était rien, vraiment.
-Certes, mais je trouvais que j’avais été ingrate avec toi. Du coup, je voulais t’offrir quelque chose en retour…
-Oh. »
Aaron, déconcerté par la spontanéité de son interlocutrice, se mit à rougir légèrement aussi.
« Mais bref, reprit Inaya. J’avais pas vraiment d’idées, à part un bouquin vu que t’aimais lire !
-Hm…
-Mais comme je connaissais pas tes goûts, j’avais besoin de faire mon enquête tu vois ? Et en tant que bibliothécaire, j’ai accès aux dossiers de tous les étudiants…
-Donc tu t’es dit que t’allais fouiller mon dossier pour trouver mes intérêts ?
-Exactement ! »
Sur ces mots, un silence pesant se mit à régner dans la salle. Inaya ne tarda pas à l’interrompre :
« Pardon ! s’écria-t-elle alors. Je sais que j’aurais pas dû violer ton intimité ! Je recommencerai pas ! »
Aaron esquissa un sourire.
« C’est pas comme si ton intention était mauvaise, répondit-il.
-Quoi ? Alors… tu me pardonnes ? »
Avant même de répondre, le garçon dirigea sa main vers la tête d’Inaya, puis il se mit à caresser délicatement son cuir chevelu.
« Ouais, merci d’avoir voulu me faire plaisir » termina-t-il.
Le cœur d’Inaya s’accéléra.
« Oh mon dieu, songea-t-elle, embarrassée. Il est trop proche là ! »
Il finit par retirer sa main pour reprendre la conversation.
« Mais ça explique toujours pas l’histoire de la date d’emprunt.
-Ah ça, j’y viens. »
Elle prit une inspiration pour se calmer, avant d’ajouter :
« En fait, en défilant la liste de bouquins, y avait tellement de trucs différents que j’étais perdue dans mes choix. Mais à un moment, j’ai vu un essai qui aurait dû être rendu depuis longtemps…
-Ah, je crois savoir de quoi tu parles… (Il passa sa main dans ses cheveux ébène.) En fait je l’ai perdu.
-Oui, je savais qu’y avait sûrement une histoire comme ça derrière… Je voulais pas qu’on te pénalise pour ça, donc je me suis dit que j’allais décaler un peu la date pour te laisser plus de temps… »
Aaron scruta soigneusement son interlocutrice, troublé de découvrir de nouvelles facettes insoupçonnées de cette dernière.
« Elle est bien plus attentionnée qu’elle veut le faire croire… songea-t-il.
-Sauf que je ne sais comment, reprit Inaya, le patron l’a appris et a pété un câble sur moi !
-Je comprends mieux maintenant…
-Ouais, mais je me demande vraiment comment il l’a su !
-Peut-être qu’il vérifie tous les dossiers quotidiennement ?
-Non, je pense pas qu’il ait que ça à faire de ses journées…
-Alors quelqu’un a dû accéder à ta session.
-Quoi ? Comment ça ? questionna la jeune fille, interloquée.
-J’en sais rien, t’as pas des collègues avec toi qui peuvent se connecter à ton ordi ?
-Hm… »
Inaya se mit à réfléchir.
« Bah, maintenant que tu le dis… Pendant que j’étais sur ton dossier, une collègue m’a vue.
-Quoi ?
-Mais elle m’a pas engueulée hein ! Elle s’est juste contentée de me mettre en garde…
-Mouais, c’est louche quand même.
-Attends, tu crois quand même pas que ça pourrait être elle ?!
-J’en sais rien.
-Oh la peste… murmura-t-elle.
-Eh, j’ai pas dit ça ! reprit Aaron. J’y étais pas donc je peux pas parler sans preuves. Mais tu devrais essayer de tirer toute cette histoire au clair, si tu veux mon avis…
-Oui, t’as raison, je ferai ça. »
Inaya s’étira les membres.
« Bref, j’ai assez parlé comme ça ! s’exclama-t-elle. A ton tour maintenant !
-Bon, ça va être simple. »
Inaya, à son tour, ne put s’empêcher de scruter attentivement son interlocuteur, impatiente de l’écouter.
« Quand je t’ai croisée à la BU hier, t’étais pas comme d’habitude…
-Comment ça ?
-Bah je sais pas, d’habitude t’es quelqu’un d’assez dynamique et solaire…
-Oh. (Le rouge lui monta aux joues.)
-Et là, t’avais plutôt l’air déprimé… Mais bref, c’est pas le sujet ! Quelques minutes après que tu sois partie, le patron a suivi le mouvement. Du coup, j’en ai profité pour le suivre.
-Sérieusement ?
-Ouais, c’est là qu’il m’a raconté tout ce qui s’était passé.
-Il t’a vraiment tout déballé comme ça ?
-Disons que j’ai dû insister un peu. On a parlé et j’ai réussi à conclure un marché avec lui pour qu’il te réembauche.
-Un marché ? C’est-à-dire ?
-C’est pas très important… »
La jeune fille s’avança alors vers Aaron et plongea son regard violacé dans ses grands yeux azur.
« On a dit qu’on allait se raconter tout, détails inclus ! » s’écria-t-elle.
Le brun soupira, mais il se résigna face à la ténacité de l’étudiante.
« Je lui ai proposé de rembourser le bouquin…
-Quoi ?
-Trois fois son prix d’origine.
-QUOI ?! »
Inaya manqua de recracher son chocolat chaud.
« Mais… c’est de l’arnaque ! C’est totalement illégal, il a pas le droit de faire ça !
-J’avais pas vraiment le choix…
-Mais alors quel est le rapport avec la liste de la BU ?!
-Visiblement, ça lui a pas suffi…
-C’est une blague ?
-Nan, je crois que t’as piqué son égo de cinquantenaire. Il voulait pas conclure l’histoire aussi facilement, donc il a décidé de m’interdire d’accès à la BU pendant une durée indéterminée.
-Mais ça n’a rien avoir ! »
Inaya fixa Aaron d’un air ébahi. Elle n'en revenait pas. La situation avait pris une ampleur totalement disproportionnée.
« Mais.... mais pourquoi est-ce que t’as fait ça au juste ? finit-elle par demander.
-De quoi ?
-Pourquoi est-ce que tu t’es mêlé de tout ça ? T’aurais dû me laisser me faire licencier…
-C’était quand même à cause de mon essai, à la base. Et puis, je savais que tu tenais à ce job… »
La jeune fille ne rétorqua rien. Elle se contenta d’intégrer les nombreuses informations qu’elle venait de recevoir.
Au bout de quelques minutes, elle finit par sortir de son mutisme.
« Je…je suis désolée, prononça-t-elle, la tête baissée.
-Hein ? Qu’est-ce que tu racontes ?
-Tout est de ma faute… (Elle soupira.) Si je n’avais pas tenté d’accéder à ton dossier, on n’en serait pas là… »
Aaron haussa les épaules nonchalamment.
« De toute façon, c’est fait. Ça sert à rien de ressasser le passé.
-Je suis vraiment une idiote ! (Elle se tapota la tête.) Inaya tu réfléchis jamais !
-Puisque je te dis que ça sert à rien de te prendre la tête avec ça ! »
La jeune fille continua de cogiter quelques instants, rongée par la culpabilité d’avoir créé davantage de problèmes. Le brun ne put s’empêcher de l’observer.
« Elle fait la fière, mais elle est sensible dans le fond… » songea-t-il.
Après quelques minutes, Inaya releva la tête vivement.
« Bon, j’ai une idée pour me racheter !
-Quoi ? J’ai pas besoin de ça je t’ai dit !
-Non, j’insiste ! Laisse-moi t’inviter quelque part…
-Je t’ai pas aidée dans l’optique d’avoir un retour ! »
Inaya, désespérée par l’obstination du garçon, soupira.
« T’es vraiment cruel ! s’exclama-t-elle alors en faisant la moue.
-Quoi ?!
-Je fais l’effort INCOMMENSURABLE de t’inviter, moi, Inaya, présidente de la ligue anti-garçons… »
Aaron se mit à glousser.
« Et toi, tu veux même pas faire semblant d’y réfléchir, au moins ?! T’es vraiment le pire de tous…
-D’accord, d’accord, fit-il. Je ferai une exception pour cette fois.
-Quoi ? Vraiment ? demanda Inaya, surprise.
-Puisque je te le dis !
-Tu promets que tu vas venir ? insista-t-elle.
-Ouais !
-SU-PER ! » hurla-t-elle dans la pièce.
Alors qu'elle tournicotait euphoriquement autour d'elle-même, le brun s'abandonna de nouveau à ses pensées.
« Elle avait à ce point envie de se racheter... ? » se dit-il en s'ébouriffant les cheveux.
Les deux étudiants discutèrent quelques minutes supplémentaires, avant de remarquer que le temps avait défilé.
Aaron se releva vivement :
« Bon, là je dois vraiment filer en cours !
-D'acc, faut que j'y retourne aussi !
-A toute alors.
-A plus tard ! »
Sur ces mots, le garçon détala en vitesse pour rejoindre l'escalier menant aux amphithéâtres, laissant Inaya seule près de la cafétéria.
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